previous

61 - LA FONTE DES GLACIERS POURRAIT PROVOQUER
DES VAGUES MASSIVES DE REFUGIES CLIMATIQUES

next
 

Earth Policy Institute
Extrait du Plan B 3.0
Le 3 juin 2009

LA FONTE DES GLACIERS POURRAIT PROVOQUER DES VAGUES MASSIVES DE REFUGIES CLIMATIQUES

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti

Texte original:
http://www.earthpolicy.org/Books/Seg/PB3ch03_ss5.htm

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti

Le réchauffement de la planète provoque la fonte des deux énormes calottes glaciaires de la Terre, l’Antarctique et le Groenland ; l’impact de ce phénomène sur la montée du niveau des mers est potentiellement énorme. La fonte complète du Groenland élèverait ce niveau de 7 mètres, et celle de l’Antarctique occidental de 5 mètres. La fonte même partielle de ces inlandsis aura des conséquences dramatiques. Les récentes prévisions d’élévation du niveau des mers au XXIème siècle (entre 20 et 60 centimètres) établies par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sont déjà dépassées : les experts scientifiques parlent maintenant d’une montée des eaux pouvant atteindre 2 mètres sur cette période.

L’évolution future de la calotte glaciaire du Groenland peut être prédite par l’observation du réchauffement des régions arctiques. Une étude de 2005, menée par l'équipe de l’Arctic Climate Impact Assessment (ACIA) (Evaluation de l'impact climatique sur l'Arctique), un groupe international regroupant 300 scientifiques, a conclu que l’Arctique se réchauffe presque 2 fois plus vite que le reste de la planète. Cette étude montre que dans les régions entourant l’Arctique, incluant l’Alaska, l’ouest du Canada, et l’est de la Russie, les températures hivernales ont déjà augmenté de 3 à 4 degrés au cours des cinquante dernières années.

Au cours de sa prise de parole devant le Comité chargé du Commerce au Sénat Américain, Sheila Watt-Cloutier, une femme Inuit parlant au nom des 155 000 Inuits vivant en Alaska, au Canada, au Groenland et dans l’est de la Russie, a caractérisé le combat des Inuits pour la survie face à ce changement climatique de l’Arctique comme “une incarnation du destin de la planète” Elle a désigné le réchauffement de l’Arctique comme “ un événement clé dans l’histoire de notre planète. ”

Le rapport de l’ACIA décrit comment le recul des glaces marines a “des conséquences dévastatrices pour les ours polaires”, dont la survie même est en jeu. Un rapport ultérieur indique que les ours, dans une lutte pour la survie, deviennent cannibales. Les phoques des zones polaires qui constituent une ressource alimentaire pour les Inuits sont également menacés d’extinction.

De nouvelles preuves de l’aggravation de la situation depuis 2005 ont récemment été communiquées. Une équipe de scientifiques du National Snow and Ice Data Center (Centre de données national pour la neige et la glace) et du National Center for Atmospheric Research (Centre national pour la recherche atmosphérique) a conclu que la fonte des glaces est bien plus rapide que le prédisent les modèles. Cette équipe a constaté qu’entre 1979 et 2006, la réduction estivale de la surface de la banquise avait progressé de 9,1% tous les 10 ans. En 2007, la banquise arctique a perdu quelque 20% de superficie supplémentaire, par rapport au précédent record datant de 2005. Selon l’hypothèse la plus pessimiste du rapport du GIEC de 2007, l’Océan Arctique pourrait être libre de glace en été d’ici 2050. Certains scientifiques pensent désormais qu’il pourrait l’être en 2030, si ce n’est plus tôt. La spécialiste scientifique de l’Arctique Julienne Stroeve fait observer que la réduction estivale de la banquise pourrait avoir atteint “ un point de non retour pouvant déclencher une cascade de changements climatiques atteignant les régions tempérées de la Terre ”.

L’inquiétude des scientifiques est liée aux “ boucles de rétroaction positives ” dont l’effet commence peut-être à se faire sentir. Ce vocabulaire fait référence à une situation dans laquelle une tendance en cours se renforce elle-même. Deux de ces mécanismes de rétroactions préoccupent particulièrement la communauté scientifique. Le premier est due à la variation d’«albedo» de la région arctique : quand le rayonnement incident du soleil frappe la glace de l’océan Arctique, jusqu’à 70% de celui-ci est réfléchi vers l’espace, seuls 30% étant absorbé sous forme de chaleur. Mais, avec la fonte de la banquise arctique, le rayonnement incident tombe non plus sur la glace mais sur l'eau, de couleur bien plus sombre : il est alors absorbé à 94% sous forme de chaleur, seuls 6% étant renvoyés vers l’espace. Ce phénomène peut avoir un rôle sur la disparition accélérée de la banquise arctique, et sur l’augmentation des températures dans cette région, cette dernière ayant une incidence directe sur la fonte de la calotte glaciaire du Groenland.

La fonte des glaces de la Mer Arctique n’affecte pas directement le niveau de l’eau parce que ces glaces sont flottantes; mais elle conduit à un réchauffement très net de la région arctique puisqu’une proportion plus importante du flux solaire est absorbée sous forme de chaleur. Ceci est particulièrement inquiétant pour le Groenland, situé en grande part à l’intérieur du Cercle Arctique, et dont l’inlandsis (mesurant par endroits jusqu’à 1,6 km d’épaisseur) se met alors à fondre.

Le second mécanisme de rétroaction positive a aussi un rapport avec la fonte des glaces : quand la surface d’un glacier commende à fondre, une partie de l’eau de fonte s’infiltre par des fissures à l’intérieur de celui-ci, lubrifiant la surface de contact entre la glace et la roche sur lequel il repose. Ceci accélère le flux de glace et le vêlage des icebergs dans l’océan environnant. L’eau relativement chaude s’écoulant à travers le glacier transporte aussi la chaleur de surface à l’intérieur de la calotte glaciaire bien plus vite que ne le ferait le seul phénomène de conduction thermique.

Plusieurs études récentes montrent que la fonte de l’inlandsis groenlandais s’accélère. Une étude publiée dans le magazine Science en Septembre 2006 indique que la vitesse de fonte a triplé lors de ces dernières années. Une équipe scientifique de la NASA a signalé en octobre 2006 que le flux des glaciers dans la mer s’accélérait. Pour le glaciologue Eric Rignot du Jet Propulsion Laboratory (Laboratoire de propulsion par réaction) de la NASA “ rien de ceci n’a été prédit par les modèles climatiques ; en conséquence toutes les prévisions de contribution du Groenland à l’élévation du niveau des mers sont bien en dessous de la réalité ”.

A l’autre extrémité de la planète, la calotte glaciaire de 2 kilomètres d’épaisseur de l’Antarctique commence à fondre. Elle recouvre un continent deux fois grand comme l’Australie et contient 70% de l’eau douce de la Terre. La barrière de glace formée par le flux des glaciers dans la mer environnante commence à se briser à un rythme alarmant.

En mai 2007, une équipe de scientifiques de la NASA et de l’Université du Colorado a publié des données satellite montrant la présence d’une zone étendue de dégel à l’intérieur de la calotte glaciaire, couvrant une surface équivalente à celle de la Californie. Konrad Steffen, un des scientifiques ayant participé à cette étude, a fait observer que “si, dans le passé récent, on ne voyait pas de réchauffement sensible de l’Antarctique à l’exception de la péninsule Ouest, aujourd’hui de larges régions montrent les premiers signes de l’impact du réchauffement ”.

L’Institut International pour l’Environnement et le Développement (IIED) a analysé les conséquences d’une augmentation de 10 mètres du niveau de la mer, donnant une vision de ce que signifierait la fonte des grandes calottes glaciaires. L’étude de l’IIED débute par le constat que 634 millions de personnes vivent le long des côtes à moins de 10 mètres au dessus du niveau de la mer, dans ce qu’on appelle la “zone côtière de faible élévation”. C’est une population considérable et très vulnérable, qui correspond à un 8ème de la population mondiale.

Le pays le plus touché serait la Chine, avec 144 millions de réfugiés climatiques potentiels, devant l’Inde et le Bangladesh, avec respectivement 63 et 62 millions de réfugiés. 43 millions de personnes seraient concernées au Vietnam, et 42 millions en Indonésie. Parmi les 10 premiers de ce classement, on trouve aussi le Japon avec 30 millions de réfugiés, l’Egypte avec 26 millions, et les Etats-Unis avec 23 millions.

Le monde n’a jamais connu un déplacement potentiel de population aussi énorme. Certains réfugiés pourraient simplement s’installer sur des terres hors d’atteinte dans leur propre pays. Les autres, face à l’extrême surpopulation des régions intérieures de leur pays natal, trouveraient refuge ailleurs. Le Bangladesh, qui est déjà un des pays les plus densément peuplés au monde, serait confronté à une concentration de population encore plus grande : 62 millions de personnes seraient en effet obligés de rejoindre les 97 autres millions vivant sur des terres plus élevées.

La perte de vastes étendues de terres agricoles productives s’ajouterait à l’inondation partielle ou totale de certaines des plus grandes villes du monde comme Shanghai, Calcutta, Londres et New-York. En Asie, les deltas des fleuves où pousse le riz et les plaines inondables seraient recouverts d’eau salée, privant ce continent d’une partie de son approvisionnement.

On peut en dernier lieu se poser la question de la capacité de résistance des gouvernements à la pression économique et politique générée par le déplacement de pans entiers de la population et la perte conjointe de logements et de moyens industriels. Le relogement ne sera pas uniquement une question nationale, puisqu’une large part des personnes déplacées migreront vers d’autres pays. Les gouvernements seront-ils capables de supporter ces pressions ? Ou au contraire conduiront-elles à l’effondrement d’un nombre de plus en plus grand d’Etats ?

#     #     #

Adapté du Chapitre 3, "La montée des températures et du niveau des mers ," du Plan B 3.0: Mobiliser pour sauver la civilisation (New York: W.W. Norton & Company, 2008), disponible en téléchargement gratuit et à l'achat sur: http://www.earthpolicy.org/index.php?/books/pb3

# # #

Une présentation résumée du plan B sous forme de diaporama est disponible sur:
http://www.earthpolicy.org/Books/PB3/presentation.htm.(en anglais), et:
http://www.alternativeplanetaire.com/sites/alternativeplanetaire.com/files/docs/resume-PB3.pdf (en français)

# # #

Pour s’abonner aux traductions des mises à jour du Plan B de l’Earth Policy Institute:
http://www.ecologik-business.com/inscription-newsleter-lester-brown.html

L’association Alternative Planétaire est le relais en France des idées et du travail de l’Earth Policy Institute:
http://www.alternativeplanetaire.com

Information complémentaire: www.earthpolicy.org

N’hésitez pas à transmettre cette information à des amis, membres de la famille, et collègues !

# # #

pour plus d'informations, contactez:

Contact Presse & Permissions de reproduction:
Reah Janise Kauffman
Tel: + 202 496-9290 x 12
E-mail: rjk (at) earthpolicy.org

Contact Recherche :
Janet Larsen
Tel: + 202 496-9290 x 14
E-mail: jlarsen (at) earthpolicy.org

Earth Policy Institute
1350 Connecticut Ave. NW, Suite 403
Washington, DC 20036
USA
Web: www.earthpolicy.org

 

 
 
© Ecologik business 2009