96 - DEREGLEMENT DE LA PLANETE : LA MONTEE DES TEMPERATURES BOULEVERSE LES RYTHMES SAISONNIERS |
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Publication du Earth Policy Institute DEREGLEMENT DE LA PLANETE : LA MONTEE DES TEMPERATURES BOULEVERSE LES RYTHMES SAISONNIERS Texte original: Un oisillon, tout juste sorti de l’oeuf, attend affamé, le bec grand ouvert, qu’un de ses parents lui apporte son premier repas ; un crocus pousse à travers la neige ; le débit des rivières est vif, alimenté par le dégel et la fonte des neiges; les mammifères endormis sortent de leur hibernation, et les premiers chants des grenouilles envahissent la nuit. Le réveil du printemps a longtemps été un sujet d’inspiration pour les poètes, les artistes et les créateurs de calendriers illustrés. Malgré la météo capricieuse caractérisant cette période (giboulées, éclaircies, pluies), certains éléments de sagesse populaire s’avéraient suffisamment valides pour être transmis de génération en génération. La première éclosion d’une espèce spécifique de fleurs, par exemple, indiquait habituellement quand pécher certaines espèces de poissons fréquentant les rivières, quand chercher des champignons, où et quand planter les cultures. La séquence de ces événements saisonniers s’organise en une danse complexe : une danse que l’on peut ne pas percevoir, jusqu’à ce que quelque chose la dérègle. Les notes méticuleuses tenues par Henry David Thoreau nous aident à mesurer le changement du printemps à Concord, dans le Massachusetts, depuis le milieu du 19ème siècle. En comparant ses observations concernant 500 espèces et variétés de plantes, avec les études récentes et des relevés intermédiaires, les chercheurs ont mis en évidence que l’éclosion du printemps a avancé en moyenne d’une semaine sur les 150 dernières années, avec la montée des températures. Les variétés de plantes qui ont avancé leur calendrier paraissent avoir prospéré au fil des années, alors que les autres se sont raréfiées. Les espèces en recul sont les marguerites, les menthes, les orchidées, les lys et les violettes. La date de floraison de certaines plantes indigènes a avancé de manière spectaculaire : le bleuet, de trois semaines, et l’oxalide jaune, d’un mois. Mais l’adaptation de ces plantes endémiques est l’exception plutôt que la règle : les dates de floraison des plantes invasives se produisent en moyenne 11 jours avant celles des plantes indigènes. Les espèces invasives exotiques paraissent s’adapter plus rapidement au réchauffement, posant un problème potentiel si cette capacité venait à provoquer la disparition de certaines variétés endémiques. Les printemps plus précoces et les étés plus tardifs sont synonymes de périodes de croissance plus longues, tant que les plantes ne succombent pas à un coup de froid inattendu où ne flétrissent pas lors du pic de température estival. Les abricotiers et les pêchers fleurissent désormais plus de 2 semaines plus tôt qu’en 1961. La floraison des pommiers dans le Nord-Est des Etats-Unis a avancé de 8 jours entre 1965 et 2001. Les pommiers ont besoin de périodes de gel avant leur floraison, et les hivers plus doux ont entraîné une baisse des récoltes. L’avancement des floraisons printanières a allongé de plusieurs semaines la saison de pollinisation à certains endroits. Mauvaise nouvelle pour les personnes souffrant d’allergies : cette tendance va vraisemblablement s’aggraver avec le réchauffement climatique. Une période de croissance plus longue pourrait être bénéfique à certaines cultures comme la betterave à sucre. Cependant, pour d’autres productions alimentaires, dont des céréales importantes comme le seigle, l’augmentation des températures de début de saison pourrait faire baisser les rendements en forçant les plantes à consacrer plus d’énergie à leur croissance végétative qu’à la production des graines destinées à l’alimentation humaine. Le redoux prématuré augmente aussi le risque de dégâts provenant de gelées tardives. Par exemple en 2007, la douceur du mois de mars a fait démarrer plus tôt la végétation dans certaines des principales régions agricoles des Etats-Unis; les froids inhabituels qui ont suivi au mois d’avril ont alors endommagé une partie de la future révolte, provoquant deux milliards de dollars de dégâts. Pour les gobe-mouches noirs qui nichent aux Pays-Bas, la date de la migration depuis leurs quartiers d’hiver dans l’ouest africain n’a pas changé, mais l’arrivée précoce du printemps les oblige à se reproduire le plus tôt possible, dès leur arrivée. Malheureusement pour eux, les chenilles qui constituent leur nourriture se sont adaptées encore plus vite, avançant leur date d’éclosion dans les bois de 15 jours en 20 ans, alors que les oiseaux ne se sont décalés que de 10 jours. Dans les endroits où les populations de chenilles culminent assez tard, le nombre de gobe-mouches a baissé de 10 pour cent ; il s’est par contre effondré de 90 pour cent dans les zones où la date d’éclosion des chenilles a le plus avancé. Un peu partout en Europe, les populations d’oiseaux qui n’ont pas décalé leur date de migration avec l’avance du Printemps ont diminué depuis les années 1990. Ceux qui accomplissent des migrations courtes semblent mieux se porter mieux que ceux venant de très loin. La douceur des hivers a même incité un nombre croissant d’oiseaux, comme la bernache cravant ou l’oie du Canada à complètement abandonner leur migration. Mais, à l’instar des récoltes précoces, les oiseaux qui restent courent le danger d’être anéantis par une soudaine période de froid. Comme en témoignent les chenilles au Pays-Bas, les insectes à courte durée de vie comptent parmi les espèces qui s’adaptent le plus vite au réchauffement climatique. En Europe centrale, où presque tous les étés depuis 1980 ont été plus chauds que la moyenne de long terme, le réchauffement a permis à certaines espèces de papillons diurnes et nocturnes de commencer plus tôt leur activité et de donner naissance à une génération supplémentaire sur l’année ; ce phénomène n’avait jamais été observé auparavant bien que les archives remontent jusqu’aux années 1850. Si dans ce cas la prédation n’augmente pas, l’explosion de population qui en résulte pourrait mettre en danger les plantes dont les papillons se nourrissent. En plus (ou au lieu) d’adapter les dates de leur cycle de vie, certains organismes ont réagi au réchauffement des températures en déplaçant leur zone d’habitat, souvent vers les pôles ou en altitude. On a déjà observé un déplacement moyen de l’habitat des oiseaux et des papillons de 6km par décennie, mais certaines espèces bougent bien plus vite. Il y a bien sûr des limitations à ces adaptations : même les espèces les plus mobiles ne peuvent pas monter plus haut en altitude que ne le permet la montagne, ou peuvent être bloquées par l’omniprésence de l’activité humaine. Toucher à un système incroyablement complexe et interconnecté est très risqué. Les quelques exemples de discordances listés plus haut illustrent en quoi un monde plus chaud sera différent de tout ce que nous avons connu. Les changements globaux sont encore trop récents pour dire avec certitude quelles espèces vont bénéficier du réchauffement climatique, et quelles espèces vont y perdre, mais certains signes indiquent que ces dernières seront les plus nombreuses. Faire baisser la température globale en réduisant les émissions de gaz à effet de serre est la seule façon d’éviter le risque de dérégler encore plus la nature. Télecharger le tableau annexe : Tendances phénologiques observées chez certaines espèces # # # Pour s’abonner aux traductions des mises à jour du Plan B de l’Earth Policy Institute: L’association Alternative Planétaire est le relais en France des idées et du travail de l’Earth Policy Institute: Information complémentaire: www.earthpolicy.org N’hésitez pas à transmettre cette information à des amis, membres de la famille, et collègues ! # # # pour plus d'informations, contactez: Contact Presse & Permissions de reproduction: Contact Recherche : Earth Policy Institute |
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