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68 - LES ETATS-UNIS SONT ENFIN
EN MARCHE VERS LA REDUCTION DES EMISSIONS DE CARBONE

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Earth Policy Institute
Mise à jour du Plan B
pour diffusion immédiate
le 21 septembre 2009

 

NOTE: Cet article a été publié dans la rubrique 'Opinion' du Washington Post le dimanche 20 septembre 2009.
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2009/09/18/AR2009091801143.html

LES ETATS-UNIS SONT ENFIN EN MARCHE
VERS LA REDUCTION DES EMISSIONS DE CARBONE

Texte original:
http://www.earth-policy.org/index.php?/plan_b_updates/2009/update82

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti

En mettant un terme à la croissance continue des émissions de carbone depuis un siècle, les Etats-Unis viennent d’entrer dans une nouvelle ère en matière d'énergie. Dans le cadre de la préparation des négociations internationales sur le climat à Copenhague en décembre prochain, la délégation des États-Unis adopte une position étonnamment engagée qui se fonde sur la baisse conséquente de 9% des émissions de carbone aux États-Unis au cours des deux dernières années et sur la promesse de poursuivre un immense effort dans ce domaine.

Les incitations les plus notables concernent la mise en place de réglementations plus contraignantes sur l’efficacité énergétique des automobiles et des équipements électroménagers, ainsi que l’exploitation du potentiel de chauffage, climatisation et éclairage des bâtiments avec des sources d'électricité alternatives. Concernant l’offre énergétique, les efforts se concentrent sur le développement des ressources d’origine éolienne, solaire et géothermique.

Même si une partie de la réduction des émissions a été provoquée par la récession économique et par l’augmentation du prix des carburants, une autre partie provient des gains d'efficacité énergétique et de la transition à des sources d'énergie sans carbone ; la mise en service de nouvelles fermes éoliennes en particulier atteint des niveaux record. Cette baisse impressionnante des émissions de carbone devrait permettre aux Etats-Unis de pousser dans le sens de coupes drastiques à Copenhague.

La chute des émissions amorcée depuis 2007 est saisissante, dans un pays où l'utilisation de pétrole et de charbon ne cesse d’augmenter depuis plus d'un siècle. L'année dernière, la consommation de pétrole a baissé de 5%, celle du charbon de 1% et le total des émissions de carbone de 3%. Les prévisions pour cette année, basées sur des données du Ministère de l'Énergie pour les huit premiers mois, montrent une baisse supplémentaire de la consommation de pétrole de 5%. La consommation de charbon devrait chuter de 10%. Au cours des deux années, l’ensemble des émissions de carbone issues des combustibles fossiles, y compris le gaz naturel, a reculé de 9%.

Mon travail sur la pression démographique et sur les risques crises alimentaires m’ont souvent fait ranger dans la catégorie des pessimistes. Je suis toujours très préoccupé par ces questions ; mais l’amélioration des chiffres des émissions de carbone est un fait et pas une question de point de vue.

Alors que le congrès prépare une législation en vue de réduire les émissions de seulement 15 à 20% d'ici 2020, il est clair pour moi que les Etats-Unis pourraient surpasser de très loin cet objectif, au prix d’un effort modeste. En fait, au vu des conséquences potentiellement catastrophiques du changement climatique, c’est une réduction de 80% d'ici 2020 que nous devrions soutenir à Copenhague.

Des actions sont engagées pour réduire l'utilisation de combustibles fossiles et les émissions de carbone à tous les niveaux de gouvernance (fédéral, étatique et municipal), ainsi que dans les entreprises, les services publics et les universités. Au-delà de cet effort, des millions de personnes aux Etats-Unis conscientes des enjeux climatiques et soucieuses de réduire leurs dépenses, changent leur style de vie pour réduire leur consommation d'énergie et leurs émissions de carbone.

Malgré le budget annuel de 45 millions de dollars dépensés par l'industrie du charbon pour promouvoir un "charbon propre", les producteurs d'énergie renoncent à ce mirage. Le 9 juillet, Bruce Nilles, coordinateur du programme national populaire lancé par le Sierra Club pour proscrire la construction de nouvelles centrales thermiques au charbon, annonçait la 100ème annulation de projet de centrale depuis 2001.

La Tennessee Valley Authority, opérateur d’un parc vieillissant de 11 centrales à charbon (47 ans d’exploitation en moyenne) est sous le coup d’une décision de justice exigeant l'installation pour plus d'un milliard de dollars de systèmes de contrôle de la pollution. Elle envisage de fermer sa centrale John Sevier près de Rogersville, au Tennessee, ainsi que les six générateurs les plus anciens sur un total de huit de la centrale de Widows Creek près de Stevenson, en Alabama. Au total, quelques 22 centrales thermiques au charbon dans 12 états sont en cours de remplacement par des centrales thermiques au bois, des fermes éoliennes ou des centrales au gaz naturel.

Les producteurs d'énergie font face à une baisse de la demande non seulement à cause de la récession économique, mais également en raison des progrès en terme d’efficacité énergétique. Le potentiel d’amélioration dans ce domaine est manifeste au vu du large écart existant d’un état à l’autre, entre ceux qui adoptent les technologies à haut rendement et ceux qui restent cantonnés dans leurs habitudes. Le Rocky Mountain Institute a calculé que si les 40 états les moins efficaces atteignaient l'efficacité des 10 états les plus efficaces, la consommation nationale d'électricité serait réduite d'un tiers. Cela permettrait la fermeture de 62% des 617 centrales thermiques au charbon du pays.

La fermeture des centrales à charbon américaines va de pair avec la multiplication des fermes éoliennes. L'an dernier, 102 fermes éoliennes se sont connectées au réseau, pour une capacité de production électrique de 8 400 mégawatts, soit l'équivalent de huit centrales thermiques au charbon. Quarante-neuf fermes éoliennes ont été achevées dans les six premiers mois de cette année, et 57 supplémentaires sont en construction. Plus important, 300 000 mégawatts de projets éoliens (pensez 300 centrales à charbon) attendent un accès au réseau pour entrer en phase de construction.

Les installations de panneaux solaires progressent de 40% par an aux Etats-Unis. Cette croissance rapide des installations sur les toits des maisons, des centres commerciaux et des usines devrait se poursuivre avec les nouvelles incitations gouvernementales.

Par ailleurs, les centrales solaires thermiques, où la production d’électricité se fait par concentration de l’énergie solaire à l’aide de miroirs, se multiplient rapidement en Californie, en Arizona et au Nevada. La mise au point d'une technologie de stockage de la chaleur utilisant du sel fondu permet à ce type de centrale de continuer à produire du courant six heures après le coucher du soleil, et stimule largement l'intérêt des investisseurs. Environ 6 000 mégawatts de centrales thermiques solaires sont en construction ou en développement.

La consommation de pétrole diminue elle aussi. Elle a chuté de façon abrupte pour plusieurs raisons dont le ralentissement de l'activité économique, l'insécurité croissante des approvisionnements pétroliers, et les inquiétudes du consommateur concernant les prix de l'essence dans le futur; l'utilisation d'essence va chuter encore plus car les normes d'économies de carburant annoncées en mai vont élever le rendement des nouvelles voitures de 42% et celles des camions légers de 25% d’ici 2016. La tendance saute aux yeux de façon frappante, dans les chiffres de ventes de véhicules pour les huit premiers mois de cette année, qui montrent une moyenne de consommation au 100kms significativement plus faible que pour les véhicules vendus l’année dernière au cours de la même période.

Aussi impressionnantes que soient ces améliorations, les gains les plus conséquents en consommation de carburant viendront avec le passage aux véhicules hybrides rechargeables sur secteur et aux voitures tout-électriques. Les moteurs électriques ont non seulement un rendement trois plus élevé que les moteurs à explosion, mais ils permettent de faire rouler des voitures avec de l'électricité d’origine nationale produite par le vent à un coût équivalent-essence de 10 à 15 centimes d’euros par litre (hors TIPP ; ndt). Lorsque ce différentiel du coût de carburant deviendra de plus évident, le passage aux véhicules rechargeables et aux voitures tout-électriques se fera bien plus rapidement que ne le prévoient les responsables.

Concernant la réduction des émissions de carbone, il est temps d'arrêter de parler de faisabilité politique et de commencer à parler de nécessité scientifique. La science est effrayante. Nous n'avons pas besoin de regarder au delà de la fonte des glaces pour comprendre que la civilisation est en danger. La calotte glaciaire du Groenland fond ; si elle venait à disparaître entièrement — et cela prendrait évidemment quelques siècles — le niveau de la mer monterait de 7 mètres. Les derniers rapports indiquent que nous devrons faire face à une élévation du niveau de la mer pouvant atteindre 1,80 mètre durant ce siècle. Une telle élévation inonderait tout ou partie de beaucoup de villes côtières ou de peu d’élévation, comme Londres, Miami, la Nouvelle-Orléans, Alexandrie et Shanghai, créant des millions de réfugiés. Une telle élévation inonderait également les deltas producteurs de riz en Asie, dévastant les récoltes au Bangladesh et au Vietnam.

La fonte des glaciers dans l'Himalaya et sur le plateau tibétain privera l'Indus, le Gange, le Yang-Tseu-Kiang et le fleuve Jaune de la glace qui alimente leur débit pendant la saison sèche, ainsi que les systèmes d'irrigation qui en dépendent. N'oublions pas que la Chine est le principal producteur mondial de blé et de riz. L'Inde arrive au second rang pour ces deux céréales. Tout ce qui est susceptible de réduire leur production céréalière entraînera partout une augmentation des prix des denrées alimentaires.

La seule action réaliste de sauvetage des plus grandes masses de glace de la planète est de réduire les émissions de carbone de 80% d'ici à 2020. Ceci contiendrait l'augmentation de la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone (CO2) à 400 parties par million (ppm) en 2020, alors qu’elle est aujourd’hui à 387 ppm. Nous serions alors en mesure de ramener progressivement les concentrations atmosphériques de CO2 à 350 ppm. Ce niveau est défini par le principal conseiller sur le climat du gouvernement américain, James Hansen, comme étant nécessaire pour enrayer les effets les plus extrêmes du réchauffement climatique.

Si les Etats-Unis militent pour une réduction de 80% des émissions, le reste du monde suivra-t-il ? En particulier, la Chine coopèrera-t-elle, elle qui est maintenant le principal émetteur mondial de carbone ? Et l'Inde ?

Dans le passé, face au refus de certains pays à mettre en oeuvre des décisions internationales, la communauté internationale pouvait recourir, vis à vis de ceux-ci, à la mise en place de boycotts commerciaux, d’embargos sur leurs importations ou de taxes douanières sur leurs exportations. Les pénalités bilatérales pouvaient aussi être une solution. Après tout, les Etats-Unis constituent le plus gros débouché à l'exportation pour la Chine.

Mais la situation est aujourd’hui différente : certains pays sont plus directement touchés que d'autres par le changement climatique, et une action volontariste de réduction des émissions de carbone favorise les investissements dans les nouvelles industries de l’énergie. Les deux pays construisant la plupart des centrales thermiques au charbon (la Chine et l'Inde), sont parmi les pays dont la sécurité alimentaire est la plus directement menacée par le réchauffement global. De plus petits pays tels que l'Egypte, la Corée du Sud et le Japon peuvent importer plus de la moitié de leur approvisionnement en céréales, mais ces deux géants démographiques ne le peuvent pas, les exportations céréalières mondiales n’y suffiraient pas.

La bonne nouvelle est que la Chine change rapidement de stratégie, en passant aux énergies éolienne, solaire et géothermique. L’opinion publique mondiale s’inquiète du rythme de construction de centrales à charbon en Chine (une par semaine), mais cette tendance semble se ralentir et, à l’instar des Etats-Unis, la Chine ferme beaucoup de ses centrales les plus anciennes et les plus polluantes.

Sur le front des énergies renouvelables, le potentiel de production éolien de la Chine représente sept fois sa consommation actuelle d'électricité. Bien qu'ayant démarré tardivement, la Chine construit des complexes de fermes éoliennes à une échelle sans précédent. Les Etats-Unis — leader mondial de ces dernières années en termes de capacité éolienne installée — seront rattrapés sans coup férir par la Chine l’année prochaine, vu son rythme de développement.

Sur le front du solaire, les deux tiers des chauffe-eau sur toiture sont en Chine, et le pays est maintenant le principal producteur mondial de panneaux solaires photovoltaïques. Début septembre, la Chine a annoncé un projet de construction d’un complexe de panneaux solaires de 2.000 mégawatts, soit quatre fois plus que la importante installation des Etats-Unis.

L'Inde, quant à elle, pourra répondre au défi de réduction des émissions de carbone et à ses futurs besoins énergétiques en exploitant non seulement l'énergie éolienne mais aussi l’ensoleillement du grand désert Indien. L’exploitation de l'énergie solaire qu’il reçoit pourrait entièrement alimenter l'économie indienne. Les nouvelles centrales thermiques solaires, qui peuvent produire de l'électricité plusieurs heures après la tombée de la nuit pourraient libérer l'Inde de sa dépendance au charbon.

La réduction des émissions de carbone soulève plusieurs questions ; où seront localisées les nouvelles industries de l’énergie ? Qui fabriquera les turbines éoliennes, les panneaux solaires et les diodes électroluminescentes à haut rendement ? Les pays qui réduiront le plus vite leurs émissions de carbone auront un avantage compétitif.

Stabiliser le climat de la Terre est une entreprise complexe et risquée. Si les Etats-Unis la conduise — et le font avec sans détour — je crois que le reste du monde suivra.

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Lester R. Brown est le president du Earth Policy Institute et l’auteur du livre à paraître “Plan B 4.0: Mobiliser pour sauver la Civilisation,” maintenant disponible en anglais sur http://www.earth-policy.org/index.php?/books/pb4

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