|
Publication de l’Earth Policy Institute
Extrait de livre
31 août 2010
GÉOTHERMIE :
OBTENIR DE L’ÉNERGIE DE LA TERRE
Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti
texte original:
www.earthpolicy.org/index.php?/book_bytes/2010/pb4ch05_ss4
La quantité de chaleur stockée dans les dix premiers kilomètres de la croûte terrestre représente 50 000 fois plus d'énergie que toutes les réserves mondiales de pétrole et de gaz combinées. Malgré cette abondance, seulement 10 700 mégawatts d'électricité géothermique sont en exploitation dans le monde.
Relativement peu d'investissements ont été affectés au développement des ressources géothermiques de la planète, en partie à cause de la domination du pétrole, du gaz, et de l’industrie du charbon ; néanmoins, le prix très faibles de ces sources d’énergie n’incorporent pas les coûts liés au changement climatique et à la pollution de l'air. De fait, au cours de la dernière décennie, l'énergie géothermique a connu une croissance d'à peine 3 pour cent par an.
Environ la moitié de la capacité de production mondiale existante se situe aux États-Unis et aux Philippines. Le reste est partagé pour l’essentiel entre Indonésie, le Mexique, l'Italie et le Japon. Au total, quelque 24 pays convertissent maintenant l'énergie géothermique en électricité. Le Salvador, l'Islande, et les Philippines, obtiennent respectivement 26, 25, et 18 pour cent de leur électricité à partir de centrales géothermiques.
Le potentiel de l'énergie géothermique pour la production d'électricité, le chauffage résidentiel, et les besoins industriels est vaste. Les pays qui bordent le Pacifique dans ce qu'on appelle l'Anneau de Feu figurent parmi ceux dont le potentiel est le plus grand : le Chili, le Pérou, la Colombie, le Mexique, les États-Unis, le Canada, la Russie, la Chine, le Japon, les Philippines, l'Indonésie et l'Australie. D’autres pays sont situés dans des régions favorables à l’exploitation de la géothermie : par exemple, le Kenya et l'Ethiopie, qui bénéficient de la présence de la grande vallée du Rift africain, ou encore les pays bordant la Méditerranée orientale.
Au-delà de la production d'électricité géothermique, on estime que 100 000 mégawatts thermiques d'énergie géothermique sont utilisés directement, sans être convertis en électricité pour le chauffage de maisons ou de serres et par l’industrie. Cela inclut, par exemple, l'énergie utilisée dans les bains chauds au Japon, pour le chauffage résidentiel en Islande, et la culture sous serre en Russie.
Une équipe interdisciplinaire de 13 chercheurs et ingénieurs réunis par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) a évalué en 2006 le potentiel américain de production électrique géothermique. En s'appuyant sur les dernières technologies, y compris celles utilisées par les compagnies pétrolières et gazières dans le forage et la récupération améliorée du pétrole, l'équipe a estimé que les systèmes plus performants pourraient être utilisés pour développer massivement l'énergie géothermique. Cette technologie consiste à forer jusqu'à la couche de pierres chaudes, à fracturer la roche et à pomper de l'eau dans la roche fissurée, puis d'en extraire l'eau surchauffée pour entraîner une turbine à vapeur. L'équipe du MIT note qu'avec cette technologie, les États-Unis ont suffisamment d'énergie géothermique pour couvrir plus de 2 000 fois leurs besoins en énergie.
Bien qu'elle soit encore coûteuse, cette technologie peut être utilisée presque partout pour convertir la chaleur de la couche terrestre en électricité. L'Australie est actuellement en tête dans le développement d'usines pilotes utilisant cette nouvelle technique, suivie par l'Allemagne et la France. L'équipe du MIT estime que le gouvernement américain devrait investir 1 milliard de dollars dans la recherche et le développement géothermique dans les prochaines années (à peu près le coût d'une centrale électrique au charbon) pour bénéficier pleinement de ce potentiel aux États-Unis.
Sans même attendre le déploiement à grande échelle de cette nouvelle technique, les investisseurs vont de l'avant avec les méthodes existantes. Pendant de nombreuses années, l'énergie géothermique des États-Unis a été confinée en grande partie au projet Geysers au nord de San Francisco, le plus grand complexe de production géothermique mondial, avec 850 mégawatts de capacité de production. Les États-Unis, qui ont maintenant une capacité de production d'énergie géothermique de plus de 3 000 mégawatts, sont en pleine expansion sur ce front. Quelque 152 centrales sont en cours de développement dans 13 états, ce qui devrait pratiquement tripler la capacité de production géothermique américaine. La Californie, le Nevada, l'Oregon, l'Idaho, et l'Utah ouvrent la voie, et avec de nombreuses entreprises qui démarrent dans ce domaine, le décor est planté pour un développement massif de la géothermie aux États-Unis.
L'Indonésie, richement dotée en énergie géothermique, a volé la vedette en 2008 quand elle a annoncé un plan de développement de 6 900 mégawatts d'énergie géothermique. Les Philippines envisagent également le développement d’un certain nombre de nouveaux projets.
Parmi les pays du Rift en Afrique (dont la Tanzanie, le Kenya, l'Ouganda, l'Érythrée, l'Éthiopie et Djibouti), le Kenya est le leader historique. Il dispose maintenant de plus de 100 mégawatts de capacité de production géothermique et prévoit la mise en service de plus de 1 200 mégawatts d'ici à 2015. Cela pourrait presque doubler sa capacité de production d'électricité actuelle de 1 300 mégawatts toutes sources confondues.
Le Japon, qui possède un total de 535 mégawatts de capacité de production, a été l'un des premiers acteurs de ce domaine. Ce pays est bien connu pour ses milliers de sources chaudes utilisées dans ses traditionnels bains chauds. Ses ressources géothermiques sont très grandes, et après deux décennies d’interruption dans leur exploitation, il recommence à construire des centrales géothermiques.
En Europe, l'Allemagne dispose de 5 petites centrales géothermiques en service et projette d’en construire environ 150 supplémentaires. Selon Werner Bussmann, responsable de l'Association allemande de géothermie, "les sources d'approvisionnement en électricité géothermique pourraient couvrir 600 fois les besoins de l'Allemagne."
Au-delà des centrales géothermiques, les pompes à chaleur géothermiques sont maintenant largement utilisées pour le chauffage et le refroidissement. Elles profitent de la remarquable stabilité de la température de la terre près de la surface ; elles l'utilisent comme source de chaleur en hiver lorsque la température de l'air est basse et comme source de refroidissement en été lorsque la température est élevée. Le grand intérêt de cette technologie est qu'elle peut fournir à la fois de la chaleur et du froid et de le faire avec 25 à 50 pour cent d'électricité en moins qu'avec les systèmes conventionnels. En Allemagne, par exemple, il y a maintenant 178 000 pompes à chaleur géothermiques en fonctionnement dans le secteur résidentiel ou commercial. Ce chiffre est en augmentation constante, puisqu'au moins 25 000 nouvelles pompes sont installées chaque année.
L'Islande et la France figurent parmi les leaders de l'utilisation directe de chaleur d’origine géothermique. L'Islande utilise l'énergie géothermique pour chauffer près de 90 pour cent de ses maisons et a largement éliminé le charbon pour cet usage. L'énergie géothermique représente plus d'un tiers de la consommation totale d'énergie de l'Islande. Après les deux hausses des prix pétroliers dans les années 1970, quelque 70 installations de chauffage géothermique ont été construites en France, fournissant de la chaleur et de l'eau chaude à environ 200 000 résidences. La Chine, le Japon et la Turquie sont les autres pays qui disposent de vastes systèmes de chauffage urbain à base de géothermie.
La géothermie est idéale pour les serres dans les pays nordiques. La Russie, la Hongrie, l'Islande et les États-Unis sont parmi les nombreux pays qui l'utilisent pour produire des légumes frais en hiver. Avec la hausse des prix du pétrole et l'augmentation des coûts de transport des produits frais, cette pratique deviendra probablement beaucoup plus courante dans les années à venir.
La Chine, Israël et les États-Unis figurent parmi les 22 pays utilisant l'énergie géothermique pour l'aquaculture. En Californie, par exemple, 15 fermes piscicoles produisent annuellement quelque 10 millions de livres de tilapia, de bar rayé, et de poisson-chat en utilisant l'eau chaude du sous-sol.
L'eau chaude souterraine est largement utilisée pour la baignade et la natation. Le Japon utilise de l'eau chaude géothermique pour 2 800 stations thermales, 5 500 établissements de bains publics, et 15 600 hôtels et auberges. L'Islande chauffe avec l'énergie géothermique 135 piscines publiques, et la plupart d'entre elles sont des piscines en plein air, ouvertes toute l'année. La Hongrie chauffe 1 200 piscines à l'énergie géothermique.
Si les quatre pays les plus peuplés situés sur l'Anneau de feu du Pacifique, les États-Unis, le Japon, la Chine et l'Indonésie, investissaient sérieusement dans le développement de leurs ressources géothermiques, ils pourraient facilement en faire l'une des premières sources mondiales d'énergie. Avec un potentiel estimé au minimum aux États-Unis et au Japon à 240 000 mégawatts de production, il est facile d'envisager un monde avec des milliers de centrales géothermiques produisant quelque 200 000 mégawatts d'électricité d'ici 2020. L'objectif du Plan B pour 2020 concernant l'utilisation directe de la chaleur géothermique, est de 500 000 mégawatts thermiques. Globalement, le potentiel géothermique est énorme.
Adapté du Chapitre 5, "Stabiliser le Climat: Passer à l'énergie renouvelable," de Plan B 4.0: Mobiliser pour sauver la civilisation (New York: WW Norton & Company, 2009) par Lester R. Brown, disponible en ligne sur :
http://www.earthpolicy.org/index.php?/Books/pb4
# # #
Pour s’abonner aux traductions des mises à jour du Plan B de l’Earth Policy Institute:
http://www.ecologik-business.com/inscription-newsleter-lester-brown.html
L’association Alternative Planétaire est le relais en France des idées et du travail de l’Earth Policy Institute:
http://www.alternativeplanetaire.com
Information complémentaire: www.earthpolicy.org
# # #
pour plus d'informations, contactez:
Contact Presse & Permissions de reproduction:
Reah Janise Kauffman
Tel: + 202 496-9290 x 12
E-mail: rjk (at) earthpolicy.org
Contact Recherche :
Janet Larsen
Tel: + 202 496-9290 x 14
E-mail: jlarsen (at) earthpolicy.org
Earth Policy Institute
1350 Connecticut Ave. NW, Suite 403
Washington, DC 20036
USA
Web: www.earthpolicy.org |
|