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150 - LES ÉVÉNEMENTS CLIMATIQUES EXTRÊMES
GROSSISSENT LES RANGS DES RÉFUGIÉS

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Publication du Earth Policy Institute
Extrait de livre
15 août 2011

 

LES ÉVÉNEMENTS CLIMATIQUES EXTRÊMES GROSSISSENT LES RANGS DES RÉFUGIÉS

 

texte original:
http://www.earth-policy.org/book_bytes/2011/wotech6_ss1

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka et Pierre-Yves Longaretti

Fin août 2005, à l’approche de l’ouragan Katrina, plus d’un million de personnes ont été évacuées de la Nouvelle-Orléans et des petites villes et communautés rurales du Golfe du Mexique. Après le passage de l’ouragan, on s’attendait, comme lors des tempêtes précédentes, à ce que les habitants évacués rentrent chez eux pour réparer et reconstruire. Si 700 000 personnes sont bien revenues, près de 300 000 ne sont toujours pas rentrées et ne prévoient pas de le faire. La plupart n’ont plus de domicile et ont perdu leur travail. Ce ne sont plus des évacués, mais des réfugiés climatiques : la première vague importante de réfugiés climatiques de notre temps.

L’augmentation du flot de réfugiés environnementaux est une des caractéristiques de notre époque. Ces populations fuient les conséquences du réchauffement climatique, notamment la montée du niveau des mers et l’occurrence de tempêtes de plus en plus destructrices. Il est probable qu’au cours de ce siècle la montée des eaux atteigne près de 2 mètres. Une élévation d’un seul mètre inonderait en partie de nombreuses villes côtières situées à basse altitude, de même que les deltas de grands fleuves et les États insulaires de faible élévation moyenne. Les premiers réfugiés seront ces millions de familles asiatiques vivant de la culture du riz dans les deltas des fleuves, dont les terres se retrouveront en dessous du niveau de la mer.

Les réfugiés chassés par la montée des eaux seront principalement issus des villes côtières. Londres, New York, Washington, Miami, Shanghai, Calcutta, Le Caire et Tokyo figureront parmi les premières villes touchées. Si l’élévation du niveau de la mer ne peut être maîtrisée, les villes devront se résoudre à construire des digues pour bloquer sa progression ou à planifier le relogement de leurs habitants.

Les deltas des fleuves abritent certaines des populations les plus nombreuses et exposées, notamment celles des deltas du Mékong, de l’Irrawaddy en Birmanie, du Niger, du Nil, du Mississippi, du Yang-Tseu-Kiang, du Gange et du Brahmapoutre. Un accroissement de 2 mètres du niveau de la mer provoquerait le déplacement de 15 millions de Bangladais habitant les deltas très densément peuplés du Gange et du Brahmapoutre. Basée à Londres, la fondation Environmental Justice souligne que « l’élévation d’un mètre du niveau de la mer modifierait jusqu’à 70 % de la bordure côtière du Nigeria et toucherait plus de 2,7 millions d’hectares. L’Égypte perdrait au moins 2 millions d’hectares dans le delta particulièrement fertile du Nil, ce qui provoquerait le déplacement de 8 à 10 millions de personnes dont la quasi-totalité de la population d’Alexandrie».

Les îles basses seront aussi durement touchées. Les 39 membres de l’Alliance des petits États insulaires (Alliance of Small Island States, AOSIS) s’attendent à perdre tout ou partie de leurs territoires en raison de la montée du niveau des mers. Les îles les plus menacées à très court terme sont les Tuvalu, les Kiribati et les îles Marshall dans le Pacifique, et les Maldives dans l’océan Indien. Bien avant d’être totalement submergés, les habitants de ces îles doivent faire face à l’intrusion d’eau salée qui contamine leur eau potable et rend impossible la survie des plantes à racines profondes. À terme, toutes les cultures seront condamnées.

Près de 3 000 des 10 000 habitants des Tuvalu ont déjà émigré en Nouvelle-Zélande et cherchent du travail dans le cadre d’un programme migratoire dédié. Pour les populations plus importantes (comme les 300 000 habitants des Maldives), émigrer ailleurs sera plus compliqué. Le président des Maldives consacre toute son énergie à tenter d’acheter des terres où son peuple pourrait émigrer.

À la suite du tsunami de 2004 qui a ravagé l’Indonésie, le gouvernement des Maldives a décidé d’organiser un « repli programmé » en déplaçant la population des quelque 200 îles les plus basses vers une douzaine d’autres plus élevées ; l’altitude de ces dernières ne dépasse cependant pas 2,5 mètres. En prévision de la montée du niveau de la mer, le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée a également déplacé 1 000 habitants des îles Carteret vers l’île plus grande de Bougainville.

Parallèlement au bouleversement social et à l’anéantissement individuel que vivent les populations qui voient leur pays envahi par la mer, des questions légales restent à résoudre. Quand un pays cesse-t-il légalement d’exister ? Quand il n’y a plus de gouvernement en exercice, ou quand le pays a disparu sous les eaux ? À partir de quel moment un pays perd-il son droit de vote aux Nations unies ? Quoi qu’il en soit, la montée du niveau des mers va vraisemblablement réduire le nombre des membres de l’ONU avec la disparition des états insulaires de faible élévation.

De combien le niveau des eaux peut-il monter ? Rob Young et Orrin Pilkey indiquent dans The Rising Sea [La montée des mers] que les instances de planification urbaine de Rhode Island et Miami se basent sur une hausse minimale d’au moins un mètre à l’horizon 2100. Une étude de même type pour la Californie retient quant à elle le chiffre de 1,40 mètre d’ici la fin du siècle. Les néerlandais, pour les besoins de gestion de leur littoral, font l’hypothèse d’une montée de l’eau de 0,75 mètre en 2050.

En fait, la fonte totale de la calotte glaciaire du Groenland, dont l’épaisseur atteint par endroits plus de 1,6 km, provoquerait une montée du niveau des mers de 7 mètres. Si le même phénomène survenait en Antarctique occidentale, le niveau des mers s’élèverait de 5 mètres. Le niveau des mers s’élèverait donc de près de 12 mètres en cas de fonte de ces deux masses de glace, qui sont considérées par les scientifiques comme les plus vulnérables. Ce chiffre ne tient par ailleurs pas compte de la dilatation thermique de l’eau des océans qui accompagne son réchauffement et contribuera de façon importante à l’élévation. Une étude publiée par l’Institut International pour l’Environnement et le Développement (IIED) a analysé les conséquences d’une augmentation de 10 mètres du niveau de la mer. 634 millions de personnes vivent dans des zones littorales situées à moins de 10 mètres au-dessus du niveau de la mer, ce qu’on appelle la zone côtière à faible altitude.

Le pays le plus exposé serait la Chine et ses 144 millions de réfugiés climatiques potentiels, devant l’Inde et le Bangladesh, avec respectivement 63 et 62 millions de réfugiés. 43 millions de personnes seraient concernées au Vietnam et 42 millions en Indonésie. Parmi les 10 premiers pays de ce classement, on trouve aussi le Japon avec 30 millions de réfugiés, l’Égypte avec 26 millions et les États-Unis avec 23 millions. Certains réfugiés pourraient simplement s’installer dans leur propre pays, à plus haute altitude. Les autres, confrontés à la surpopulation à l’intérieur des terres, devraient trouver refuge à l’étranger.

La seconde catégorie de réfugiés environnementaux est elle aussi fortement liée à l’élévation globale des températures. Sous les tropiques, l’augmentation de la température des eaux de surface fournit une plus grande réserve d’énergie aux tempêtes tropicales, dont la capacité de destruction se trouve multipliée. L’effet combiné de la puissance accrue des tempêtes et des raz- de-marée qu’elles déclenchent peut être dévastateur, comme on l’a constaté à la Nouvelle-Orléans. Les régions actuellement exposées aux tempêtes les plus violentes sont l’Amérique centrale, les Antilles et les côtes américaines de l’Atlantique et du Golfe du Mexique, l’est et le sud-est du continent asiatique : en particulier les Philippines, Taiwan, le Japon, la Chine et le Vietnam, ainsi que le Golfe du Bengale, notamment le Bangladesh.

À l’automne 1998, l’ouragan Mitch (l’un des plus puissants jamais enregistrés en provenance de l’Atlantique, avec des vents dépassant les 300 km/h) a frappé les côtes d’Amérique centrale. Les infrastructures de base du Honduras et du Nicaragua, ont été largement détruites. La tempête a tué 11 000 personnes et des milliers d’autres ont été portées disparues. L’ex-président du Honduras, Carlos Flores, résuma la situation de son pays en ces termes : « Ce qui a été détruit en quelques jours avait nécessité cinquante années d’efforts pour être construit». Les dégâts provoqués par cette tempête ont dépassé le PIB annuel des deux pays et ont provoqué un retour en arrière de vingt ans dans leur développement économique.

Cette première décennie du XXIème siècle a été caractérisée par un nombre exceptionnel de tempêtes particulièrement destructrices. En 2004, une dizaine de typhons ont frappé le Japon, pour un coût évalué à 10 milliards de dollars. Dans l’Atlantique, les 15 ouragans de l’année 2005 – dont Katrina – en font l’année la plus catastrophique jamais enregistrée. Elle aura coûté la bagatelle de 115 milliards de dollars aux compagnies d’assurances. A moins que nous agissions rapidement pour réduire les émissions de carbone et stabiliser le climat, les dégâts et les migrations qu’ils provoquent ne pourront qu’augmenter dans les décennies à venir.

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Adapté de World on the Edge par Lester R. Brown. Ouvrage complet disponible en ligne sur: http://www.earth-policy.org/books/wote.

La version française du livre, intitulée Basculement, co-éditée par les Editions de l’Echiquier et le Souffle Court est disponible depuis le 6 octobre 2011 en France.

N’hésitez pas à transmettre cette information aux amis, membres de la famille, et collègues !

Pour s’abonner aux traductions des mises à jour du Plan B de l’Earth Policy Institute:
http://www.ecologik-business.com/inscription-newsleter-lester-brown.html

L’association Alternative Planétaire est le relais en France des idées et du travail de l’Earth Policy Institute:
http://www.alternativeplanetaire.com

Information complémentaire: www.earthpolicy.org

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