Publication du Earth Policy Institute
Mise à jour du Plan B
2 Novembre 2011

LES ÉMISSIONS DE CARBONE DES ETATS-UNIS ONT BAISSÉ DE 7 % EN 4 ANS,
ET CE N’EST QU’UN DÉBUT

texte original:
http://www.earth-policy.org/plan_b_updates/2011/update101

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy, et Franck Gressier

Entre 2007 et 2011, aux Etats-Unis, les émissions de carbone provenant du charbon ont baissé de 10%, et celles venant du pétrole de 11% ; à l’inverse, celles dues au gaz naturel ont progressé de 6%. Au total, les émissions de carbone des Etats-Unis ont baissé de 7% en 4 ans, et ceci n’est qu’un début.

La chute de la consommation de charbon et de pétrole était initialement liée à la récession économique, mais la réduction de la consommation est aujourd’hui provoquée par de nouvelles et puissantes forces. Pour le charbon, le facteur essentiel est la campagne Beyond Coal (au delà du Charbon), une action nationale impressionnante coordonnée par le Sierra Club. Elle implique des centaines de groupes locaux qui s’opposent au charbon à cause de ses effets sur la santé humaine.

Dans une première phase, la campagne s’est activement opposée à la construction de nouvelles centrales thermiques à charbon. L’aversion des américains pour le charbon a été le moteur de cette initiative qui a rencontré un énorme succès et a conduit à un moratoire de fait sur les nouvelles centrales. D’après les résultats d’une enquête de l'institut de sondage "Opinion Research Corporation", seuls 3% des américains plébiscitent le charbon comme source d’électricité. Ceci n’est guère surprenant. Les émissions des centrales au charbon sont une cause majeure de maladies respiratoires (comme l’asthme infantile) et de contamination au mercure. La combustion du charbon provoque chaque année la mort de 13 200 américains, soit un chiffre supérieur au total des pertes au combat de l’armée US en 10 ans de guerre en Afghanistan et en Irak.

L’objectif de la 2ème phase de la campagne est la fermeture des centrales au charbon existantes. Sur les 492 centrales que comptent les Etats-Unis, il est déjà prévu d’en fermer 68. Beaucoup d’autres parmi les plus vieilles et les plus sales fermeront au vu des coûteux travaux d’amélioration exigés par la réglementation actuelle et à venir sur la qualité de l’air, émise par le Ministère de la Protection de l’Environnement, et qui limite les émissions de mercure, de souffre et des précurseurs de l’ozone.

En Aout 2011, l’American Economic Review - le journal économique le plus prestigieux du pays - a publié un article: (http://pubs.aeaweb.org/doi/pdfplus/10.1257/aer.101.5.1649) qui ne peut être vu que comme un épitaphe pour l’industrie du charbon. Les auteurs concluent que les pertes économiques provoquées par la pollution de l’air provenant de la combustion du charbon sont supérieures à la valeur de l’électricité produite par les centrales au charbon. Le charbon ne passe pas le cap de l’analyse coût/bénéfice, avant même de prendre en compte les coûts liés au changement climatique.

En Juillet 2011, le maire de New York Michael Bloomberg a annoncé (http://www.mikebloomberg.com/index.cfm?objectid=4D1722F5-C29C-7CA2-FCB6385366A49867) l’allocation d’une subvention de 50 millions de dollars à la campagne Beyond Coal. Le fait que ce dernier, un des hommes d’affaires qui a le mieux réussi de sa génération, dise qu’il faut arrêter le charbon, a un impact d’une toute autre importance que lorsque ces mots sont prononcés par Michael Brune, président du Sierra Club.

La tendance à la fermeture des centrales à charbon se produit à un moment ou la consommation d’électricité pour l’éclairage va chuter rapidement avec la fin de l’usage des archaïques ampoules à incandescence. En application de la loi sur l’Indépendance et la Sécurité Energétique de 2007, les ampoules à incandescence de 100 W seront retirées de la vente en janvier 2012. D’ici à janvier 2014, les ampoules de 75, 60 et 40 watts le seront à leur tour. A mesure que ces ampoules à incandescences inefficaces seront remplacées par des compactes fluorescentes et des diodes (LEDs), la consommation d’électricité pour l’éclairage pourrait chuter de 80 pour cent. Et cette conversion va se produire en grande partie en quelques années seulement.

Le Ministère de l’Energie des Etat-Unis prévoit que la consommation d’électricité par personne dans le secteur résidentiel va chuter de 5 pour cent au cours de cette décennie avec le remplacement de l’éclairage et la mise sur le marché de réfrigérateurs, chauffe eau, écrans de télévision et autres appareils électroménagers plus efficaces.

Au moment même où les centrales à charbon ferment, la production d’électricité d’origine éolienne, solaire et géothermique est en progression rapide. Au cours des 4 dernières années, plus de 400 fermes éoliennes (représentant une capacité totale de production de 27000 mégawatts) ont été raccordées au réseau, permettant de couvrir les besoins en électricité de 8 millions de foyers (les données sont accessibles sur www.earth-policy.org). Près de 300 000 mégawatts de projets éoliens sont en file d'attente pour l'accès au réseau.

Le Texas, qui fut longtemps le premier Etat pour la production pétrolière, l’est maintenant pour la production d’électricité d’origine éolienne. La production d’électricité éolienne dans l’Etat croîtra de façon spectaculaire avec la mise en service des lignes à haute tension reliant les zones ventées de l’ouest et du Nord du Texas aux grandes villes du centre et de l’est de l’Etat.

LeTexas est suivi en terme de capacité de production éolienne par l’Iowa, la Californie, le Minnesota et l’Illinois. L’Iowa, avec 20%, présente le plus fort taux de production d’électricité d’origine éolienne.

Dans le domaine des panneaux solaires, les Etats-Unis ont en développement près de 22 000 mégawatts de projets de taille industrielle, chiffre qui ne tient pas compte des installations chez les particuliers.

La fermeture des centrales à charbon diminue aussi la consommation de pétrole. Le transport du charbon des mines jusqu’aux centrales représente 40% du fret ferroviaire et sa consommation de fuel associée devrait aussi chuter avec la baisse de l'utilisation du charbon.

Une inversion d'une autre tendance lourde de croissance des émissions s’est aussi produite, avec la baisse de la consommation de pétrole au cours de ces quatre dernières années. La réduction du parc automobile américain, la baisse de consommation des nouvelles voitures et du nombre de kilomètres parcourus par véhicule en sont (entre autres) à l’origine.

La taille du parc a culminé à 250 millions de véhicules en 2008, quand le nombre de mises à la casse a dépassé celui des ventes de voitures neuves. Les ventes de voitures sont à la baisse non seulement à cause de la situation économique mais aussi parce que beaucoup de jeunes sont moins attirés par l’automobile que leurs parents.

De plus, la consommation de carburant des nouvelles voitures, qui était déjà en baisse, va bientôt chuter fortement. Les dernières normes émises exigent pour 2025 une baisse de consommation des voitures neuves de 50%, par rapport à celle de 2010. Le parc automobile des Etats-Unis devient donc chaque année de plus en efficace et consomme moins d’essence.

Le nombre de kilomètres parcourus par véhicule est en baisse à cause de la hausse du prix de l’essence, de la récession économique qui perdure, et de l’évolution en faveur des transports publics et de la bicyclette. Les bicyclettes se substituent aux voitures, avec la mise en place par les villes d’infrastructures adaptés à la pratique du vélo, comme la construction de pistes cyclables, la création de voies dédiées, et l’installation d’emplacements de stationnement sur les trottoirs.

Plusieurs villes, dont Washington, Chicago, et New York mettent en place des programmes de vélo-partage.

De plus, quand les gens partent à la retraite et n’ont plus besoin de se déplacer pour aller travailler, le nombre de kilomètres parcourus chute entre 35 et 50%. Beaucoup de baby boomers cessent aujourd’hui leur activité, et cela va aussi contribuer à faire baisser la consommation d’essence.

Avec l’arrivée sur le marché de voitures hybrides rechargeables sur secteur ou tout-électrique, l’électricité va se substituer à l’essence. Le professeur Michael McElroy d’Harvard indique dans une étude (http://harvardmagazine.com/2011/07/time-to-electrify) qu’une voiture consommant de l’électricité d’origine éolienne aurait un coût de fonctionnement équivalent à 15 centimes d’euros le litre d’essence.

Avec la chute libre des émissions de carbone du charbon provoquée par la fermeture des centrales et la baisse rapide de celles du pétrole dont l'utilisation diminue rapidement, les émissions de carbone des Etats Unis sont à la baisse puisque l'augmentation des émissions lié au gaz reste moindre.

Nous sommes aujourd’hui devant un scénario de baisse des émissions de carbone où la chute de 7 % observée depuis 2007 pourrait atteindre 20, voire 30% d’ici 2020. Si c’était le cas, les Etats Unis deviendraient un leader mondial dans la lutte pour la réduction des émissions de carbone et la stabilisation du climat.

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Le dernier livre de Lester Brown, World on the Edge, est disponible en français et en librairie sous le titre de Basculement depuis le 6 octobre 2011.

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