131 - POURQUOI LES PRIX ALIMENTAIRES MONDIAUX VONT CONTINUER À GRIMPER |
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Publication de l’Earth Policy Institute POURQUOI LES PRIX ALIMENTAIRES MONDIAUX VONT CONTINUER À GRIMPER
texte original: Lester R.Brown , traduit par Marc Zischka et Frédéric Jouffroy Les prix alimentaires mondiaux ont atteint en février 2011 le plus haut niveau jamais enregistré. Cette flambée des prix est déjà un facteur de progression de la faim et d’instabilité politique dans le monde, mais elle devrait probablement encore perdurer dans les mois à venir.
Commençons par le riz car, en tant que culture irriguée, sa production subit peu de fluctuations. La croissance annuelle moyenne de la production mondiale de riz est de 7 millions de tonnes, pour une production totale l’année passée de 452 millions de tonnes. Prenons l’hypothèse d’une hausse de la production de 10 millions de tonnes pour cette année. Le cas du blé, aujourd’hui première céréale alimentaire au niveau mondial, est beaucoup plus difficile à évaluer car une grande partie de la production n’est pas irriguée ; les rendements sont donc directement liés à la pluviométrie. La plupart de la production provient du blé d’hiver, planté en automne, qui reste en dormance pendant hiver, et reprend sa croissance au début du printemps. Nous savons que cette année, les surfaces plantées en blé sont en hausse de 3 pour cent. Nous avons aussi déjà un aperçu de l’état des cultures. Regardons d’abord les quatre grands producteurs de blé : Chine, Inde, États-Unis et Russie qui couvrent la moitié de la production mondiale. La Chine, n°1, a jusqu’à très récemment souffert de la pire sécheresse depuis 60 ans dans la région de production du blé d’hiver. Bien que la pluie et la neige à la fin février et début mars aient atténué les effets de la sécheresse, nous pourrions facilement voir la récolte de blé de la Chine passer de 115 millions de tonnes l’an dernier à 110 millions cette année. L’Inde prévoit officiellement une production de 82 millions de tonnes, soit 1 million de tonnes de plus que l’an dernier. Aux Etats-Unis, troisième producteur de blé mondial, les grandes plaines du sud souffrent de la sécheresse. À la fin février, l’état des cultures de blé d’hiver des États-Unis était parmi les pires de ces 20 dernières années. Le ministère de l’agriculture américain estime prudemment que la production passera de 60 à 56 millions de tonnes . La production de blé de la Russie devrait être en forte hausse par rapport à celle de l’année passée, dévastée par la canicule, qui était de 42 millions de tonnes. Mais un cinquième du blé d’hiver n’a pu être semé car l’automne dernier a été trop sec, ce qui signifie qu’un nombre beaucoup plus important d’agriculteurs va planter du blé de printemps à faible rendement, semé au printemps et récolté à la fin de l’été ou au début de l’automne. Avec un peu de chance, la Russie devrait pouvoir produire environ 58 millions de tonnes de blé. En rajoutant la production attendue pour le reste de la planète, sommes-nous en mesure d’égaler la production mondiale de blé de l’an dernier, soit 645 millions de tonnes ? La réponse est oui ; il apparaît en fait que nous devrions la dépasser. Le Conseil International des Céréales estime la production 2011 à 672 millions de tonnes, en hausse de 27 millions de tonnes par rapport à 2010. Ce chiffre contraste néanmoins avec l’estimation donnée par la Commission Canadienne du Blé, de 653 millions de tonnes, soit une progression de seulement 8 millions de tonnes. Pour les calculs, nous prendrons l’hypothèse d’une hausse de la production de blé de 20 millions de tonnes cette année, soit un total de 665 millions de tonnes. Regardons maintenant le maïs. Deux pays ont une importance majeure, les États-Unis et la Chine, qui représentent respectivement 40 et 20 pour cent de la production mondiale de 814 millions de tonnes de 2010. La production américaine pourrait augmenter de 25 millions de tonnes, si l’on considère l’augmentation attendue de 4 pour cent des surfaces plantées aux Etats-Unis et un rendement de 10 tonnes à hectare. La production de maïs de la Chine, qui était aux alentours de 165 millions de tonnes ces trois dernières années, a peu de chances d’augmenter, compte tenu de la situation hydrique sous tension du pays. Pour les 40 pour cent de la production restants, nous supposerons une progression de 15 millions de tonnes. La production mondiale augmenterait donc au total de 40 millions de tonnes. Récapitulons maintenant les chiffres. Nous avons besoin de 100 millions de tonnes de céréales supplémentaires rien que pour maintenir la précaire situation actuelle, et de près de 150 millions de tonnes pour rétablir un semblant de stabilité sur le marché mondial des céréales. Nous pouvons cette année compter sur une augmentation de 10 millions de tonnes de la production de riz. Nous espérons une progression de 20 millions de tonnes pour le blé, et un bond de 40 millions de tonnes pour le maïs. Nous supposerons également pour les autres céréales une croissance de la production de 10 millions de tonnes par rapport à l’an dernier. Nous aurions donc au total une augmentation de la production de 80 millions de tonnes, insuffisante pour éviter les hausses de prix.
Du côté de l’offre, il fut un temps où la production céréalière progressait presque partout. Ce monde est désormais révolu : dans un certain nombre de pays, la production de céréales est en baisse du fait de l’épuisement des aquifères et de l’érosion sévère des sols ; la hausse des températures est également un fléau ; enfin, dans certains pays avancés sur le plan agricole, il n’apparaît plus de progrès technologiques qui permettraient d’accroître encore la productivité des terres. Dans 18 pays représentant la moitié de la population mondiale, les pompages excessifs pour l’irrigation épuisent les nappes phréatiques. L’Arabie Saoudite, la Syrie et l’Irak figurent dans la liste des pays où les récoltes sont en baisse par épuisement des aquifères. Les données de la Banque Mondiale pour l’Inde indiquent que 175 millions de personnes sont nourries avec des céréales produites par sur-pompage, qui, par définition, ne peut être qu’un processus court terme. Pour la Chine, ce nombre atteint 130 millions de personnes. Dans certains pays comme la Mongolie et le Lesotho, la production céréalière a diminué au moins de moitié au cours des dernières décennies, car la grave érosion des sols a conduit à l’abandon de nombreuses terres cultivées. En Corée du Nord et en Haïti, l’érosion des sols sape tout effort d’augmentation de la production. Dans plusieurs pays de pointe en agriculture, il n’existe plus guère de potentiel de progrès d’origine technologique. Au Japon, le rendement du riz à l’hectare n’a pas augmenté depuis 16 ans. En Chine, il est désormais proche de celui du Japon, et pourrait bientôt stagner. En France, premier producteur de blé en Europe, les rendements stagnent depuis une décennie. Ces rendements en blé se sont également stabilisés en Allemagne et au Royaume-Uni. En Égypte, premier producteur africain de blé, ils ne bougent plus depuis six ans.
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