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141 - QUAND LE NIL S'ASSÈCHE

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Publication du Earth Policy Institute
Mise à jour du Plan B
7 juin 2011

QUAND LE NIL S'ASSÈCHE

texte original:
www.earth-policy.org/plan_b_updates/2011/update97

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka

Une nouvelle ruée vers l’Afrique est en cours. Alors que les prix alimentaires mondiaux sont en hausse et que les pays exportateurs réduisent leurs livraisons, les pays qui dépendent des céréales importées sont pris de panique. Les pays riches comme l’Arabie Saoudite, la Corée du Sud, la Chine et l’Inde ont investi les plaines fertiles du continent africain, par l’acquisition de vastes étendues de terres pour produire du blé, du riz et du maïs, pour ensuite les consommer chez eux.

Certaines de ces acquisitions de terres sont énormes. La Corée du Sud, qui importe 70 pour cent de ses céréales, a acquis 688 000 hectares au Soudan pour y faire pousser du blé, soit une superficie représentant deux fois la taille de Rhode Island. En Ethiopie, une entreprise saoudienne a loué 10 000 hectares pour cultiver du riz, avec la possibilité de l’étendre à 300 000 hectares. Et l’Inde a loué plusieurs centaines de milliers d’hectares pour y cultiver du maïs, du riz et autres cultures.

Ces acquisitions de terres réduisent l’approvisionnement alimentaire dans les pays africains prédisposés à la famine et fait croître la colère des agriculteurs locaux, qui voient leurs gouvernements vendre leurs terres ancestrales aux étrangers. Elles font aussi planer une grave menace pour la plus jeune démocratie de l’Afrique : l’Egypte.

L’Egypte est un pays de mangeurs de pain. Ses citoyens consomment 18 millions de tonnes de blé par an, dont plus de la moitié vient de l’étranger. (Voir les données sur www.earth-policy.org ). L’Egypte est maintenant le premier importateur de blé mondial et la subvention du pain, pour laquelle le gouvernement dépense environ 2 milliards de dollars par an, est considérée comme un droit par plus de 60 pour cent des familles égyptiennes qui en dépendent.

L’Egypte tente de façonner une démocratie qui fonctionne après le départ du président Hosni Moubarak, mais l’accaparement des terres au sud met en péril sa capacité à mettre du pain sur la table parce que toutes les céréales de l’Egypte sont soit importées ou produites avec de l’eau du Nil, qui coule vers le nord à travers l’Ethiopie et le Soudan avant d’atteindre l’Egypte. Comme les précipitations en Egypte sont négligeables, voire nulles, son agriculture est totalement dépendante du Nil.

Malheureusement pour l’Egypte, deux des cibles favorites des acquisitions de terres sont l’Ethiopie et le Soudan, qui, ensemble, occupent les trois quarts du bassin du fleuve Nil. Aujourd’hui, les demandes en l’eau sont telles qu’il reste peu d’eau dans le fleuve avant qu’il se jette finalement dans la Méditerranée.

L’accord sur les eaux du Nil, que l’Égypte et le Soudan ont signé en 1959, a donné à l’Egypte 75 pour cent du débit de la rivière, 25 pour cent au Soudan et rien à l’Éthiopie. Cette situation évolue brusquement quand des riches gouvernements étrangers et des entreprises agro-industrielles internationales obtiennent de grandes étendues de terres arables dans le bassin supérieur. Bien que ces offres sont généralement décrites comme des acquisitions de terres, elles sont aussi, en effet, des acquisitions d’eau.

Maintenant, quand il est en concurrence pour l’eau du Nil, Le Caire doit faire face à plusieurs gouvernements et des intérêts commerciaux qui ne font pas partie de l’accord de 1959. En outre, l’Éthiopie, qui n’a jamais aimé cet accord, a annoncé des plans pour construire un énorme barrage hydroélectrique sur son bras du Nil, qui réduirait encore plus le débit de l’eau vers l’Egypte.

Le potentiel pour augmenter la productivité des terres est réduit parce que les rendements de blé de l’Egypte sont déjà parmi les plus élevés du monde. Avec une population de 81 millions d’habitants, qui devrait atteindre 101 millions en 2025, trouver suffisamment de nourriture et d’eau devient un défi conséquent.

La situation désespérée de l’Egypte pourrait faire partie d’un scénario plus grand, plus inquiétant. Ses voisins en amont du Nil (le Soudan, avec 44 millions de personnes, et l’Ethiopie, avec 83 millions), grandissent encore plus rapidement, augmentant le besoin d’eau pour produire de la nourriture. Les projections des Nations Unies montrent que la population combinée de ces trois pays de 208 millions aujourd’hui, augmenterait à 272 millions en 2025 et 360 millions d’ici 2050.

La demande croissante en eau, alimentée par la croissance de la population et les acquisitions étrangères de terre (et d’eau), mettent à rude épreuve les limites naturelles du Nil. Eviter des conflits dangereux sur l’eau implique trois initiatives à l’échelle du bassin. La première est pour les gouvernements : contrer de front la menace démographique en faisant en sorte que toutes les femmes aient accès aux services de planification familiale et en éduquant les filles dans toute la région. La seconde consiste à adopter des technologies d’irrigation plus efficaces en eau et de passer à des cultures moins intensives en eau.

Enfin, pour l’amour de la paix et la future coopération au développement, les nations du bassin du Nil doivent se réunir pour interdire l’accaparement des terres par les gouvernements étrangers et les entreprises agro-industrielles. Comme il n’existe pas de précédent, l’aide internationale dans la négociation d’une telle interdiction, semblable à la Banque mondiale facilitant le Traité des eaux de l’Indus en 1960, entre l’Inde et le Pakistan, sera probablement nécessaire pour en faire une réalité.

Aucune de ces initiatives ne sera facile à mettre en œuvre, mais toutes sont indispensables. Sans elles, la hausse des prix du pain pourrait porter atteinte à la révolution d’espoir en Egypte et la concurrence pour l’eau du Nil pourrait s’avérer mortelle.

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