175 - LA FUSION DU COEUR DES RÉACTEURS DE FUKUSHIMA ACCÉLÈRE LE DÉCLIN DE L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE |
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Publication du Earth Policy Institute
LA FUSION DU COEUR DES RÉACTEURS DE FUKUSHIMA ACCÉLÈRE LE DÉCLIN DE L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE
texte original : http://www.earth-policy.org/plan_b_updates/2012/update103 J. Matthew Roney, traduit par Marc Zischka, Franck Gressier, et Frédéric Jouffroy Le 5 mai, 2012, le Japon a fermé pour inspection son réacteur nucléaire Tomari 3 situé sur l’île septentrionale d’Hokkaïdo, et c'est la première fois depuis plus de 40 ans que le pays se retrouve sans aucune centrale nucléaire en fonctionnement. Le tremblement de terre, le tsunami, et en conséquence la fusion des réacteurs nucléaires de Fukushima Daiichi en mars 2011 ont brisé la confiance du public dans l'énergie atomique, rendant impossible sur le plan politique la remise en marche des réacteurs arrêtés. L’impact de la catastrophe s’est aussi propagé bien au-delà du Japon : certains pays européens ont décidé d'arrêter complètement leurs programmes nucléaires de façon progressive. Dans d'autres pays, les programmes nucléaires se poursuivent avec prudence. Il est bien possible que la production mondiale d'électricité nucléaire soit en recul et entame un déclin à long terme, au vu du vieillissement du parc mondial de réacteurs, et des retards de construction et dépassements de coûts affectant les nouvelles centrales. Avant la crise de Fukushima, le Japon comptait 54 réacteurs qui fournissaient près de 30% de son électricité, et prévoyait de porter la contribution du nucléaire à plus de 50% d'ici 2030. Mais la part d'électricité d’origine nucléaire est tombée à seulement 18% au cours de l'année 2011. Au moment du tremblement de terre et du tsunami, 16 réacteurs avaient déjà été fermés temporairement pour entretien ou inspection ; 13 autres ont subi des arrêts en urgence, dont les quatre réacteurs de Fukushima Daiichi désormais définitivement arrêtés. D'autres ont été fermés en raison de leur vulnérabilité aux séismes, ou pour inspection programmée. Le réacteur Tomari 3 ayant été arrêté, les 44 200 mégawatts de capacité nucléaire du Japon répertoriés comme “opérationnels” par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sont en fait à l’arrêt, sans date de redémarrage fixée. Après le Japon, le changement le plus spectaculaire en matière de politique énergétique nucléaire faisant suite de Fukushima, s’est produit en Allemagne. Quelques jours après la catastrophe, la chancelière Angela Merkel a annoncé que les sept réacteurs allemands les plus anciens, tous construits avant 1980, seraient immédiatement arrêtés. Et en mai 2011, le gouvernement a déclaré que l'Allemagne abandonnera entièrement l'énergie nucléaire d'ici 2022. En 2011, le nucléaire a produit 18% de l'électricité du pays, soit un chiffre en baisse par rapport au 24 % de ces dernières années et bien au-dessous du maximum de 31 % atteint en 1997. Juste avant l’annonce de cette décision de sortie progressive du nucléaire par l'Allemagne, la Suisse a abandonné un programme de construction de trois nouveaux réacteurs, qui étaient en phase d'approbation. Le gouvernement a également annoncé que les cinq réacteurs du pays, qui pendant des années ont fourni près de 40 pour cent de l’électricité seraient définitivement arrêtés avec l’arrivée à échéance de leurs licences d'exploitation au cours des 22 prochaines années. L'Italie, qui avait mis fin à son programme nucléaire après la tristement célèbre catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986, avait en 2010 décidé de le redémarrer. Mais plus de 90% des électeurs italiens ont ensuite choisi par référendum en Juin 2011 d'interdire l'énergie nucléaire. Plus tard au cours de cette année 2011, la Belgique a annoncé des prévisions d’arrêt progressif des sept réacteurs qui fournissent plus de la moitié de l'électricité du pays. Même en France, pays qui détient avec 77% le record mondial de la part d'électricité d'origine nucléaire, le président nouvellement élu François Hollande a annoncé son intention de réduire cette part à environ 50% d'ici 2025. Selon les données de l'AIEA, 13 réacteurs totalisant 11 400 mégawatts ont définitivement fermé au Japon, en Allemagne et au Royaume-Uni en 2011. Sept nouveaux réacteurs, -trois en Chine et un dans chacun des pays suivants : Inde, Iran, Pakistan, et Russie- représentant 4 000 mégawatts ont été connectés au réseau ; moins de 1 000 mégawatts l’ont été par développement ou "revalorisation" de moyens dans les centrales nucléaires existantes. En mai 2012, après la mise en service de deux nouveaux réacteurs en Corée du Sud, et l’arrêt définitif de deux autres au Royaume-Uni, les 435 réacteurs nucléaires opérationnels dans le monde fournissent une capacité totale de 370 000 mégawatts. La production réelle d'électricité nucléaire est tombée à 2 520 térawatt-heures en 2011, un chiffre inférieur de 5% à son maximum historique atteint en 2006. A l’inverse de la position de repli du Japon et de l'Allemagne, un certain nombre de pays ont réaffirmé leur engagement dans l'énergie nucléaire, tout en indiquant que la sécurité serait une priorité. Parmi eux figurent les trois pays qui construisent le plus de nouveaux réacteurs : la Chine (26), la Russie (11) et l'Inde (7). Immédiatement après l'incident de Fukushima, la Chine a suspendu son processus d'approbation de réacteurs pour revoir la sûreté des centrales existantes, mais le gouvernement a depuis indiqué que la construction des réacteurs représentant 26 600 mégawatts se poursuivrait. La Russie a toujours l'intention de doubler sa capacité nucléaire d'ici 2020, et l'Inde prévoit de multiplier la sienne par 14, pour atteindre 63 000 mégawatts d'ici à 2032. Aux Etats-Unis, qui possèdent environ le quart de la capacité de production nucléaire mondiale, le nucléaire représente 19% de la production. Le dernier réacteur américains connecté au réseau fut Watts Bar 1 en 1996. Début 2012, la U.S. Nuclear Regulatory Commission a approuvé les permis de construction pour quatre nouveaux réacteurs de 1 100 mégawatts sur deux centrales nucléaires existantes dans les états de la Géorgie du Sud et la Caroline du Sud ; ce sont les premiers permis accordés pour de nouveaux réacteurs depuis 1978. Dans cette région, les opérateurs sont autorisés à augmenter les tarifs de leurs clients pour couvrir le coût des centrales nucléaires, avant même le début des travaux. En dépit de cet avantage, ces quatre réacteurs pourraient très bien connaître les retards et l'escalade des coûts devenus habituels de cette industrie. Ainsi, par exemple, en mai 2012, Progress Energy a annoncé que le raccordement au réseau du premier de se deux réacteurs en projet en Floride serait repoussé de trois ans jusqu'en 2024. Avec ce retard, le coût prévisionnel total est passé de 17 milliards de dollars à 24 milliards de dollars. En effet, contrairement à d'autres technologies énergétiques comme les éoliennes et les panneaux solaires, dont la généralisation conduit généralement à des économies d'échelle et à une baisse des coûts, l'énergie nucléaire connaît une tendance inverse. Même la centrale la plus récente en cours d’achèvement en France (ndlt : l’EPR de Flamanville, ) aura coûté trois fois plus cher, et pour une durée de chantier deux fois plus longue, que la première centrale du pays. Les coûts de l’industrie nucléaire seraient encore plus prohibitifs si le montant des dommages et intérêts auxquels les exploitants de centrales nucléaires sont assujettis en cas de fusion du cœur du réacteur, étaient en ligne avec les estimations réalistes des préjudices potentiels. Aux États-Unis, les exploitants de centrales nucléaires cotisent à un fonds de 12 milliards de dollars utilisable en cas d'accident. Une estimation du Sandia National Laboratory indique cependant qu'un accident pourrait dans le pire des cas coûter plus de 700 milliards de dollars. La situation économique fragile de l'industrie nucléaire contribue à expliquer pourquoi la plupart des nouvelles installations nucléaires sont localisées dans des pays où le marché de l'électricité est aux mains de l'état : les investisseurs privés se méfient en effet des risques. Sur le long terme les nouvelles mises en service n’arriveront vraisemblablement pas à compenser les arrêts, car la moyenne d’age des réacteurs au niveau mondial est déjà de 27 ans, et va continuer à augmenter. Près de 180 réacteurs ont au moins 30 ans. Les 140 réacteurs déjà arrêtés définitivement avaient en moyenne 23 années de service au moment de leur arrêt. Bien que de certains réacteurs aient été autorisé à continuer à fonctionner après 40 ans – par exemple aux États-Unis pour de nombreux cas - les autorisations pourraient ne pas être aussi facilement délivrées après l’anéantissement des quatre réacteurs de Fukushima, qui avaient en moyenne 37 ans au moment de la catastrophe. Le recul réel ou non de la production d’électricité d’origine nucléaire est conditionné par un certain nombre de facteurs, dont le nombre de réacteurs japonais qui reprendront leur activité, le nombre de prolongations de licences d’exploitation de réacteurs vieillissants à travers le monde, et le rythme et l'ampleur de la rénovation des réacteurs existants. Mais indépendamment du fait que le maximum de production soit devant ou derrière nous, le faible potentiel économique et le nombre très bas des nouvelles constructions indiquent que l'énergie nucléaire est sur la voie du déclin. Au lieu de remplacer cette source d'énergie par des combustibles fossiles, ce qui augmenterait les émissions de carbone et risquerait d’entraîner un changement climatique incontrôlable, le monde devrait profiter de cette occasion pour continuer de bâtir un secteur de la production d’électricité beaucoup plus sûr, basé en grande partie sur l’éolien, le solaire et l'énergie géothermique. Nous savons que le potentiel à venir se trouve là : les principaux pays émetteurs de carbone, dont la Chine, les Etats-Unis, l'Inde, la Russie et le Japon, pourraient, en n’utilisant que leurs ressources éoliennes, répondre à leurs besoins en électricité.
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