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Publication du Earth Policy Institute
Communiqué de presse
12 janvier 2011
QUAND LA BULLE ALIMENTAIRE VA T’ELLE ÉCLATER ?
http://www.earth-policy.org/books/wote/wotepr *
Pour les données : http://www.earth-policy.org/books/wote/wote_data
Pour la présentation de la situation alimentaire :
http://www.earth-policy.org/books/wote/wote_presentation_food
Lester R. Brown , traduit par Marc Zischka et Frédéric Jouffroy
“Notre civilisation du 21ème siècle a un problème. Il suffit de se pencher sur l’économie de l’alimentation au niveau mondial pour s’en apercevoir. Au cours des dernières décennies, nous avons créé une bulle de production alimentaire, prenant la forme d’un système de production reposant sur des tendances environnementales non durables parmi lesquelles figurent le pompage excessif des nappes phréatiques, le sur labourage des terres, et l’accumulation de dioxyde de carbone dans l’atmosphère “, note Lester R. Brown, auteur de World on the Edge: How to Prevent Environmental and Economic Collapse (WW Norton & Company) . *
“Si nous ne parvenons pas inverser ces tendances, le déclin économique est inévitable”, indique Brown, président de l’Earth Policy Institute, organisation de recherche environnementale, basée à Washington, DC . “Aucune civilisation n’a survécu à la destruction continue de ses écosystèmes. La nôtre n’y survivra pas davantage.
“Les vestiges archéologiques des civilisations passées indiquent que, le plus souvent, leur disparition a été provoquée par des pénuries alimentaires ; pour notre civilisation mondiale, la nourriture semble aussi être le maillon faible ; et, contrairement à la récente bulle immobilière américaine, cette bulle alimentaire est mondiale. “
“La question n’est plus de savoir si cette bulle va éclater mais quand”, dit Brown. Alors que la bulle immobilière américaine a été créée par le développement excessif du crédit, la bulle alimentaire repose sur la sur exploitation des ressources en terres et en eau. Elle est aussi liée aux contraintes climatiques découlant de la combustion excessive d’énergies fossiles. Quand la bulle immobilière américaine a éclaté, ses secousses se sont fait sentir dans toute l’économie mondiale, déclenchant la pire récession depuis la crise de 1929. Lorsque la bulle alimentaire éclatera, les prix alimentaires flamberont à travers le monde, menaçant partout la stabilité économique et politique. La survie des plus pauvres sur l’échelle de l’économie mondiale pourrait même être menacée.
Les signes de danger sont partout perceptibles. Lors de l’été 2010, une sécheresse provoquée par des températures records a frappé Moscou entre la fin juin et la mi-août. Début août, la sécheresse et la chaleur furent si fortes à l’ouest de la Russie que l’on compta 300 à 400 départs de feux chaque jour.
“Les températures moyennes de juillet à Moscou ont atteint un niveau incroyable, dépassant la normale de 8 °C. Durant 7 semaines, avec ces milliers d’incendies et cette fumée omniprésente, suivre l’évolution de cette vague de chaleur au journal télévisé s’apparentait pour les téléspectateurs à un interminable film d’horreur. Plus de 56 000 personnes sont mortes de la chaleur extrême. Les 140 millions d’habitants de la Russie étaient en état de choc, traumatisés par ce qui se passait pour eux et leur pays “, raconte Brown dans World on the Edge. *
Cette chaleur record a eu comme conséquence une baisse de la récolte russe de céréales, qui est passée d’environ 100 millions de tonnes à 60 millions de tonnes. Cette baisse de 40 pour cent et l’interdiction associée d’exporter de céréales a fait grimper le cours mondial du blé de 60 pour cent en 2 mois, provoquant la hausse des prix du pain à travers le monde.
Les agro-écologues estiment que chaque degré Celsius d’augmentation de la température au-dessus de la normale lors de la période de croissance fait baisser de 10 pour cent les rendements des céréales. Cet effet de la température sur les rendements a été très visible dans l’ouest de la Russie où le blé a été totalement détruit par la chaleur et la sécheresse. Avec la montée des températures, augmente aussi la probabilité de canicules plus fréquentes et plus fortes.
“De combien de temps disposons-nous avant que la bulle alimentaire n’éclate ?” demande Brown. “Personne ne le sait ; si nous en restons au ‘Business as Usual’, il se compte probablement plus en années qu’en décennies. Nous sommes maintenant si près du précipice que des hausses de prix alimentaires à même de provoquer l’instabilité politique pourraient se produire à tout moment. “
Brown fait par exemple remarquer que si la vague de chaleur de 2010 avait eu lieu à Chicago plutôt qu’à Moscou, elle aurait facilement pu provoquer une baisse de 40 % de la production de céréales de 400 millions de tonnes des États-Unis, soit 160 millions de tonnes. Les stocks tampons mondiaux de céréales (la quantité restant en stock lorsque débute la récolte suivante) seraient alors descendus en 2011 à 52 jours de consommation soit leur plus bas niveau de tous les temps, bien en dessous des 62 jours précédemment atteints qui créèrent les conditions d’un triplement des prix mondiaux des céréales en 2007-08.
“Bref,” dit Brown, “ si la température de juillet à Chicago avait été 8 °C au-dessus de la normale, comme elle le fut à Moscou, cela aurait provoqué le chaos sur le marché mondial des céréales. Le cours des céréales aurait atteint des niveaux inimaginables. De nombreux pays exportateurs de céréales, pour tenter de contenir les prix sur leur marché intérieur, auraient réduit ou interdit leurs exportations comme ils le firent en 2007-2008.
Les pays exportateurs de pétrole auraient tenté d’échanger du pétrole contre des céréales. Les pays pauvres importateurs de céréales auraient tout perdu . Au lieu d’être dominées par des scènes de fumée et d’incendie à Moscou, les journaux télévisés du soir auraient été consacrés aux directs sur les émeutes de la faim dans les pays pauvres importateurs de céréales et à des reportages sur la progression des famines, la chute de gouvernements, et la défaillance d’États. L’économie globale aurait commencé à se désintégrer avec la chute de certains gouvernements et la perte de confiance dans le marché mondial des céréales.
La hausse des températures ne constitue pas la seule menace pour la sécurité alimentaire mondiale ; l’assèchement des nappes phréatiques provoquée par les pompages excessifs pour l’irrigation est aussi un risque majeur. En Arabie Saoudite, la production de céréales s’effondre suite à l’épuisement de la nappe phréatique, et la production de blé a baissé de deux tiers en trois ans. Ce n’est pas un cas isolé. Le Moyen-Orient est la première région du monde où la production de céréales a commencé à baissé à cause de l’épuisement des aquifères et l’assèchement des puits d’irrigation.
A beaucoup plus large échelle, une étude de la Banque Mondiale indique que 175 millions de personnes en Inde sont nourries avec des céréales produites par sur-pompage. En Chine, ce chiffre atteint 130 millions de personnes. Pour les pays, le sur-pompage ne peut fonctionner qu’à court terme.
Il existe des signes que la combinaison de ces tendances, parmi lesquelles l’épuisement des aquifères et l’artificialisation de millions d’hectares de terres agricoles au profit de nouveaux véhicules, est sur le point d’obliger la Chine à importer d’immenses quantités de céréales, comme elle le fait déjà pour le soja. Lorsque ceci se produira, la Chine se tournera forcément vers les États-Unis, qui sont de loin le premier exportateur mondial de céréales. Pour les consommateurs américains, dont la sécurité alimentaire n’a jamais été un problème majeur, la perspective de se retrouver, pour la production de céréales des Etats-Unis, en concurrence avec 1,4 milliard de consommateurs chinois dont les revenus sont en augmentation rapide, représente un scénario cauchemardesque.
“La nouvelle réalité”, explique Brown, “est que le monde n’est plus qu’à une mauvaise récolte du chaos. Il est temps de redéfinir la sécurité. Les principales menaces pour notre avenir ne sont plus les agressions armées, mais plutôt le changement climatique, la croissance démographique, les pénuries d’eau, la progression des famines et la défaillance des Etats. Ce dont nous avons maintenant besoin, c’est d’une mobilisation pour inverser ces tendances, comparable en urgence et en échelle à celle menée aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale. Le défi consiste à rapidement réduire les émissions de carbone, à stabiliser la démographie, et à restaurer les sols, les aquifères, les forêts, et autres écosystèmes. Ceci exige non seulement une redéfinition de la sécurité, mais aussi un transfert correspondant des ressources fiscales, des budgets militaires vers ceux de stabilisation du climat et de la démographie, de protection des ressources en eau, et de prévention d’autres nouvelles menaces pour la sécurité. “
Pendant des décennies, nous autres écologistes avons parlé de sauver la planète. Il en va désormais de l’avenir de notre civilisation.
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* Nous sommes très heureux de vous annoncer la sortie française du dernier livre de Lester Brown, World on the Edge, sous le titre : Basculement
Comment éviter l’effondrement économique et environnemental ?
La sortie en librairie est prévue pour le 6 octobre prochain. L’équipe d’Alternative Planétaire a contribué à sa traduction. Il sera co-édité par les Editions Souffle Court et Rue de l’Echiquier.
Vous pouvez-dès à présent réserver un exemplaire par simple retour de mél.
Notez qu’un autre livre, Rebond paraîtra au même moment. Il est une extension de la réflexion de Lester Brown développée dans Basculement, centrée sur l’action : il est le retour d’expérience de chefs d’entreprise témoignant sur ce qu’ils ont mis en place pour répondre à leur niveau aux enjeux planétaires actuels.
Pour s’abonner aux traductions des mises à jour du Plan B de l’Earth Policy Institute:
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L’association Alternative Planétaire est le relais en France des idées et du travail de l’Earth Policy Institute:
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