Homo Sapiens, en latin l'homme sage (ou l'homme sachant, intelligent) désigne une espèce animale apparue il y a 200 000 ans et qui trouve ses origines en Afrique. Ce qui le distingue aujourd'hui des autres espèces animales, c'est son cerveau hautement évolué capable de raisonner, d'utiliser le langage et de réfléchir sur ses propres pensées et sentiments. Vous êtes un descendant de cette lignée, capable de lire ces lignes, de les comprendre et peut être de les utiliser comme matière à réflexion !

Jusqu'en 2003, l'Homo Sapiens Sapiens, littéralement l'homme qui pense qu'il pense, désignait une branche des hominidés, celle de Cro Magnon. A partir de ce moment, des recherches génétiques l'ont définitivement distingué de l'Homo sapiens neandertalensis ( l'homme de Néanderthal).

D'où vient cet homme préhistorique des cavernes vieux de 40 000 ans, et qu'est ce qui lui a permis de devenir l'humain sophistiqué d'aujourd'hui ? Revoyons les grandes étapes de cette évolution ...

Une première migration a conduit les premiers primates d'Afrique en Europe. L'Homo Habilis, notre plus lointain ancêtre (3 millions d'années), devenu Homo Erectus a migré en Asie il y a 2 millions d'années puis en Europe il y a 1 million d'années. Primate bipède, l' Homo Erectus a libéré ses mains en n'utilisant que ses pattes arrières pour se mouvoir et a ainsi découvert l'usage des outils. Il est l'ancêtre de l'Homo Sapiens. Puis, il a domestiqué le feu.

Le substrat physique sur lequel nous sommes apparus date de 4,5 milliards d'années: la Terre. Elle même, vient de la création de l'univers il y a 14 milliards d'années. Son positionnement dans le système solaire est remarquable (luminosité, température, saisons...). Elle réunissait un faisceau de conditions qui ont vu l'apparition de la vie sous la forme des premières bactéries (donc cellules) il y a 3,5 milliards d'années dans les océans. Seulement 3 milliards d'années plus tard, les espèces se complexifient et se diversifient. Il y a 350 millions d'années, les amphibiens gagnent la terre ferme et engendrent 100 millions d'années plus tard les mammifères. Les primates évoqués plus hauts sont donc apparus très tardivement.

La première échelle temps, celle de la Terre, (puis de celle de la vie) est très dilatée comparée aux quelques millions d'années que compte notre lignée. Dans cette deuxième échelle temps, les choses sont également restées stables jusqu'à l'apparition de la civilisation moderne. C'est comme si les échelles temps étaient imbriquées les unes dans les autres avec une relation fractale. La vie a évolué mille fois plus longtemps que l'existence des hominidés. Et la période qui nous sépare de ces premiers hominidés est mille fois plus longue que  celle qui sépare le civilisation égyptienne de la civilisation globalisée du 21e siècle contemporain.

Les premiers humains vivaient en tribus, trouvant leur nourriture par la chasse et la cueillette. Cette organisation tribale a vu apparaître les premières formes d'économie, basées sur les capacités de communication et de coopération des premiers humains qui ont forgé les premières structures sociales complexes. La mobilité requise par la recherche de moyens de subsistance, ainsi que des facteurs climatiques expliquent la colonisation des cinq continents habitables.

Cette organisation humaine de peuples chasseurs-cueilleurs a duré dix fois plus longtemps que la suivante, celle de peuples agriculteurs dont les premiers sont apparus il y moins de 10 000 ans en Asie mineure. Cette nouvelle période de l'histoire humaine est parfois qualifiée de révolution néolithique par certains auteurs, tant les bouleversements apportés par l'élevage et l'agriculture ont fait évoluer le style de vie des hommes. De simples prédateurs, les hommes sont aussi devenus producteurs.

Les progrès techniques réalisés permettent une première expansion démographique. Jusqu'au 18e siècle, les terres agricoles étaient communales et les paysages agricoles comportaient des champs ouverts. Les Enclosure Acts qui sont à l'origine de remembrements à partir de 1760 en Angleterre ont regroupé et séparé physiquement les parcelles. Détenues par les Landlords, les terres agricoles ne sont alors plus communales et deviennent des propriétés privées délimitées. Cette nouvelle redistribution a favorisé le développement des machines agricoles permettant un accroissement significatif des productions. Cette évolution technique met au chômage une part importante de la main d'œuvre et enclenche la révolution industrielle.

Ces travailleurs agricoles seront attirés par les premières usines (descendantes des manufactures), qui utilisent la machine à vapeur inventée par Thomas Newcomen en 1712. Peu efficace sur le plan énergétique, elle est perfectionnée par James Watt, qui ajoute un condenseur séparé du cylindre qui réduit la consommation de charbon. Il s'associe avec son premier client Matthew Boulton, propriétaires des usines de Soho près de Birmingham. Ensemble, ils ont probablement inventé le premier business model permettant de réaliser des économies d'énergie (en l'occurrence de charbon à cette époque) chez leurs clients. Ils remplaçaient des machines de type Newcomen par les machines de Watt et se rémunéraient sur une partie des économies d'énergie réalisées.

Des centaines de milliers d'années consacrées à la chasse et à la cueillette, des milliers d'années d'agriculture et d'élevage contre seulement 250 de civilisation industrielle. Cette nouvelle forme d'économie a permis l'essor du commerce et de multiples développements technologiques, dont l'ordinateur individuel inventé par Steve Woszniak en 1976. Le temps s'accélère encore, grâce à ce dernier outil devenu interconnecté en moins de vingt ans sous la forme d'un hyper réseau appelé Internet et qui induit un autre rapport à l'information. Et qui est peut être l'embryon d'un méta cerveau (ou même d'une métaconscience ?) qui naîtra quand suffisamment d'ordinateurs (équivalents aux neurones) seront interconnectés et échangeront massivement de l'information (comme le font les synapses entre les neurones dans nos cerveaux).

Les réseaux informatiques couplés aux technologies de l'information et de la communication nous ont fait basculer en l'espace de quelques années dans une quatrième forme de civilisation, où les échanges sont devenus essentiellement immatériels. Cela a encore accéléré l'efficacité des techniques à la source des organisations sociétales précédentes. L'information est devenue immédiate, universelle et douée d'ubiquité.

Toujours prédateur, mais avec des techniques plus sophistiquées, comme l'utilisation de sonars pour la pêche, l'homme exerce une pression sans équivalent sur de nombreux milieux naturels. Dans le domaine agricole, des images satellites lui permettent de suivre l'évolution de certaines cultures. Pour ce qui touche à la production industrielle, les automates (robots) ont largement remplacé l'humain dans de nombreuses productions, ces dernières pouvant être écoulées par le biais de sites marchands très sophistiqués.
Après avoir libéré ses mains, être sorti des champs et des usines, l'homme a emprisonné son cerveau en entrant dans l'ère de la communication globale de masse. D'abord réservée aux spécialistes, la connaissance de la dégradation des milieux naturels s'est rapidement diffusée partout. Ce qui nous a permis de réaliser que ces accélérations fortuites nous ont placés dans une position fragile, celle qui nous conduit à détruire l'écosystème global qui nous a engendré. Et donc de menacer gravement la survie de notre propre espèce. Et ça ce n'est pas du tout sapiens !

 

Marc Zischka