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97 - ASSOCIER BAISSE DE L’IMPOT SUR LE REVENU ET HAUSSE DES TAXES SUR LES POLLUTIONS EST TRES RENTABLE

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Publication du Earth Policy Institute
Faits saillants
7 avril 2010 

ASSOCIER BAISSE DE L’IMPOT SUR LE REVENU ET HAUSSE DES TAXES SUR LES POLLUTIONS EST TRES RENTABLE

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti

Texte original:
http://www.earthpolicy.org/index.php?/book_bytes/2010/pb4ch10_ss2

Nous dépendons tous du marché en tant qu’acteurs du monde économique, que nous soyons consommateurs, responsables d’entreprise, décideurs politiques, ou banquiers d’investissement: celui-ci doit fournir une information juste - notamment le coût réel des produits que nous achetons - pour que le système économique fonctionne et que ses acteurs prennent de bonnes décisions.

Les marchés ignorent malheureusement en grande partie les coûts indirects des biens et services, créant ainsi une distorsion excessive de l’économie. Par exemple le prix du marché pour le charbon inclut seulement les coûts directs, correspondant à son extraction minière et à son transport jusqu’à une centrale thermique. Il n’intègre pas les coûts indirects importants associés à la pollution atmosphérique, aux pluies acides, à la destruction des écosystèmes et au changement climatique. L’information de prix ainsi fournie est mensongère. Ce type de distorsion nous fait prendre de mauvaises décisions.

La façon la plus efficace de corriger ce dysfonctionnement majeur du marché est de restructurer les impôts, en baissant l’impôt sur le revenu tout en augmentant ceux portant sur les activités destructrices pour l’environnement. Les économistes sont très favorables à ce transfert de fiscalité qui permet d’assurer que les prix des produits reflètent leurs coûts globaux pour la société.

La première étape pour mettre en place un marché sans distorsion est le calcul de ces coûts indirects. L’exemple le plus illustratif de ce processus provient peut-être d’une étude du gouvernement des États-Unis sur le tabagisme menée par le Centre pour le Contrôle et la Prévention des Maladies (Centers for Disease Control and Prevention ou CDC). En 2006, le CDC a évalué le coût du tabagisme pour la société (dont le coût du traitement des maladies liées au tabac et la perte de productivité au travail associée) à 10,47 $ par paquet de cigarettes.

Le calcul effectué donne un cadre pour fixer l’augmentation des taxes sur les cigarettes. À New York, les fumeurs payent désormais 4,25 $ de taxes locales et nationales par paquet de cigarettes. Les bénéfices sanitaires de ces augmentations d’impôts sont importants car une élévation des prix de 10 pour cent fait habituellement baisser le nombre de fumeurs de 4 pour cent.

De nombreux coûts indirects sont liés à l’utilisation de l’essence : le changement climatique, les allégements fiscaux et subventions à l’industrie pétrolière, la sécurisation des approvisionnement pétroliers, et le traitement des maladies respiratoires liées aux gaz d’échappements des automobiles... Ces coûts s’élèvent au moins à 3,20 $ par litre, selon une évaluation prudente fournie par l’ International Center for Technology Assessment (Centre International d’Evaluation Technologique). Si l’on ajoutait ces coûts sociaux ou externes au prix moyen actuel du litre d’essence (0,80 $), celui-ci grimperait aux Etats-Unis à près de 4 $. Ce sont des coûts réels que quelqu’un doit payer; ce sont nos enfants qui le feront si nous ne les assumons pas.

Le coût indirect de 3,20 $ par litre d’essence offre un point de référence pour augmenter les taxes afin que le prix reflète la vérité environnementale. Les taxes sur l’essence en Italie, en France, en Allemagne, et au Royaume-Uni (qui sont en moyenne supérieures à 0,80 € par litre) constituent une première référence intéressante. Le fait que les Etats-Unis utilisent plus d’essence que l’ensemble des 20 pays suivants au classement mondial s’explique par le niveau correspondant de taxe moyen sur l’essence inférieur à 0,10 € par litre. Les taxes élevées sur l’essence en Europe ont contribué à la mise en place d’une économie utilisant le pétrole de façon efficace, et à des investissements bien plus importants dans des transports publics de qualité, réduisant ainsi la vulnérabilité aux ruptures d’approvisionnement pétroliers.

L’introduction d’une taxe progressive sur l’essence de 0,10 $ par litre et par an, pendant les 10 prochaines années, compensée par une réduction des impôts sur le revenu, mettrait la fiscalité sur l’essence au États-Unis à 1 $ par litre soit au niveau actuellement en vigueur en Europe. Cela resterait toujours bien en dessous des 3,2 $ de coûts indirects au litre cités plus haut. Combiné à la hausse du prix de production de l’essence, ce devrait cependant être suffisant pour encourager les automobilistes à utiliser les réseaux de transports en commun dont l’efficacité est en amélioration, et à acheter des véhicules hybrides ou tout-électrique quand ceux-ci arriveront sur le marché.

Si les taxes sur l’essence en Europe, conçues pour générer des entrées fiscales et décourager la dépendance excessive au pétrole importé, étaient vues comme une taxe carbone, les 0,80 € par litre actuels correspondraient alors à une taxe de 1 240 € par tonne. C’est un niveau de taxation prodigieux, allant bien au-delà de n’importe quelle taxe carbone ou prix des permis d’émission carbone proposés jusqu’ici. Cela laisse à penser que les discussions officielles sur le prix du carbone portant sur une fourchette de 11 à 37 € la tonne sont clairement dans la partie basse de la fourchette envisageable.

Le transfert fiscal n’est pas nouveau en Europe. Un plan sur quatre ans adopté en Allemagne en 1999 a permis un transfert systématique de la fiscalité du travail vers une taxation de l’énergie. Ce plan avait permis en 2003 de réduire les émissions annuelles de dioxyde de carbone (CO2) de 20 millions de tonnes, et contribué à créer approximativement 250 000 emplois. Il a également accéléré la croissance du secteur des énergies renouvelables.

Entre 2001 et 2006, la Suède a transféré environ 1,5 milliards d’euros d’impôts sur le revenu en taxation des activités destructrices de l’environnement. Une bonne partie de ce transfert fiscal d’environ 375 € par ménage a porté sur les transports routiers, via des augmentations de taxes sur les véhicules et les carburants. La France, l’Italie, l’Espagne, et le Royaume-Uni font aussi partie des pays qui utilisent cet instrument politique. En Europe et aux Etats-Unis, les sondages indiquent qu’au moins 70 pour cent des électeurs sont favorables au transfert fiscal environnemental, une fois qu’il leur a été expliqué

Quelques 2 500 économistes, dont neuf lauréats du prix Nobel d’Economie, soutiennent le concept de transfert fiscal. Gregory Mankiw, professeur d’Economie de Harvard, et ex-président de l’Assemblée des Conseillers Économiques de George W. Bush, a écrit dans le magazine Fortune : “ réduire les impôts sur le revenu en augmentant les taxes sur l’essence conduirait à une croissance économique plus forte, à la baisse des embouteillages, à l’amélioration de la sécurité sur les routes, et à la baisse du risque d’un réchauffement climatique, le tout sans compromettre à long terme les recettes fiscales. Ceci est peut être la chose ressemblant le plus à un cadeau que les sciences économiques puissent offrir. ”

Les taxes environnementales sont aujourd’hui utilisées à diverses fins ; un certain nombre de villes taxent maintenant la circulation des voitures en centre ville. Certains gouvernements taxent simplement la propriété d’une automobile ; au Danemark, la taxe d’enregistrement à l’achat d’une voiture neuve est supérieure de 180 pour cent au prix de la voiture: une voiture neuve de 15 000 € revient 42 000 € à son acheteur. À Singapour, les taxes sur une Ford Focus vendue 10 600 € font plus que tripler son coût final qui s’élève alors à 34 200 €.

Les systèmes de permis négociables peuvent être dans certains cas une alternative à la restructuration fiscale environnementale. La principale différence est que les gouvernements définissent le niveau d’activité en laissant le marché fixer aux enchères les prix des permis octroyés. Dans le cas des taxes environnementales, par contre, le coût d’une activité destructrice pour l’environnement est incorporé dans le taux d’imposition, le niveau d’activité correspondant à ce coût étant déterminé par le marché.

L’utilisation de systèmes de permis négociables a été efficace au niveau national pour des questions aussi diverses que la limitation des prises dans une pêcherie australienne ou la réduction des émissions de soufre aux Etats-Unis ; elle souffre cependant également de sérieuses limitations. Edwin Clark, ancien économiste en chef du Conseil de la Maison Blanche en Qualité Environnementale, fait remarquer que les permis commercialisables “exigent de mettre en place des cadres réglementaires complexes, de définir leur contenu, d’établir les règles pour leur commerce, et d’empêcher d’agir les personnes qui n’en disposent pas. ” Bien que les économistes préfèrent majoritairement le transfert fiscal pour son efficacité, sa transparence et la prédictibilité des prix qu’il permet, les deux systèmes (taxes carbone et permis d’émissions) vont vraisemblablement augmenter le coût de l’utilisation de carbone, aidant ainsi à corriger le dysfonctionnement actuel du marché.

Un marché ignorant les coûts indirects dans l’évaluation des prix des biens et des services est irrationnel, stérile et suicidaire. La création d’un marché transparent qui dise la vérité écologique est essentiel pour construire une économie globale capable de progrès économique durable. Pour arriver à créer ce marché honnête, nous devons restructurer le système fiscal en réduisant les impôts sur le travail et en augmentant ceux sur les émissions de carbone et sur les autres activités préjudiciables à l’environnement ; les coûts indirects seront de ce fait inclus dans le prix du marché. Si nous pouvons faire en sorte que le marché dise la vérité, nous pourrons alors éviter d’être maintenus dans l’erreur par un système de comptabilité qui ne peut mener qu’à la ruine économique.

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Pour connaître la proposition du Plan B d’introduire une taxe carbone de $200 par tonne d’ici 2020 pour aider la stabilisation du climat, visitez http://www.earthpolicy.org/index.php?/books/pb4/PB4ch8_ss4.

Dans le prochain article, nous explorerons un autre outil: le déplacement fiscal.

Adapté du chapitre 10, “Pouvons-nous nous mobiliser assez vite?” , Plan B 4.0: Mobiliser pour sauver la Civilisation (New York: W.W. Norton & Company, 2009), de Lester R. Brown disponible en ligne sur http://www.earthpolicy.org/index.php?/books/pb4

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http://www.ecologik-business.com/inscription-newsleter-lester-brown.html

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Information complémentaire: www.earthpolicy.org

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