Le jonglage à trois balles n'est pas inné. Le développement durable non plus. Tous deux s'apprennent.

Ces apprentissages s'appuient sur une démarche de progrès. Les progrès viennent de la transformation des erreurs (passées) en une réalité différente (présente et à venir), plus adéquate. Les lignes temporelles sont orientées vers le futur. Elles doivent dépasser le court terme pour générer des résultats tangibles, et se situer dans un moyen et long terme. Ces deux démarches sont donc itératives: essai, erreur, analyse, action corrective, etc...

Les progrès du jongleur dépendent de la création d'un lien plus fort entre son intellect et son corps, entre son cerveau gauche et le droit. La coordination de ses mouvements se trouve améliorée. Les progrès de l'organisation engagée dans une démarche de développement durable suppose l'établissement d'un lien entre ses actions et ses impacts, son quotidien et sa responsabilité sociétale.

Les trois balles du jongleur font évidemment écho aux trois piliers du développement durable. L'action de jongler avec une balle est assez simple, tout comme l'est celle consistant à faire des affaires en prenant des décisions uniquement basées sur des critères économiques. Mais comme avec une seule balle, cela reste limité et assez frustrant. Ajouter une deuxième balle (sociale et sociétale) puis une troisième (écologique) est réalisable si la volonté et les actions sont là, conjuguées à un peu de méthode. Les résultats producteurs de satisfaction entretiennent la motivation.

Les trois balles sont dans une trajectoire. Chaque trajectoire est influencée par de nombreux paramètres : la force et la direction des lancers, la durée de l'accompagnement des balles, le moment où on les lâche, le positionnement du jongleur et les cibles virtuelles qu'il vise. De même, les actions de développement durable sont influencées par le leader de l'organisation, la vision, le contexte, les acteurs impliqués, les résultats visés, la communication, la qualité de la relation, la méthodologie et les retours d'expérience. Le jonglage et le développement durable sont donc des phénomènes complexes qui évoluent dans des espaces multidimensionnels.

Une autre similitude entre jonglage et développement durable est le centrage. Pour réussir à jongler, vous devez avoir une posture corporelle centrée, et garder la conscience de votre centre. Le mental est dans un état de concentration. Une démarche de développement durable suppose aussi une forme de centre qui est un état des lieux, un diagnostic qui met en lumière des écarts. La démarche va progressivement combler les écarts, en s'appuyant sur une éthique qui redéfinit les finalités de l'organisation.

Au delà du centre se matérialise un flux. Ce flux est constitué d'éléments en interaction. Des mouvements de balles et de mains, constituent des informations spatio-temporelles qui sont captées par le cerveau du jongleur. Le flux du développement durable est constitué d'interactions entre les hommes de l'entreprise et ses parties prenantes. Le flux du mouvement est animé par la continuité.

Pour que les mouvements soient continus, des lois d'équilibre interviennent. Par exemple, l'équilibre existant entre les mouvements adaptés et la posture centrée du jongleur. Ou celui qui harmonise l'action efficace de l'organisation et sa réflexion éthique.

Les figures qui s'enchaînent sont évolutives. Elles possèdent des degrés de difficulté variés. Le jongleur avisé les acquiert dans un ordre déterminé. Les actions de développement durable ont, de manière analogue, des degrés de difficulté variés, en termes de coûts, de résistances au changement, de rapidité de mise en oeuvre et de capacité à produire un résultat. Intégrer des balles supplémentaires exige une difficulté exponentielle, tout comme gagner les derniers pour cents d'une démarche pour devenir "totalement durable".

Un dernier point de correspondance se situe dans la dimension intégrative: le jonglage et le développement durable obéissent à des logiques conjonctives. Elles accordent autant d'importance au détail qu'au global, à la dimension humaine que technique, à l'application de méthodes qu'à la créativité. Les choix ne se posent plus en termes d'alternatives binaires, mais de combinaisons et d'adaptations de solutions existantes et d'innovation. Le "ou" devient "et", ce qui s'oppose se rassemble, et au lieu d'être en compétition, les hommes finissent par se tendre le main et coopérer.