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127 - RÉTABLIR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE POUR TOUS
RÉCLAME DES ACTIONS SUR DE NOMBREUX FRONTS

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Publication de l’Earth Policy Institute
Extrait de livre
2 février 2011

RÉTABLIR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE POUR TOUS
RÉCLAME DES ACTIONS SUR DE NOMBREUX FRONTS

 

texte original:
http://www.earth-policy.org/book_bytes/2011/wotech12_ss5

Lester R. Brown , traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti

Trois facteurs sont aujourd’hui à l’origine de l’augmentation de la demande alimentaire : la croissance démographique, l’augmentation du niveau de vie et sa traduction en consommation de viande, de lait et d’œufs, et enfin l’utilisation de céréales pour la production d’agro-carburants.

L’expansion démographique de l’humanité est aussi ancienne que l’agriculture elle-même, mais elle atteint des sommets de nos jours avec une augmentation de près de 80 millions de personnes par an. Plus inquiétant, cette croissance démographique se produit en quasi-totalité dans des pays déjà confrontés à un manque de terres cultivables, à l’érosion des sols et à l’assèchement des puits d’irrigation.

Alors même que la population augmente, près de 3 milliards de personnes aspirent à améliorer leur alimentation notamment en produits d’origine animale. Cette tendance accroit la demande indirecte en céréales, dont la consommation varie de fait avec le revenu, passant d’environ 180 kilogrammes en Inde, à près de 725 kilogrammes aux Etats-Unis, où le régime alimentaire est très riche en viande et en produits laitiers.

Les Etats-Unis ont tenté de réduire leur dépendance au pétrole en transformant des céréales en éthanol. Cette politique s’est traduite par un bond dans la croissance annuelle de la demande mondiale en céréales : de 20 millions de tonnes par an, celle-ci a soudain franchi les 50 millions de tonnes en 2007. Sur les 416 millions de tonnes de céréales récoltées en 2009 aux USA, 119 millions ont été converties en éthanol, soit plus que l’ensemble des récoltes céréalières du Canada et d’Australie. Cet investissement massif dans les distilleries d’éthanol a déclenché une concurrence sans précédent entre les usages énergétiques et alimentaires des céréales.

Si l’on examine maintenant l’équilibre alimentaire non plus du point de vue de la demande mais de celui de l’offre, il apparaît qu’augmenter la production pour faire face à la croissance de la demande est un défi de plus en plus difficile à relever. Les barrières sont multiples : érosion des sols, épuisement des nappes phréatiques, multiplication de canicules affectant les récoltes, fonte des calottes glaciaires et des glaciers de montagne, et enfin détournement de l’eau d’irrigation au profit des zones urbaines.

Les surfaces cultivées diminuent au profit des usages non agricoles. Les populations et les parcs automobiles sont non seulement en concurrence en terme d’utilisation des récoltes mais aussi plus directement en terme d’usage des sols. La surface de bitume aux USA couvre une superficie supérieure à la moitié de celle de l’Italie. Une augmentation du parc automobile américain de 5 véhicules conduit à l’artificialisation d’une surface équivalente à celle d’un terrain de football américain (4 000 m2).

En Chine, les implications de cette relation entre automobiles et terres agricoles sont inquiétantes. Pour la première fois en 2009, les ventes d’automobiles en Chine ont dépassé celles des Etats-Unis. Si le taux d’équipement des chinois devait atteindre celui de 3 voitures pour 4 personnes caractéristique des USA, on compterait plus d’un milliard de véhicules en Chine, soit plus que la totalité de la flotte mondiale actuelle. La surface qui devrait être aménagée pour faire rouler cette flotte représenterait les 2/3 de la surface actuelle des rizières du pays.

La pression sur les terres agricoles au niveau mondial est d’autant plus forte du fait de la demande accrue en soja. Cette culture est devenue indispensable à la production de viande, de lait et d’œufs : l’ajout de soja dans l’alimentation du bétail et de la volaille améliore nettement l’efficacité de conversion en protéines animales des céréales qu’ils ingèrent. De ce fait, la consommation mondiale de soja a explosé, passant de 17 millions de tonnes en 1950 à 252 millions de tonnes en 2010, soit une progression d’un facteur 15.

C’est en Chine, pays dont cette culture est originaire, que la hausse de la demande en soja est la plus forte. Il y a peu, en 1995, la Chine produisait 14 millions de tonnes de soja et en consommait autant ; en 2010, sa production était inchangée mais sa consommation a atteint un niveau record de 64 millions de tonnes. La moitié des exportations mondiales de soja est de fait aujourd’hui destinée à la Chine.

La demande en soja augmente, mais les progrès de l’agronomie ne se sont pas traduits par une progression suffisante des rendements, et l’augmentation de la production mondiale se fait donc par un accroissement des surfaces cultivées. La culture du soja accapare les terres agricoles. aux Etats-Unis, au Brésil et en Argentine ; ces pays représentent à eux trois les quatre cinquièmes de la production mondiale de soja et 90 pour cent des exportations.

Autrefois, la sécurité alimentaire relevait de la seule responsabilité du ministère de l’agriculture. De nos jours, ce ministère, quel que soit sa compétence, ne peut plus suffire à cette tâche. Par exemple, les efforts déployés en termes de santé publique et de planning familial pour réduire la natalité peuvent avoir plus d’impact sur la sécurité alimentaire future que la politique du ministère de l’agriculture sur l’augmentation de la productivité des sols.

De même, si les politiques énergétiques des différents pays ne s’orientent pas vers une réduction rapide des émissions de carbone, les vagues de chaleur liées au réchauffement climatique pourront provoquer des chutes brutales et imprévisibles des récoltes. Préserver les glaciers de montagne dont la fonte irrigue une grande partie des terres cultivées en Chine et en Inde pendant la saison sèche relève aussi la responsabilité du ministre de l’énergie, et pas seulement celle du ministre de l’agriculture.

Sans coopération internationale des ministres de l’agriculture et des forêts sur la restauration de la couverture forestière en vue d’une réduction des inondations et de l’érosion des sols, les récoltes de céréales vont non seulement diminuer dans les petits pays comme Haïti et la Mongolie, comme c’est déjà le cas, mais aussi dans les grands pays exportateurs de blé, comme la Russie et l’Argentine.

Là où les pénuries d’eau se traduisent par une réduction de la production alimentaire, les ministères chargés des ressources en eau devront tout faire pour en augmenter la productivité. Pour l’eau, comme pour l’énergie, le principal défi est maintenant d’augmenter l’efficacité et non d’assurer l’expansion des approvisionnements.

Dans un monde où les terres cultivées sont de plus en plus rares, les décisions prises en terme de politique des transports affecteront directement la sécurité alimentaire mondiale, en fonction des arbitrages entre automobile et transports publics, qui ont des impacts très différents en terme d’usage des sols.

Au final, les ministères des finances doivent ré affecter les ressources d’une manière qui intègre les nouvelles menaces sur la sécurité intérieure posées par la détérioration des écosystèmes et des services qu’ils rendent à l’agriculture, la poursuite de la croissance démographique, le changement climatique d’origine anthropique, et l’expansion des pénuries d’eau. Puisque de nombreux ministères du gouvernement sont impliqués, c’est au chef de l’Etat qu’incombe la responsabilité de redéfinir les contours de cette nouvelle notion de sécurité nationale.

Au niveau international, nous devons résoudre la menace posée par l’instabilité climatique croissante et l’instabilité concomitante des prix alimentaires. Le triplement des prix du blé, du riz, du maïs et du soja entre 2007 et 2008 a mis une énorme pression sur les gouvernements et les populations les plus pauvres. Cette volatilité des prix affecte aussi les producteurs, car l’incertitude sur les prix décourage les investissements dans le milieu agricole.

Face à cette situation délétère, un nouveau mécanisme de stabilisation des prix mondiaux des céréales est nécessaire, comme une Banque Mondiale de l’Alimentation (BMA). Cet organisme devrait fixer un prix de soutien et un prix plafond pour le blé, le riz et le maïs. La BMA se porterait acquéreur sur le marché des céréales lorsque les prix tendent vers le niveau de soutien, et les revendrait sur le marché lorsque les prix se rapprochent du niveau plafond, en modérant ainsi les fluctuations de prix, ce qui est autant dans l’intérêt des consommateurs que des producteurs.

Une façon simple d’améliorer la sécurité alimentaire mondiale serait que les États-Unis suppriment les aides à la production d’éthanol, et abrogent les objectifs fixés sur ce plan, qui sont la cause directe de la conversion de céréales en carburant. Cela contribuerait à stabiliser les prix des céréales et redonner des marges de manœuvre pour renverser les tendances environnementales et démographiques qui compromettent notre avenir collectif. Cela aiderait aussi à détendre les tensions politiques sur la sécurité alimentaire qui se sont fait jour dans les pays importateurs.

Enfin, nous avons aussi tous un rôle à jouer en tant qu’individus. Se rendre au travail en vélo, en bus ou en voiture a une incidence sur les émissions de carbone, et donc sur le changement climatique et indirectement sur la sécurité alimentaire mondiale. La taille de notre voiture affecte indirectement le montant de la facture au supermarché, de par l’impact de ses émissions de gaz à effet de serre sur le climat. Au niveau familial, nous devons limiter notre descendance à deux enfants. Et si notre alimentation est très riche, diminuer notre consommation de viande va améliorer notre santé tout en contribuant indirectement à stabiliser le climat en réduisant notre consommation indirecte de céréales. La sécurité alimentaire est enjeu qui nous concerne tous, et qui relève aussi de notre responsabilité.

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