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63 - “ L’INTENSITE PETROLIERE ” DES RESSOURCES ALIMENTAIRES

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Earth Policy Institute
Extrait du Plan B 3.0
Le 25 juin 2009

“ L’INTENSITE PETROLIERE ” DES RESSOURCES ALIMENTAIRES

Texte original:
http://www.earthpolicy.org/Books/Seg/PB3ch02_ss3.htm

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti

Notre civilisation est complètement dépendante d’une ressource dont la production baissera d’ici peu : le pétrole. La production pétrolière dépasse depuis 1981 les nouvelles découvertes et l’écart ne cesse de s’élargir. En 2008, 31 milliards de barils ont été produits au niveau mondial, à comparer aux moins de 9 milliards de barils découverts sur la même période. Les réserves conventionnelles de pétrole sont en chute libre, diminuant chaque année.

Parmi les environ 2000 milliards de barils découverts, 1000 milliards ont déjà été utilisés; il en reste donc 1000 autres milliards. Mais ces chiffres bruts ne rendent pas compte du problème principal. Comme le fait remarquer le spécialiste de la défense et sécurité du territoire américain Michael Klare, ce premier millier de milliards de barils provient de pétrole facile à extraire ; “du pétrole trouvé sur les côtes ou dans leur voisinage immédiat ; accessible à faible profondeur et concentré dans de larges champs ; produit dans des pays politiquement stables, accueillants, et avec lesquels nous entretenons de bonnes relations.” L’autre moitié, note Klare, est un pétrole difficile, “du pétrole de haute mer ou profondément enfoui sous terre ; éparpillé dans de petits réservoirs difficiles à trouver ; qui doit être extrait dans des territoires hostiles, politiquement instables, ou dangereux.”

L’existence d’un pic de production pétrolière a des conséquences directes sur la sécurité alimentaire mondiale, car l’agriculture moderne dépend fortement de l’utilisation des combustibles fossiles. La plupart des tracteurs fonctionnent à l’essence ou au diesel. Les pompes d’irrigation utilisent du diesel, du gaz naturel ou de l’électricité souvent produite à partir de charbon. La production d’engrais est également gourmande en énergie. Le gaz naturel est utilisé pour synthétiser les composés à base d’ammoniac utilisés dans la fabrication des engrais azotés. L’extraction minière, la fabrication et le transport international de phosphates et de potasse dépendent tous du pétrole.

Il est possible de réduire la dépendance de l’agriculture vis-à-vis du pétrole par des gains d’efficacité. L’utilisation totale d’essence et de diesel pour l’agriculture aux Etats-Unis a chuté de son sommet historique de 1973, presque 30 milliards de litres, à 16 milliards en 2005, soit une réduction de près de 45 %. On peut se faire une idée de la tendance à l’optimisation de l’usage des carburants dans l’agriculture américaine en notant que la production d’une tonne de céréale en 1973 nécessitait 125 litres de carburant, contre seulement 45 en 2005, une chute impressionnante de 64 %.

L’une des causes de ce changement réside dans l’adoption progressive de pratiques minimales de labour, voire leur abandon complet, sur environ 40 % des terres arables aux Etats-Unis. Mais alors que l’utilisation agricole de carburants est en déclin aux Etats-Unis, elle continue à augmenter dans de nombreux pays en voie de développement, du fait du remplacement de la force de travail animal par des tracteurs. Par exemple, au cours de la dernière génération, les moyens mécaniques modernes ont remplacé la force de travail animale dans l’exploitation des terres arables chinoises.

Les engrais représentent 20 % de la consommation énergétique du secteur agricole américain. Au niveau mondial, ce chiffre doit être légèrement plus élevé. La demande en engrais grimpe à mesure que le monde s’urbanise. Avec la migration des populations rurales vers les villes, il devient de plus en plus difficile de recycler les déchets humains pour fertiliser les sols. De plus, le commerce international de denrées alimentaires, en expansion, peut rendre la distance entre producteurs et consommateurs supérieure à des milliers de kilomètres, contribuant à briser encore plus le recyclage des nutriments. Les Etats-Unis, par exemple, exportent environ 80 millions de tonnes de céréales par an (céréales qui contiennent de grandes quantités de nutriments fondamentaux : azote, phosphore, et potassium). Le flot continu de ces exportations détruirait progressivement la fertilité inhérente des terres arables américaines, si ces nutriments n’étaient pas remplacés par des intrants chimiques.

L’irrigation représente un des principaux postes énergétiques de l’agriculture. Sa demande en énergie augmente au niveau mondial de par l’assèchement des nappes phréatiques. Aux Etats-Unis, près de 19 % de l’utilisation d’énergie par l’agriculture sert au pompage de l’eau. Et dans quelques états en Inde où les réserves nappes phréatiques diminuent, plus de la moitié de l’électricité est utilisée pour pomper l’eau des puits. Certaines tendances, comme l’abandon des labours, rendent l’agricultureplus économe en carburant. Mais l’augmentation de l’usage des engrais, le développement de la mécanisation et l’abaissement du niveau des nappes phréatiques accroissent la dépendance de la production agricole vis-à-vis des combustibles fossiles.

Bien que l’attention se focalise souvent sur l’utilisation agricole de l’énergie, celle-ci ne représente que 20% de l’utilisation totale d’énergie dans le secteur agro-alimentaire aux Etats-Unis. Le transport, la transformation, le packaging, le marketing et la préparation en cuisine constituent le reste de la dépense énergétique. Le secteur agro-alimentaire américain consomme à lui seul autant d’énergie que toute l’économie du Royaume-Uni.

14% de l’énergie utilisée dans le secteur agro-alimentaire sont consacrés au transport des marchandises entre leurs lieux de production et de consommation représentent ; c’est à peu près les deux tiers de l’énergie requise pour produire ces denrées alimentaires. Par ailleurs, on estime à 16% la fraction d’énergie utilisée pour la transformation des produits de base (emballage, congélation, déshydratation etc.), du jus d’orange concentré congelé aux petits pois en boîte.
Les aliments de base, comme le blé par exemple, sont traditionnellement transportés sur de très longues distances par bateau, par exemple des Etats-Unis vers l’Europe. La nouveauté réside dans l’expédition de fruits et légumes frais sur de très grandes distances par fret aérien. Peu d’activités économiques sont aussi gourmandes en énergie.

La distance parcourue par les denrées alimentaires entre leur lieu de production et leur lieu de consommation a considérablement augmenté pendant la période d’abondance du pétrole bon marché. Dans mon supermarché du centre de Washington DC, les raisins frais d’hiver arrivent typiquement par avion du Chili, un trajet de plus de 8 000 kilomètres. L’un des transports de produis frais les plus routiniers relie la Californie et la zone densément peuplée de la Côte Est des Etats-Unis. Ce transport se fait essentiellement par camions réfrigérés. Dans une évaluation des perspectives d’avenir du transport à longue distance, un analyste pétrolier a observé que les jours de la salade Caesar (du prénom de son inventeur. Salade composée populaire dans tous les Etats-Unis depuis les années 20. NdT ) transportée sur près de 5.000 kilomètres, étaient comptés.

Le packaging est aussi étonnamment gourmand en énergie, représentant presque 7 % de la consommation énergétique du secteur agro-alimentaire. L’énergie mise dans le packaging dépasse couramment celle de la nourriture qu’il contient. L’emballage et la commercialisation représentent une grande part du coût des aliments transformés. Le fermier des États-Unis ne reçoit environ que 20 pour cent de l’argent dépensé en nourriture par le consommateur, et ce chiffre est beaucoup plus bas pour certains produits : selon un analyste, “une boîte de céréales vide livrée à l’épicerie coûterait à peu près la même chose qu’une pleine.”

Le segment le plus dispendieux en énergie de la chaîne d’approvisionnement se trouve dans la cuisine. La réfrigération et la préparation de la nourriture chez soi consomment bien plus d’énergie que ce qu’il a fallu pour la produire. Le plus gros utilisateur d’énergie dans cette chaîne est le réfrigérateur de notre cuisine, pas le tracteur de l’agriculteur. Alors que l’utilisation de pétrole domine le bilan énergétique de la production de nourriture, l’électricité domine sa consommation.

En résumé, le système d’approvisionnement moderne, développé sur la base d’un pétrole bon marché, ne survivra pas sous sa forme actuelle face à l’augmentation des prix de l’énergie et la restriction de l’approvisionnement des combustibles fossiles

Pour poursuivre la lecture sur l’agriculture de proximité et le jardinage urbain, voir ‘Farming in the City’ sur http://www.earthpolicy.org/Books/PB3/PB3ch10_ss5.htm.

Adapté du chapitre 2, “La détérioration de la sécurité pétrolière et alimentaire,” dans Plan B 3.0 de Lester R. Brown : Mobilizing to Save Civilization (Mobiliser pour sauver la civilisation, ndlt) (New York: W.W. Norton & Company, 2008), disponible en téléchargement gratuit et à l’achat sur www.earthpolicy.org/Books/PB3/index.htm.

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Une présentation résumée du plan B sous forme de diaporama est disponible sur:
http://www.earthpolicy.org/Books/PB3/presentation.htm.(en anglais), et:
http://www.alternativeplanetaire.com/sites/alternativeplanetaire.com/files/docs/resume-PB3.pdf (en français)

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Information complémentaire: www.earthpolicy.org

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