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172 - FAIRE DIRE LA VÉRITÉ AU MARCHE

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Publication du Earth Policy Institute
Extrait du livre "Basculement"
11 avril 2012

 

FAIRE DIRE LA VÉRITÉ AU MARCHE

 

texte original : http://www.earth-policy.org/book_bytes/2012/wotech13_ss1

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka, Franck Gressier, et Frédéric Jouffroy

Réussir à dévier notre économie globale de sa trajectoire d'effondrement et de déclin implique l'atteinte de quatre objectifs : stabilisation du climat, stabilisation de la population, éradication de la pauvreté, et restauration des écosystèmes soutenant l'économie. Ces objectifs, qui constituent ensemble ceux que l'Earth Policy Institute appelle le Plan B pour sauver la civilisation, sont interdépendants. Ils sont tous incontournables pour nourrir la population mondiale, et il est peu probable que nous puissions atteindre l'un d’entre eux sans nous attaquer également aux autres.

La pierre angulaire de la restructuration économique réside dans l’incorporation des coûts externes –ou externalités- dans les prix du marché. Pour que le monde retrouve une trajectoire durable, cette intégration va nécessiter une collaboration entre économistes et responsables politiques sur les aspects techniques et fiscaux de cette réforme. Au-delà du cercle de l’économie, ce travail va réclamer une interaction avec d’autres disciplines scientifiques, notamment l’écologie, la climatologie, l’agronomie, l’hydrologie, la démographie. Sans vérité des coûts et sans transparence des marchés, il n’est pas possible de construire un modèle économique qui assure la pérennité de notre civilisation et de ses perspectives de développement humain.

Pour l’énergie notamment, l’utilisation des combustibles fossiles doit être soumise à une taxation environnementale (“ taxe carbone ”) compensée par une baisse simultanée de l’impôt sur le revenu. Quelque 2 500 économistes dont neuf prix Nobel sont favorables à ce transfert de fiscalité. Comme a pu l’écrire dans le magazine Fortune le professeur d'économie à Harvard et ancien président du conseil des experts économiques de George W. Bush, N. Gregory Mankiw : “ réduire l'impôt sur le revenu tout en augmentant la taxation de l'essence conduirait à une croissance économique plus rapide, une réduction des embouteillages, des accidents de la route et une limitation des risques liés au réchauffement planétaire, le tout sans compromettre les équilibres budgétaires à long terme. C’est sans aucun doute ce que nous pourrons jamais obtenir de mieux d’une politique économique. ”

L’incapacité du marché à refléter les coûts réels est particulièrement bien illustrée par l’exemple de l’essence. L’analyse des externalités la plus détaillée disponible dans ce domaine nous est fournie par l’International Center for Technology Assessment (Centre International d’Evaluation Technologique). Le total de ces coûts indirects, qui inclut les effets du changement climatique, les réductions d'impôts et les subventions consenties à l’industrie pétrolière, la protection militaire de l'approvisionnement en pétrole, les marées noires et le traitement des maladies respiratoires liées aux gaz d'échappement des voitures, s’élève à environ 2,30 € par litre. Additionné aux 60 centimes d’euros du prix de l’essence à la pompe aux Etats-Unis, c’est 2,90 € le litre que devrait payer le consommateur américain. Ces coûts sont réels, et doivent être assumés par quelqu’un. Si nous ne les prenons pas en charge, nos enfants devront le faire à notre place.

La rationalité de notre économie est étroitement lié à la transparence du marché, à sa capacité à intégrer les coûts réels liés à l’utilisation de l'essence et du charbon, à la déforestation, et à la surexploitation des nappes phréatiques et des pêcheries. Si nous pouvons créer un marché honnête, alors le jeu naturel des forces économiques aboutira rapidement à une restructuration du secteur de l'énergie au niveau mondial. La tarification progressive au coût réel réduira rapidement la consommation de pétrole et de charbon. A court terme, les énergies éolienne, solaire, et géothermique deviendront beaucoup moins chères que les combustibles fossiles, première cause du réchauffement climatique.

Si nous ne n'incorporons pas certaines charges dans notre comptabilité, nous courons à la faillite. Il y a dix ans, l’entreprise Enron jouissait d’un succès considérable et faisait souvent la une des magazines d'affaires. Elle a été à un moment donné la septième société la plus cotée aux États-Unis. Mais suite à certaines questions posées par une partie des investisseurs, les comptes d'Enron ont fait l’objet d’une procédure d’audit indépendante, qui a conclu que la société était en faillite. Ses actions qui se négociaient à plus de 90 $ l’unité sont tombées à moins de 1 $ en quelques mois.

Enron avait mis au point des techniques “ imaginatives ” pour ne pas incorporer certaines charges dans ses comptes. Nous faisons exactement la même chose, mais à une échelle globale. Si nous poursuivons cette pratique, nous devrons à notre tour faire face à la faillite.

Un autre défaut majeur de notre économie de marché et qu’elle ne reconnaît ni ne respecte les limites de rendement durable des écosystèmes. Considérons, par exemple, le pompage excessif des aquifères. S'il est démontré que le niveau d’une nappe phréatique baisse, la première étape devrait consister à interdire le forage de nouveaux puits. Si la nappe phréatique diminue encore, le prix de l'eau doit être fixé à un niveau tel qu’il permette de réduire son utilisation et de la stabiliser. Sans quoi on assiste à “une course à la profondeur” et les puits sont forés toujours plus profonds. Lorsque la nappe est épuisée, la bulle alimentaire qu’elle supportait éclate, ce qui entraîne une baisse des récoltes et une hausse des prix.

Le même raisonnement s’applique à la déforestation. Des incitations appropriées, telle qu'une taxe sur chaque arbre coupé, se traduiraient automatiquement par un arrêt des coupes à blanc au profit de coupes sélectives des arbres à maturité, c’est-à-dire par une protection de fait du potentiel des forêts.

Notre utilisation actuelle des combustibles fossiles est soumise à une double distorsion, dont les effets se cumulent : en premier lieu, les externalités ne sont pas incluses dans les prix, et en second lieu les gouvernements subventionnent leur utilisation dans les faits, ce qui fausse d’autant plus la donne. A l’échelle de la planète, les aides à la production et l'utilisation de combustibles fossiles s’élèvent à 500 milliards de dollars par an, à comparer aux 70 milliards de dollars alloués aux énergies renouvelables, notamment l’éolien, le solaire ; une somme qui inclut de plus l’aide aux agrocarburants. Les gouvernements injectent près de 1,4 milliard de dollars par jour dans une politique directement responsable du réchauffement climatique.

Transférer ces subventions au développement des ressources énergétiques sans impact ou presque en terme de réchauffement, comme les énergies éolienne, solaire et géothermique, aiderait à stabiliser le climat de la Terre. Réorienter les subventions destinées à la construction de routes vers la construction de trains interurbains à grande vitesse pourrait augmenter la mobilité des personnes tout en réduisant les coûts de transport et les émissions de dioxyde de carbone.

En tant que décideurs économiques (consommateurs, planificateurs de grandes entreprises, membres du gouvernement, ou banquiers d'investissement) nous dépendons tous des informations du marché pour guider nos décisions. Si le marché nous fournit une information erronée, nous prenons de mauvaises décisions ; c'est très exactement le processus dans lequel nous sommes engagés.

Nous sommes aveuglés dans un système de comptabilité qui nous mène à la faillite. Øystein Dahle, l'ancien vice-président d'Exxon pour la Norvège et la Mer du Nord, a fait un jour l remarque suivante “le communisme s'est effondré parce qu'il n'a pas permis au marché de dire la vérité économique. Le capitalisme pourrait s'effondrer parce qu'il ne permet pas au marché de dire la vérité écologique.”

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Ces informations sont une adaptation de "Basculement" de Lester R. Brown. Pour plus d'informations et de développement voir le livre complet sur : http://www.earth-policy.org.

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