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84 - LA FLOTTE AUTOMOBILE AMERICAINE RECULE DE 4 MILLIONS EN 2009

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Publication du Earth Policy Institute
6 janvier 2010

LA FLOTTE AUTOMOBILE AMERICAINE RECULE DE 4 MILLIONS EN 2009

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti

Texte original:
www.earthpolicy.org/index.php?/plan_b_updates/2010/update87

L’histoire d’amour de l’Amérique avec l’automobile dure depuis un siècle mais elle pourrait bientôt se terminer. La flotte des États-Unis semble avoir atteint son apogée et amorcé son déclin. En 2009, 14 millions de voitures ont été envoyées à la casse pour seulement 10 millions vendues, soit une baisse de la flotte de 4 millions, ou presque 2%. Bien que dans les esprits cette baisse soit généralement associée à la crise, elle résulte en fait de plusieurs facteurs convergents.

L’évolution à venir de la flotte américaine sera déterminée par le rapport entre deux tendances : les ventes de voitures neuves et les mises à la ferraille. En 2009, pour la première fois depuis la deuxième guerre mondiale, le nombre des mises à la casse a dépassé celui des ventes de voitures neuves, et la flotte de véhicules des États-Unis est passée, de son maximum historique de 250 millions, à 246 millions. (Voir les données). Cette nouvelle tendance, où les mises à la ferraille dépassent les ventes de voitures neuves pourrait se poursuivre au moins jusqu’en 2020.

Plusieurs facteurs concourent à maintenir les ventes annuelles bien au-dessous du niveau de 15 à 17 millions observé entre 1994 et 2007 ; parmi ceux-ci figurent la saturation du marché, l’urbanisation continue, l’incertitude économique, l’insécurité des approvisionnement pétroliers, la montée des prix de l’essence, le ras-le-bol des embouteillages, les préoccupations grandissantes concernant le changement climatique, et une baisse d’intérêt des jeunes pour l’automobile.

La saturation du marché est peut être le premier facteur expliquant le recul de la flotte automobile américaine. 246 millions de véhicules à moteur sont aujourd’hui enregistrés aux Etats-Unis pour 209 millions de conducteurs, soit 5 véhicules pour 4 conducteurs. (Voir les données). Trop, c’est trop...


flotte automobile américaine

L’exemple du Japon peut donner quelques indications de ce que sera le futur des Etats-Unis. Sa densité de population et son urbanisation sont supérieurs à ceux des Etats-Unis, et apparemment ce pays de son parc automobile s’est produite en 1990, les ventes annuelles de voitures ayant depuis chuté de 21 pour cent. Les Etats-Unis semblent sur le point de faire de même. (Voir les données)

La voiture promettait la mobilité, et l’a apportée à une société américaine largement rurale à l’époque. Aujourd’hui, la population est urbanisée à 80%, et au delà d’un certain point, l’augmentation du nombre de voitures en ville provoque exactement le contraire : l’immobilité. L’institut du Transport du Texas a indiqué que le coût des embouteillages aux Etats-Unis (prenant en compte le gaspillage de carburant et la perte de temps) a explosé, passant de 17 milliards de dollars en 1982 à 87 milliards de dollars en 2007

Dans tout le pays, les collectivités locales ont engagé une lutte acharnée pour préserver les espaces urbains des méfaits de l’automobile, réduire ces embouteillages coûteux ainsi que la pollution atmosphérique. Beaucoup d’entre elles utilisent pour y arriver la méthode de “ la carotte et du bâton ” visant à améliorer les transports publics tout en imposant en même temps des restrictions à l’utilisation de la voiture.

Pour réduire la dépendance à la voiture, la quasi-totalité des métropoles américaines, à l’instar de Phœnix, Seattle, Houston, Nashville et Washington, mettent en place des réseaux de tramways ou de bus rapides, soit étendent ou rénovent les réseaux existants. Les banlieusards se tournent vers les transports publics avec le développement et l’amélioration des réseaux, et l’augmentation conjointe du prix de revient kilométrique. Le nombre de voyageurs utilisant les transports en commun a augmenté de 9 pour cent aux Etats-Unis, entre 2005 et 2008. Beaucoup de villes ont également une politique pro-active en matière de développement de rues piétonnes et de pistes cyclables, facilitant d’autant les trajets domicile-travail.

Les villes tournées vers l’avenir revoient également les exigences de stationnement pour les nouvelles constructions. A Washington, par exemple, une législation vieille de 50 ans a été modifiée pour réduire le nombre de places de parkings associées à la construction de bâtiments commerciaux et résidentiels. Le nombre de places de parking exigées pour une surface commerciale de 100 m2 est ainsi passé de 4 à seulement 1 aujourd’hui.

Avec l’augmentation des tarifs de stationnement, beaucoup de villes remplacent les parcmètres à pièces par ceux utilisant des cartes de crédit. La capitale américaine est en train de faire ce passage en ce début 2010, et augmente ses tarifs de 75¢ à 2 dollars par heure.

Du fait de l’incertitude économique, certains consommateurs deviennent réticents à prendre un crédit à long terme pour acheter une voiture neuve. La conjoncture économique défavorable fait que les familles vivent avec deux voitures au lieu de trois, ou une au lieu de deux. Certains se passent complètement de voiture; ainsi, à Washington, cité offrant un système assez dense de transport en commun, seuls 63 pour cent des ménages possèdent une voiture.

Il existe aussi une incertitude plus particulière concernant l’évolution du prix de l’essence. Les automobilistes savant désormais que celui-ci peut atteindre 1€20 le litre (NdT: hors TIPP), et ils s’inquiètent des hausses futures. Les conducteurs sont pleinement conscients qu’une grande partie du pétrole mondial vient de la région politiquement instable du Moyen-Orient.

Mais la tendance sociale la plus fondamentale pour l’avenir de l’automobile est peut-être la baisse d’intérêt des jeunes pour les voitures. Pour ceux qui ont grandi il y a un demi-siècle dans un pays encore fortement rural, l’obtention d’un permis de conduire et d’une voiture ou d’un pick-up était un rite de passage. Aller chercher des copains en voiture pour aller se promener dans les environs était un passe-temps populaire chez les adolescents.

A l’inverse aujourd’hui, de nombreux jeunes vivant dans une société plus urbaine apprennent à vivre sans voiture. Leur vie sociale passe par Internet et les smart phones, et non par les voitures. Beaucoup n’ont même pas envie d’avoir le permis de conduire. Cela explique pourquoi (bien que le nombre d’adolescents n’ait jamais été aussi élevé aux Etats-Unis) le nombre de titulaires du permis âgés de moins de 20 ans est aujourd’hui redescendu sous les 10 millions, après avoir culminé à 12 millions en 1978. (Voir les données) Si ce phénomène se poursuit, le potentiel de vente de voitures auprès des jeunes adultes continuera à diminuer.

Au delà de leur baisse d’intérêt pour les voitures, les jeunes font face à une baisse de leurs revenus. Les revenus réels d’une grande partie de la société n’augmentent plus. Les diplômés d’université déjà endettés pour leurs études peuvent avoir des difficultés à obtenir un crédit pour acheter une voiture. Pour les jeunes arrivant sur le marché du travail, la priorité sera souvent à l’obtention d’une assurance maladie plutôt qu’à l’achat d’une voiture.

Personne ne peut dire quel sera le nombre de voitures vendues aux Etats-Unis dans les années à venir, mais compte tenu de ces nombreux facteurs, il est possible qu’il n’atteigne plus jamais les 17 millions de voitures neuves vendues chaque année entre 1999 et 2007. Les ventes resteront probablement comprises entre 10 et 14 millions par an.

Il est plus facile d’estimer les chiffres de mise à la casse. Avec l’hypothèse d’une durée de vie des voitures de 15 ans, les mises à la ferraille dépendent donc des ventes de voitures faites 15 ans plus tôt. De fait, les premières voitures vendues dans la période faste, entre 1994 à 2007, commencent à être retirées de la circulation. Bien que les nouvelles modèles soient plus durables que anciens, le nombre des mises à la casse dépassera probablement celui des ventes de voitures neuves au moins jusqu’en 2020. Si nous nous basons sur une baisse du parc automobile des Etats-Unis de 1 à 2 pour cent par an entre 2009 à 2020, celui-ci pourrait facilement baisser de 10 pour cent (soit 25 millions de véhicules), passant de son maximum de 250 millions en 2008 à 225 millions en 2020.

Au niveau national, la réduction de ce parc et la diminution de la consommation d’essence associées vont accélérer la tendance à la baisse de la consommation de pétrole, amorcée depuis 2007. La réduction de la facture pétrolière résultante permettra l’investissement du capital ainsi dégagé dans la création d’emplois aux Etats-Unis. Le recours plus fréquent à la marche à pied et à la bicyclette va également entraîner une diminution de la pollution atmosphérique, des maladies respiratoires et de l’obésité.

La prochaine réduction du parc automobile des Etats-Unis va aussi provoquer une baisse du besoin en nouvelles infrastructures routières. La diminution de la circulation automobile fait aussi baisser les coûts de voirie et la demande en parkings et emplacements de stationnement. Elle favorise de plus des investissements plus importants dans les transports publics et les trains interurbains à grande vitesse.

Le passage d’un système de transport dominé par la voiture à un système beaucoup plus diversifié fait entre les Etats-Unis dans une nouvelle ère. Comme nous l’avons indiqué, cette transition s’opère par la saturation du marché, la conjoncture économique, les préoccupations environnementales, et un changement culturel vis à vis de l’usage de la voiture, en particulier chez les jeunes. Cette évolution va affecter tous les aspects de notre vie quotidienne.

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Lester R. Brown est le président de l’Earth Policy Institute et l’auteur de Plan B 4.0: Se mobiliser pour sauver la civilisation

 

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