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99 - PLAN B - UN PLAN POUR SAUVER LA CIVILISATION

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Publication du Earth Policy Institute    
Extrait de livre        
20 avril 2010

PLAN B - UN PLAN POUR SAUVER LA CIVILISATION

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti

Texte original:
www.earthpolicy.org/index.php?/book_bytes/2010/pb4ch01_ss6

Nous ne savons pas trop de quoi l'avenir sera fait, mais une chose est certaine : le "business as usual" ne pourra pas perdurer très longtemps, y compris dans son incapacité répétée à stopper la dégradation environnementale qui mine la sécurité alimentaire mondiale. Des bouleversements sans précédents sont inévitables. Peter Goldmark, l'actuel directeur du programme climat au Environmental Defense Fund (fond de la défense environnementale, ndlt) l'exprime ainsi : "La mort de notre civilisation n'est plus une théorie ou une possibilité abstraite, c'est la voie que nous suivons". Pouvons-nous changer de direction avant qu'il ne soit  trop tard ? Je le pense, et j'appelle cette voie « le Plan B ».

Le plan B représente l'alternative au business as usual. Son objectif est de dévier de notre trajectoire actuelle de déclin et d'effondrement pour nous engager dans une nouvelle voie permettant de rétablir la sécurité alimentaire et de pérenniser notre civilisation. Les tendances à l’origine de la détérioration de la situation alimentaire présente (perte de terre arables liée au développement et à l'érosion des sols, baisse des nappes phréatiques, conversion de nourriture en carburant, hausse des émissions de carbone,…http://www.earthpolicy.org/index.php?/books/pb4/PB4ch1_ss2 ) dépassent le cadre du seul domaine agricole ; il doit donc en être de même pour la réponse apportée. Dans le passé, le Ministère de l'agriculture était directement en charge du développement de la recherche agronomique, de l’augmentation des crédits aux exploitants, et de toute autre mesure relevant naturellement de ses attributions ; mais la sécurisation des approvisionnements alimentaires futurs dépend maintenant de la mobilisation de notre société toute entière.

Le Plan B est pour ces raisons bien plus ambitieux que n'importe quel autre projet jamais entrepris à l’échelle mondiale ; il s’agit d’une proposition sans précédent en ampleur et en urgence. Il comporte quatre composantes interdépendantes : réduire les émissions nettes de dioxyde de carbone de 80 pour cent d'ici 2020, stabiliser la population à 8 milliards ou moins, éradiquer la pauvreté, et reconstituer les écosystèmes de la planète, ce qui englobe les sols, les nappes phréatiques, les forêts, les prairies, et les pêcheries. Le caractère ambitieux de ce plan n'est pas dicté par des considérations de faisabilité politique mais par la réalité scientifique.

La réduction des émissions de carbone implique une forte amélioration de l'efficacité énergétique mondiale, un énorme investissement dans le développement des énergies renouvelables, l’interdiction de déforestation et la plantation d’arbres par milliards. En deux mots, cet aspect du Plan B décrit le passage d'une économie basée principalement sur la consommation de pétrole, de charbon et de gaz naturel à une autre économie fonctionnant en grande partie grâce aux énergies éolienne, solaire, et géothermique.

L’objectif de stabilisation de la population du Plan B a été fixé à 8 milliards ou moins, tout simplement parce que je ne pense pas la population mondiale puisse atteindre les 9,2 milliards projetés par des démographes des Nations Unies pour 2050. En premier lieu, la grande majorité des 2,4 milliards de personnes supplémentaires attendues d'ici 2050 sera le fait des pays en développement dont les ressources en terre et en eau se détériorent et où la famine se répand. De nombreux écosystèmes de ces pays sont en déclin, et certains en effondrement. La question n'est pas de savoir si la croissance démographique s’arrêtera avant d'atteindre 9,2 milliards d’habitants mais plutôt de savoir si cet arrêt sera le résultat d’une politique volontariste de réduction de la natalité au niveau mondial ou, à l’inverse d’une régulation de la population via une hausse de la mortalité. Le Plan B prône la voie de la réduction de la fertilité.

L’éradication de la pauvreté est un objectif prioritaire pour trois raisons différentes. Tout d’abord, en conjonction avec la généralisation de l’accès des femmes à la contraception et au planning familial, elle constitue l’élément clé d’une transition globale rapide vers des familles moins nombreuses. Elle favorise aussi l’intégration des nations les plus défavorisées dans la communauté internationale et leur implication dans des enjeux tels que la stabilisation du climat. Quand les populations ne savent pas de quoi sera fait leur prochain repas, il leur est difficile de se motiver sur de tels sujets. Enfin, la suppression de la pauvreté est un objectif en soi sur le plan humain ; une des caractéristiques essentielles d'une société civilisée est sa capacité à prendre soin des autres.

La quatrième composante du Plan B est relative à la remise en état et à la protection des écosystèmes naturels dont dépend l'humanité. Elle porte sur la conservation des sols, l’interdiction de la déforestation et la promotion du reboisement, la reconstitution des pêcheries, et un effort mondial pour protéger les nappes phréatiques en élevant la productivité de l'eau. Nous avons peu de chances de faire reculer la famine si nous n’arrivons pas à inverser la tendance à la détérioration de ces écosystèmes.

Le Plan B est un programme intégré dont tous les objectifs sont interdépendants. Par exemple, il est virtuellement impossible de stabiliser la population sans dans le même temps éradiquer la pauvreté. Il est illusoire de chercher à restaurer les écosystèmes ou à stabiliser le climat de la planète sans également stabiliser la population. Et nous ne pourrons pas éradiquer la pauvreté sans restaurer les écosystèmes.

Le caractère ambitieux de ce plan de sauvetage de notre civilisation se double de l'urgence avec laquelle il doit être mis en œuvre. Son succès dépend d'une vitesse d'action comparable à une mobilisation de temps de guerre ; la restructuration de l'économie de l'énergie mondiale doit se faire à un rythme similaire à la restructuration de l'économie industrielle des États-Unis en 1942 à la suite de l'attaque sur Pearl Harbor. L’industrie automobile des Etats-Unis est passée en quelques mois seulement de la production de véhicules à celles d'avions, de chars et de bateaux. La restructuration à venir ne pourra être réalisée sans une redéfinition fondamentale des priorités. Et elle ne se fera pas sans sacrifices. La condition de la restructuration industrielle réussie de 1942 fut une interdiction de la vente de voitures neuves, une mesure qui a été maintenue pendant trois ans.

Nous sommes face à un défi extraordinaire, mais il y a de nombreuses raisons d’être optimiste. Tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés peuvent être résolus à l’aide des technologies existantes. Et presque tout ce que nous devons faire pour dévier l'économie mondiale de sa trajectoire d'effondrement et la ramener sur une voie soutenable d’un point de vue environnemental a déjà été réalisé sur certains plans dans un ou plusieurs pays. Plus de 30 pays ont ainsi stabilisé leur démographie dans une très large mesure.

Les technologies nécessaires à la mise en œuvre du Plan B sont déjà disponibles. Dans le secteur de l'énergie, par exemple, une éolienne bien conçue peut produire plus d’énergie qu'un puits de pétrole vieillissant. Les nouveaux véhicules hybrides rechargeables essence-électriques qui arrivent sur le marché, comme la Chevrolet Volt, peuvent fonctionner à 4 litres d’essence au 100 km. Dans le domaine énergétique, l’objectif du Plan B à l’horizon 2020 est que la majeure partie du parc automobile des États-Unis soit constitué de voitures hybrides rechargeables et de voitures électriques ; l’électricité nécessaire doit être en grande partie d’origine éolienne, pour un coût de production équivalent à 20 centimes d'euros par litre d'essence.

Le monde est sur le point de vivre une révolution dans les technologies de l'éclairage. Les lampes fluorescentes compactes (LFC) apparues il y a quelques années peuvent fournir le même éclairage que les ampoules incandescentes en usage depuis un siècle tout en divisant la consommation d’électricité par 4. C’est une avancée très encourageante, mais une technologie encore plus performante se profile, à base de diodes électroluminescentes (LED), qui n'utilisent que 15 pour cent de l'électricité d’une ampoule incandescente. De plus, l’usage de détecteurs adaptés permet d’éteindre automatiquement l’éclairage dans les pièces inoccupées ou de moduler l’intensité de l’éclairage en fonction de la luminosité extérieure. Le passage des ampoules incandescentes aux ampoules à LED et l'installation de détecteurs de présence et de variateurs peuvent réduire les besoins en électricité pour l'éclairage de plus de 90 pour cent.

Plusieurs pays illustrent par l’exemple la mise en œuvre pratique de l’un ou l’autre aspect du Plan B. Le Danemark tire aujourd'hui plus de 20 pour cent de son électricité de l'énergie éolienne et se fixe un objectif de 50 pour cent à terme. L’électricité résidentielle de 75 millions d’Européens est d’origine éolienne. L’eau chaude pour quelques 27 millions de maisons chinoises est produite par des chauffe-eaux solaires installés sur les toits. 90 pour cent des maisons en Islande sont chauffées grâce à l'énergie géothermique, et l'utilisation du charbon pour le chauffage domestique a presque entièrement disparu. Les Philippines tirent 66 pour cent de leur électricité de l’énergie géothermique.

Les montagnes reboisées de la Corée du Sud illustrent ce à quoi pourrait ressembler le monde du Plan B : pays autrefois désolé, la Corée du Sud est aujourd’hui couverte de forêts sur 65 pour cent de son territoire ; les problèmes d'inondations et d'érosion des sols ont disparu, et l’environnement de la campagne coréenne a retrouvé sa stabilité et son équilibre. Au cours du dernier quart de siècle, les États-Unis ont mis en jachère un dixième de leurs terres arables, pour la plupart fortement sujettes à l'érosion. Le passage aux pratiques de labours légers sur une partie des terres restantes a permis de réduire l'érosion du sol de 40 pour cent et dans le même temps d’augmenter la récolte de céréales de 20 pour cent.

Certaines des avancées les plus innovantes sont venues des villes. Curitiba, au Brésil, a commencé la restructuration de son système de transport en 1974 ; le trafic automobile a diminué de 30 pour cent au cours des deux décennies suivantes, malgré le doublement de la population. Amsterdam possède un système de transport urbain diversifié où la bicyclette représente 40 pour cent des déplacements intra-muros. Paris met en place en plan de transport accordant lui aussi une place prédominante à la bicyclette, avec un objectif de 40 pour cent de réduction du trafic automobile. Londres a instauré une taxation sur les voitures à l’entrée dans le centre-ville et réinvestit les recettes perçues dans l’amélioration des transports publics.

Le défi auquel nous sommes confrontés ne consiste pas seulement à construire une nouvelle économie mais à le faire à marche forcée. La nature nous impose des limites dans le temps ; les dépasser ne peut que conduire à la désintégration du système économique. Participer à la construction de cette nouvelle économie durable est une perspective enthousiasmante, comme le sera la qualité de vie qu’elle apportera. Un monde où la démographie est stabilisée, où les forêts revivent et le réchauffement climatique contrôlé est à notre portée.

Adapté du chapitre 1, "Vendre notre futur" du Plan B 4.0 de Lester R. Brown : Mobiliser pour sauver la civilisation (W.W. Norton & Compagnie, New York, 2009),
disponible en ligne sur http://www.earthpolicy.org/index.php?/books/pb4.

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