83 - LA DEMANDE CROISSANTE EN SOJA MENACE LA FORET AMAZONIENNE |
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Nouvelles du Earth Policy Institute LA DEMANDE CROISSANTE EN SOJA MENACE LA FORET AMAZONIENNE Texte original: La culture du soja a débuté il y a près de 3000 ans dans l’Est de la Chine ; les premières pousses de soja ont fait leur apparition d’Amérique du Nord en 1765. Le soja occupe aujourd’hui aux États-Unis plus de surface agricole que le blé ; et au Brésil, où sa culture s’étend encore plus vite, le soja est en train d’envahir la forêt tropicale Amazonienne. Pendant près de deux siècles après son introduction aux Etats-Unis, le soja est resté cultivé à titre de curiosité ; et puis, dans les années 1950, le redressement de l'Europe et du Japon après la guerre, et l’accélération de la croissance économique aux Etats-Unis, ont provoqué l’augmentation de la demande en viande, en lait et en œufs. Le manque de pâturages pour ces nouvelles productions de viande et de lait a conduit les éleveurs à se tourner vers les céréales pour augmenter, non seulement ces productions, mais aussi celles de porcs, de volaille et d'œufs. En 1950, la consommation mondiale de viande, qui s’élevait à 44 millions de tonnes, avait déjà commencé sa progression qui l’emmènerait en 2009 à 280 millions de tonnes, soit une multiplication par un facteur 6. C'est une découverte des spécialistes de la nutrition animale qui a permis cette expansion : une alimentation associant une part de farine de soja à quatre parts de céréales augmente de façon spectaculaire l'efficacité avec laquelle le bétail et les volailles transforment les céréales en protéines animales. Cette découverte a provoqué une croissance rapide du marché du soja à partir du milieu du vingtième siècle. Le soja a trouvé sa valeur agricole, lui permettant de rejoindre le blé, le riz, et le maïs au classement des principales récoltes mondiales. La production américaine de soja a explosé après la deuxième guerre mondiale. En 1960, cette production était environ trois fois celle de la Chine; en 1970, les Etats-Unis produisaient les trois-quarts du soja mondial, et étaient virtuellement les seuls à l’exporter ; et en 1995, la surface de soja cultivée au Etats-Unis, en forte progression, est passée devant celle du blé. Au milieu des années 70, les prix mondiaux des céréales et du soja se sont mis à augmenter, et les Etats-Unis ont décrété un embargo sur leurs exportations de soja comme moyen d’action pour limiter l'inflation des prix de denrées alimentaires sur leur marché intérieur. Le Japon, qui était le principal importateur mondial, a alors rapidement recherché un autre fournisseur, tandis qu’au même moment, le Brésil était en quête de nouvelles formes de culture destinées à l'exportation. Un tournant historique était pris : en 2009, la surface plantée en soja au Brésil a dépassé la surface totale plantée pour toutes les autres céréales. La culture du soja a démarré en Argentine à peu près à la même époque, et s'y est développée de la façon la plus spectaculaire qui soit. Deux fois plus de surfaces sont consacrées à la production de soja qu'à la production de céréales. Rarement dans l’histoire une culture unique a dominé l'agriculture d'un pays comme le fait aujourd’hui le soja en Argentine. Les Etats-Unis, le Brésil, et l'Argentine produisent à eux seuls plus des quatre cinquièmes de la production mondiale du soja, et représentent 90 pour cent des exportations.
La moitié des exportations mondiales de soja sont aujourd’hui destinées à la Chine, pays d’origine de cette culture. Grâce à l’introduction de la farine de soja, mélangée aux céréales pour l'alimentation des animaux, on consomme aujourd’hui deux fois plus de viande en Chine qu’aux Etats-Unis. La production mondiale de soja est passée depuis 1950 de 17 de millions de tonnes à 250 millions de tonnes, soit une multiplication par un facteur 14 (Voir les données) sans commune mesure avec la croissance de la production mondiale de céréales qui a été d’un facteur inférieur à 4. Le soja est la deuxième culture aux Etats-Unis, après le maïs, et domine totalement l'agriculture au Brésil et en Argentine. Comment est utilisée cette récolte mondiale de soja de 250 millions de tonnes ? Un dixième environ est directement consommé comme nourriture – pour les tofus, les produits de substitution de la viande, les sauces au soja, et d’autres produits. Près d’un cinquième fournit de l’huile de soja, qui est l'une des principales huiles de table. Le reste, soit en gros 70 pour cent de la récolte, finit comme farine de soja, consommée par le bétail et la volaille. Le soja est ainsi pratiquement invisible, bien qu'il soit présent partout dans le bétail, la volaille, et leurs productions. La majeure partie de la récolte mondiale finit dans nos réfrigérateurs sous forme de produits tels que le lait, les œufs, le fromage, le poulet, le jambon, le bœuf, et les crèmes glacées. Arriver à satisfaire une demande mondiale de soja qui croit de presque 6 millions de tonnes par an est un défi. Le soja est une légumineuse, qui fixe l'azote atmosphérique dans le sol, ce qui signifie qu'il n'est pas aussi sensible aux engrais que, par exemple, le maïs, qui peut absorber beaucoup d’azote. Mais comme un plant de soja utilise une fraction substantielle de son énergie métabolique pour fixer l'azote, il dispose de moins d'énergie pour produire la graine, ce qui rend plus difficile l’augmentation des rendements. Les scientifiques ont peu réussi à augmenter les rendements du soja, en comparaison des gains impressionnants obtenus pour la production de céréales. Les rendements du maïs américains ont quadruplé depuis 1950 alors que ceux du soja ont dans le même temps à peine doublé. La surface consacré au soja aux États-Unis a été multipliée par cinq depuis cette date ( Voir les données), alors que celle dédiée au maïs est restée à peu près la même. L’augmentation de la production provient donc en grande partie de l’augmentation de la surface plantée. Voilà où réside le dilemme : comment satisfaire la croissance de la demande en soja sans défricher la forêt tropicale Amazonienne, à une telle échelle qu'elle perde son humidité et ne devienne vulnérable au feu ? L'Amazone est déboisée à la fois par les cultivateurs de soja et par les exploitants de ranchs, qui développent le cheptel bovin du Brésil. Les cultivateurs de soja achètent très souvent la terre aux éleveurs, qui ont défriché la terre et l'ont utilisée comme pâturages pendant quelques années. Ceci conduit les éleveurs toujours plus profondément dans la forêt tropicale Amazonienne Cette forêt abrite une des plus riches concentrations de biodiversité animale et végétale du monde. Elle permet aussi de recycler par évapotranspiration les précipitations côtières vers l'intérieur du continent, assurant un approvisionnement en eau adéquat pour l'agriculture de l’intérieur du Brésil. Et elle constitue un énorme piège à carbone. Chacune de ces trois contributions est bien sûr d’une grande importance. Mais l’émission de carbone, au rythme de la déforestation, est celle qui touche le plus directement le monde entier. La poursuite de la destruction de la forêt tropicale Brésilienne va relâcher des quantités énormes de carbone dans l'atmosphère, accentuant le changement climatique. Le Brésil a débattu de la réduction de la déforestation de 80 pour cent d’ici 2020, comme élément de sa contribution à la baisse des émissions globales de carbone. Si malheureusement la consommation de soja continue à croître, les pressions économiques pour défricher plus de terres pourraient compromettre cet objectif. La déforestation qui se produit au Brésil est conditionnée par la croissance de la demande mondiale de viande, de lait et d'œufs. En deux mots, la sauvegarde de la forêt tropicale amazonienne dépend maintenant de la limitation de la croissance de la demande en soja, qui ne pourra être atteinte qu’en stabilisant aussi vite que possible la population mondiale. Pour les populations riches de la planète, cela signifie aussi descendre dans la chaîne alimentaire en mangeant de moins de viande et diminuer par contrecoup la croissance de la demande en soja. Pour l’alimentation, comme pour l'énergie, l’atteinte d’un équilibre acceptable entre l'offre et la demande implique aujourd’hui de juguler la croissance de la demande plutôt que de se contenter d’augmenter l'offre. # # #
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