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Publication de l’Earth Policy Institute
Extrait de livre Plan B 4.0
9 novembre 2010
AMÉLIORER LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE EN RÉDUISANT STRATÉGIQUEMENT LA DEMANDE EN CÉRÉALES
Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti
texte original:
www.earth-policy.org/book_bytes/2010/pb4ch09_ss6
Les rendements céréaliers mondiaux ont augmenté rapidement pendant plusieurs décennies ; il devient cependant aujourd’hui de plus en plus difficile de faire progresser suffisamment vite la productivité des terres pour répondre à la demande d’une population de plus en plus nombreuse et riche. La productivité mondiale des terres céréalières a ainsi augmenté de 2,2 pour cent par an entre 1950 et 1990, mais de seulement 1,3 pour cent par an entre 1990 et 2009. Malgré quelques impressionnants progrès locaux, le ralentissement global de la croissance de la production alimentaire nous oblige à nous pencher plus sérieusement sur les moyens de réduire la demande, via la stabilisation de la population mondiale, l’adoption d’une alimentation moins riche et la réduction de l’utilisation d’agro-carburants.
Une des composantes clés du Plan B, la stratégie ambitieuse du Earth Policy Institute pour sauver notre civilisation, est de stopper la croissance démographique mondiale à moins de 8 milliards de personnes d’ici 2040. Cet objectif impose un effort généralisé de formation partout dans le monde pour aider les populations à comprendre à quelle vitesse nous dégradons nos écosystèmes. Il implique également la mise en place d’un programme d’urgence de soins génésiques et de services de planning familial aux plus de 200 millions de femmes qui souhaitent limiter leur famille mais n’ont pas accès aux moyens correspondants.
Si l’effet de la croissance démographique sur la demande de céréales est assez évident, celui de l’accroissement de la richesse l’est beaucoup moins. On me demande fréquemment combien de personnes la Terre peut-elle accueilli, et je réponds par une autre question: «À quel niveau de consommation alimentaire ?” La production céréalière mondiale est de 2 milliards de tonnes. Au niveau de consommation américain moyen d’environ 800 kg de céréales par personne et par an pour l’alimentation humaine et animale, elle permettrait de nourrir 2,5 milliard de personnes ; au niveau de consommation Italien de 400 kg par personne et par an, elle assurerait le subsistance de 5 milliards de personnes ; enfin, au niveau de consommation indien de 200 kg de céréales, elle pourrait faire vivre 10 milliards d’individus.
Sur les quelque 800 kg de céréales annuellement consommées par personne aux États-Unis, près de 100 kg le sont directement sous forme de pain, pâtes et céréales ; la grande majorité l’est cependant indirectement sous la forme de produits de l’élevage. En revanche, en Inde, où les gens consomment un peu moins de 200 kg de céréales par an, soit environ 550g par jour, celles ci sont presque toutes ingérées directement pour couvrir les besoins énergétiques alimentaires de base. Il n’y a que peu de céréales disponibles pour la conversion en produits animaux.
L’espérance de vie en Italie est la plus élevée de celle de ces 3 pays, même si les dépenses médicales des États-Unis par personne sont beaucoup plus élevés. Les personnes ayant une alimentation très riche ou très pauvre ne vivent pas aussi longtemps que celles ayant un régime intermédiaire. L’adoption d’un régime de type méditerranéen comprenant viandes, fromages et fruits de mers - mais en quantité modérée - permet aux gens d’être en meilleure santé et de vivre plus longtemps. Il est possible pour les personnes ayant une alimentation très riche d’améliorer leur santé en redescendant dans la chaîne alimentaire ; à l’inverse, pour ceux vivant dans des pays à faible revenus comme l’Inde - où un féculent comme le riz constitue la base de l’alimentation et peut fournir 60 pour cent ou plus de l’apport calorique total - manger plus d’aliments riches en protéines peut améliorer la santé et augmenter l’espérance de vie.
Bien que l’on s’intéresse rarement aux effets climatiques des différentes types d’alimentation, ceux-ci sont sans nul doute importants. Gidon Eshel et Pamela A. Martin de l’Université de Chicago ont étudié cette question. Ils indiquent tout d’abord qu’aux Etats-Unis, l’énergie utilisée pour l’alimentation est grossièrement équivalente à celle utilisée pour le transport des personnes. Ils ont calculé que l’intensité carbone des différentes solutions variait de 1 à 4, que ce soit pour le transport ou l’alimentation. Une Toyota Prius, par exemple, consomme 4 fois moins de carburant qu’un 4 x 4 Chevrolet Suburban. Il en est de même avec la nourriture : L’impact énergétique d’un régime essentiellement végétarien est à peu près 4 fois plus faible que celui d’une alimentation riche en viande rouge. Passer de ce dernier régime à celui essentiellement végétarien réduit presque autant les émissions de gaz à effet de serre que le passage d’un Suburban à une Prius.
Le remplacement des protéines animales dont la production est fortement consommatrice de céréales par d’autres formes plus efficaces permet également réduire la pression exercée sur les terres et les ressources en eau de la planète. Passer par exemple du bœuf dont la production demande 7 fois son poids en céréales au poisson-chat qui n’en requiert plus que 2 réduit sensiblement l’utilisation de céréales.
Lorsque l’on se penche sur la question de la quantité de protéines animales qu’il est possible de consommer, il est utile de distinguer celles qui ont été produites à base d’herbe de celles provenant de céréales. Ainsi par exemple, la plupart de la viande bovine produite dans le monde l’est à partir d’herbe. Même aux États-Unis, où les parcs d’engraissement sont nombreux, la proportion dépasse les 50%. Les prairies, dont la superficie au niveau mondiale représente facilement le double de celle des terres cultivées dans le monde, et qui sont généralement trop pentues ou arides pour pouvoir être labourées, ne peuvent contribuer à l’approvisionnement alimentaire qu’en tant que pâturages pour la production de viande, de lait et de fromage.
Au-delà du rôle de l’herbe dans la fourniture de protéines de haute qualité pour notre alimentation, il est parfois fait l’hypothèse que l’on peut accroître l’efficacité de l’utilisation des terres et de l’eau en passant de protéines animales à des protéines végétales de haute qualité, comme celles du soja. Il s’avère cependant que, les rendements du maïs dans le Midwest des États-Unis étant trois à quatre fois supérieurs à ceux du soja, il peut être plus efficace en terme de ressources de produire du maïs et de le transformer en volaille ou poisson-chat avec un ratio de conversion de 1 pour 2, plutôt que de se retrouver devant une dépendance généralisée au soja.
Bien que la croissance démographique ait été depuis les débuts de l’agriculture à l’origine de la demande croissante en céréales, la conversion à grande échelle de céréales en protéines animales n’est apparue qu’après la Seconde Guerre mondiale. Leur conversion massive en carburant ne se produit que depuis quelques années. Si nous voulons enrayer la propagation de la faim, nous devrons très probablement réduire cette dernière utilisation. Pour donner un ordre de grandeur, les quelques 114 millions de tonnes de céréales utilisées en 2009 aux Etats-Unis pour produire de l’éthanol auraient permis de nourrir 370 millions de personnes, au standard mondial moyen de consommation de céréales.
La réduction rapide du nombre d’enfants par famille, le passage à une alimentation moins riche en protéines animales ou à une meilleure utilisation des céréales pour produire ces dernières, et enfin la suppression des incitations à la transformation de denrées alimentaires en carburant, contribueront à assurer la suffisance alimentaire pour tous. Cela permettra également de réduire les pressions qui conduisent au surpompage des eaux souterraines et à l'abattage des forêts tropicales, deux tendances supplémentaires menaçant la viabilité de notre civilisation mondiale.
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Adapté du chapitre 9, “Bien nourrir huit milliards de personnes” de Lester R. Brown,
Plan B 4.0: Mobiliser pour sauver la civilisation (New York: WW Norton & Company, 2009),
disponible en ligne sur de Plan B 4.0: Mobilizing to Save Civilization (New York : W.W. Norton & Company, 2009) de Lester Brown, disponible gratuitement en ligne sur : http://www.earth-policy.org/books/pb4
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