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151 - L’EXPANSION DES DÉSERTS,
LA BAISSE DES NAPPES PHRÉATIQUES
ET L’AUGMENTATION DES POLLUTIONS POUSSE LES GENS HORS DE CHEZ EUX

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Publication du Earth Policy Institute
Extrait de livre
23 août 2011

 

L’EXPANSION DES DÉSERTS,
LA BAISSE DES NAPPES PHRÉATIQUES
ET L’AUGMENTATION DES POLLUTIONS POUSSE LES GENS HORS DE CHEZ EUX

 

texte original:
http://www.earth-policy.org/book_bytes/2011/wotech6_ss2

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka et Pierre-Yves Longaretti

Dans des circonstances normales, les gens ne quittent leurs maisons, leurs familles et leurs communautés qu’en dernière extrémité. La dégradation de l’environnement va malheureusement provoquer des migrations de plus en plus importantes. La montée du niveau des mers () et l’apparition de tempêtes de plus en plus dévastatrices () comptent parmi les premières causes de ce phénomène ; mais l’expansion des déserts, la baisse des nappes phréatiques, et la toxicité de diverses formes de pollution et de radiations forcent également les gens à partir de chez eux.

La progression des déserts est maintenant un phénomène généralisé. Le désert du Sahara, par exemple, progresse dans toutes les directions ; au Nord, les populations du Maroc, de la Tunisie et de l’Algérie sont repoussées vers la Méditerranée. La région du Sahel, la vaste bande de savane qui sépare le sud du Sahara des forêts tropicales du centre de l’Afrique, recule devant le désert. Le désert envahit le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique, contraignant les éleveurs et les agriculteurs à migrer vers le sud et à s’entasser dans une zone productive de plus en plus restreinte. Une conférence des Nations unies sur la désertification s’est tenue en 2006 en Tunisie. Selon ses prévisions, près de 60 millions de personnes pourraient émigrer d’ici 2020 de l’Afrique subsaharienne vers l’Afrique du Nord et vers l’Europe.

En Iran, on compte déjà des milliers de villages abandonnés en raison de l’avancée du désert ou du manque d’eau. Quelques 65 millions d’hectares de terres sont menacés de désertification au Brésil, surtout dans le nord-est du pays. Au Mexique, c’est la désertification qui, chaque année, cause le départ de migrants issus des communautés rurales des régions arides et semi-arides du pays. Certains réfugiés environnementaux finissent dans les villes, d’autres traversent la frontière nord du pays pour les États-Unis. Les analystes américains estiment que le Mexique doit abandonner chaque année au désert plus de 1 000 km2 de terres agricoles.

En Chine, depuis 1950, l’expansion des déserts s’accélère à chaque décennie. L’expert Wang Tao indique qu’au cours des cinquante dernières années, près de 24 000 villages au nord et l’ouest de la Chine ont été partiellement ou entièrement abandonnés du fait de la progression du désert.

La Chine est menacée par un Dust Bowl comparable à celui qui a obligé plus de 2 millions d’habitants à quitter leurs terres aux Etats-Unis dans les années 1930. Mais en Chine, la population est bien plus importante. L’émigration chinoise pourrait se compter en dizaines de millions. Comme le faisait remarquer un rapport de l’ambassade des Etats-Unis intitulé Les raisins de la Colère en Mongolie Intérieure, « les émigrés de ce Dust Bowl chinois du 21ème siècle n’ont malheureusement pas de Californie où s’enfuir, du moins, pas en Chine. »

Les projections démographiques prévoient un accroissement de la population mondiale de plus de 2 milliards de personnes d’ici 2050 ; pour l’essentiel, les naissances auront lieu dans des pays où les nappes phréatiques sont en baisse et les migrations imposées par le manque d’eau vont se banaliser. Ces réfugiés quitteront les régions arides et semi-arides, où les populations surconsomment leurs ressources en eau et sombrent dans une forme de « pauvreté hydrologique ». Au nord-ouest de l’Inde, des villages sont abandonnés en raison de l’épuisement des nappes aquifères et l’impossibilité pour les habitants de trouver de l’eau. Le manque d’eau pourrait également contraindre au déplacement des millions de villageois du nord de la Chine, ainsi que du nord-est du Mexique.

Les évacuations provoquées par les pénuries d’eau n’ont touché jusqu’à présent que des villages, mais dans le futur des villes entières pourraient être concernées, comme par exemple Sana, capitale du Yémen, ou Quetta, capitale de la province du Baloutchistan au Pakistan. Sana, ville en forte croissance de plus de 2 millions d’habitants, manque cruellement d’eau douce. Quetta, au départ conçue pour accueillir 50 000 personnes, dépasse maintenant le million d’habitants ; leur alimentation en eau dépend exclusivement des pompages de 2 000 puits dans une nappe phréatique que l’on pense être fossile. Quetta sera bientôt «une ville morte », selon les termes employés dans une étude consacrée à l’évaluation de ses ressources en eau.

Deux autres pays semi-arides du Moyen-Orient, la Syrie et l’Irak, souffrent de pénuries d’eau. Avec l’assèchement de leurs puits d’irrigation, tous deux commencent à payer les conséquences du surpompage de leurs aquifères. En Syrie, 160 villages ont dû être abandonnés à cause de ce phénomène. Un rapport de l’ONU évalue à plus de 100 000 le nombre de personnes déracinées par les pénuries d’eau dans le Nord de l’Irak.

Une dernière catégorie de réfugiés environnementaux n’existe que depuis environ 50 ans. Il s’agit de populations qui fuient les zones exposées aux déchets toxiques ou à des niveaux dangereux de radiation. A la fin des années 1970, Love Canal, une petite ville au Nord de l’état de New York, construite en partie au dessus d’une décharge de déchets toxiques, a beaucoup fait parler d’elle dans les médias nationaux et internationaux. A partir d’août 1978, les familles furent relogées aux frais du gouvernement et leurs maisons dédommagées au prix du marché. En octobre 1980, 950 familles au total avaient été définitivement relogées. Quelques années plus tard, les 2 000 habitants de Times Beach, dans le Missouri, ont été relogés après que l’Agence de Protection de l’Environnement des Etats-Unis a relevé des taux de dioxine bien supérieurs aux normes de santé publique.

Si la présence dans l’environnement de polluants toxiques a conduit les Etats-Unis à déplacer la population de deux agglomérations, plus de 450 « villages du cancer » identifiés en Chine laissent que des centaines de communautés urbaines ou rurales devront être évacuées dans ce pays. Les statistiques du Ministère de la Santé chinois montrent que le cancer est désormais la première cause de mortalité () du pays. En raison de l’absence presque total de contrôle du niveau de pollution, l’ensemble des agglomérations à proximité des industries chimiques connait des taux de cancer sans précédent. Les jeunes quittent massivement ces régions pour les villes à la recherche d’un travail et d’un environnement plus sain. Mais de nombreux autres habitants, trop malades ou trop pauvres, sont condamnés à rester sur place.

La catastrophe de la centrale nucléaire de Tchernobyl près de Kiev, en avril 1986, est la cause d’une autre vague tristement célèbre de réfugiés environnementaux. L’explosion initiale a provoqué un gigantesque incendie dans la centrale, qui a duré une dizaine de jours. Des quantités colossales de matières radioactives ont été projetées dans l’atmosphère et d’importantes retombées ont touché les villes et les villages de la région. Les 350 400 habitants de la ville voisine de Pripyat et des alentours en Ukraine, en Biélorussie et en Russie ont dû être évacués et relogés. En 1992, six ans après l’accident, la Biélorussie consacrait 20 % de son budget national à la réinstallation des réfugiés et aux nombreux autres coûts générés par l’accident.

Le tremblement de terre et le tsunami dévastateurs qui ont frappé le Japon en mars dernier ont provoqué une catastrophe nucléaire sans précédent à la centrale de Fukushima, forçant des dizaines de milliers de personnes à quitter leurs maisons. Pour l’instant, il est impossible de savoir si elles seront en mesure de revenir un jour chez elles.

L’identification des facteurs qui sont à l’origine des flux de réfugiés observés aujourd’hui n’est pas toujours chose facile. Dégradations environnementales et pressions économiques sont souvent étroitement liées. Cependant, quelle que soit la raison qui les pousse à partir, les gens se lancent dans des actions de plus en plus désespérées. Certaines de leurs histoires () sont poignantes au-delà de tout ce qu’il est possible d’imaginer.

D’une manière générale, les réfugiés environnementaux migrent des pays pauvres vers les pays riches, en provenance d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine à destination de l’Amérique du Nord et de l’Europe. Des déplacements transfrontaliers massifs, souvent illégaux, touchent déjà certains pays. Les États-Unis érigent une clôture le long de la frontière avec le Mexique. Des navires patrouillent maintenant systématiquement en mer Méditerranée pour tenter d’intercepter les embarcations de migrants africains en partance pour l’Europe. L’Inde, avec un flux régulier de migrants en provenance du Bangladesh et la perspective de millions d’autres à venir, construit une clôture de 10 mètres de haut le long de leur frontière commune.

Le temps est peut-être venu pour les gouvernements d’examiner s’il ne serait pas moins coûteux et plus humain de s’attaquer en amont aux causes de l’immigration plutôt que de tenter de la gérer par la suite. Un tournant politique de ce type passe par une collaboration avec les pays en voie de développement pour restaurer les écosystèmes sur lesquels repose leur économie – les sols, les pâturages, les forêts. Il s’agit également de favoriser la transition vers des familles moins nombreuses () pour aider les populations à sortir de la pauvreté. Traiter les symptômes plutôt que les causes est aussi inefficace en matière de politique publique qu’en matière de médecine.

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Adapté de World on the Edge par Lester R. Brown. Ouvrage complet disponible en ligne sur: http://www.earth-policy.org/books/wote.

La version française du livre, intitulée Basculement, co-éditée par les Editions de l’Echiquier et le Souffle Court est disponible depuis le 6 octobre 2011 en France.

N’hésitez pas à transmettre cette information aux amis, membres de la famille, et collègues !

Pour s’abonner aux traductions des mises à jour du Plan B de l’Earth Policy Institute:
http://www.ecologik-business.com/inscription-newsleter-lester-brown.html

L’association Alternative Planétaire est le relais en France des idées et du travail de l’Earth Policy Institute:
http://www.alternativeplanetaire.com

Information complémentaire: www.earthpolicy.org

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