Qu’est ce que la permapiculture ? Un néologisme forgé avec Franck Nathié lors d’un échange, pour désigner une approche de l’apiculture orientée par la permaculture.

La phrase (faussement) attribuée à Albert Einstein; « Quand l’abeille disparaitra, l’humanité n’aura plus que quelques années à vivre » est de mon point de vue strictement exacte. En effet, nous sommes dépendants de la pollinisation pour 80 % des espèces végétales qui composent notre alimentation.

Notre civilisation est engagée dans un chemin mortifère qui mène, selon les tendances actuelles, avec une certitude mathématique à son auto-destruction. Le déclin de l’abeille, et des pollinisateurs domestiques est une illustration frappante de la perte de biodiversité à laquelle nous sommes confrontés.

Mais comme toujours, face aux problèmes et défis, il existe des solutions et des voies innovantes. La permaculture en fait partie. Son approche holistique et systémique invite à partir d’une observation de l’ensemble afin de comprendre les principales interactions entre les éléments composant le système. Cette approche intègre des savoirs traditionnels et une science moderne de la conception.

Formateur consultant depuis 1996, je pratique et m’intéresse à l’apiculture depuis 2008. Mes premiers contacts avec les abeilles ont eu lieu dans un rucher associatif. Mais j’ai vite pris mon indépendance en achetant une parcelle sur laquelle j’ai installé mon propre rucher, car il était inconcevable pour moi d’introduire des acaricides dans une ruche, même pour lutter contre le varroa. Aujourd’hui, je qualifie cette conduite apicole, centrée sur la maximisation de la production de miel, d’apiculture conventionnelle (par analogie avec le terme de l’agriculture (chimique) conventionnelle.

Cela m’a ouvert à l’apiculture naturelle, une approche qui est plus centrée sur le bien être de l’abeille. Au lieu d’exploiter, la proposition est d’accompagner. L’existence de l’abeille est bien antérieure à celle de l’Homme (100 millions d’années contre 300 000 ans). Dans ce laps de temps, elle a su s’adapter seule aux évolutions de son milieu de vie. Mais à l’ère de l’anthropocène, dans laquelle nous somme entrés après la grande accélération des années 1950, la situation est fort différente. L’humain peut aider l’abeille, et s’en servir de guide et modèle pour réparer son fonctionnement pathologique.

C’est ce que m’a enseigné l’approche biodynamique à laquelle je me suis formé ensuite. Quand je parle de l’abeille maintenant, il ne s’agit pas de l’individu, mais de la colonie, qui est un super-organisme remarquable. Elle nous connecte au monde sensible et constitue un modèle d’union et de coopération extraordinaire. Quand on y réfléchit, les abeilles se nourrissent en prélevant du pollen et du nectar aux fleurs, ce qui n’engendre pas la destruction de la plante, mais au contraire, est un élément clef pour sa reproduction, donc son expansion. Elles sont l’une des rares espèces aggradant leur environnement.

Cela créé un parallèle avec la permaculture, qui est aussi une des rares approches permettant d’aggrader notre environnement. Alors si cette espèce essentielle à notre survie est en déclin, pourquoi ne pas rechercher d’autres méthodologies pour favoriser son bien être ?

Je développerai les concepts de la permapiculture, c’est à dire une conduite apicole guidée par la permaculture, dans de prochains articles consacrés au sujet. A présent je vais me limiter à préciser le concept avant d’aller dans les détails des techniques.

Tout d’abord, le socle fondamental c’est l’éthique de la permaculture. Soigner l’humain : l’abeille nous reconnecte à la nature, nous offre un modèle positif, et nous livre quantité de bienfaits par ses actions pollinisatrices et comme l’indique le Coran, « tout ce qui passe par le ventre d’une abeille devient médicament ». Par ces exemples, on comprend que l’abeille est un vecteur de soins multifonctionnel.

Ensuite, soigner la nature : la santé de l’abeille est un indicateur fiable de la santé de l’écosystème qui l’inclut. Cet indicateur nous renvoie à la nécessité d’agir pour ré-introduire de la diversité dans les écosystèmes que nous partageons avec l’abeille, ce qui sera mutuellement bénéfique. Là encore son action de pollinisation contribue au maintien des espèces végétales diversifiées qui renforcent la résilience de notre écosystème. Plus de diversité dans l’alimentation égale plus de santé. Ce principe s’applique aussi à l’abeille.

Enfin, partager équitablement les surplus invite à reconsidérer notre relation à l’abeille, ce qu’elle nous apporte, versus ce que nous lui donnons : sommes nous dans un échange équitable ? Ce que nous lui prenons sans  contrepartie lors des récoltes de miel. L’intégration du partage équitable peut nous inviter à revoir ce qui nous motive dans le lien aux abeilles. Et peut être que notre évolution nous amènera un jour à lui donner sans lui prendre ?

Au delà de ce socle éthique fondamental, la permaculture nous offre un ensemble de principes que nous pourrons utiliser pour construire une relation mutuellement bénéfique. J’y reviendrai dans les prochains articles, sans oublier de vous partager quelques enseignements de l’apiculture biodynamique … donc à bientôt !

Marc Zischka