59 - PROTEGER ET RESTAURER LES FORETS |
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Earth Policy Institute PROTEGER ET RESTAURER LES FORETS texte original: Lester R. Brown, traduit par Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti La protection des presque 4 milliards d’hectares de forêts restant sur Terre et le reboisement des surfaces forestières perdues sont deux éléments essentiels de la restauration des écosystèmes planétaires, ces derniers étant un pilier de la nouvelle économie du plan B. En effet, les capacités de réduction des écoulements d’eau de pluie qui causent inondations et érosion des sols, de recyclage de cette eau de pluie vers l’intérieur des terres, et de recharge des nappes phréatiques dépendent tout à la fois d’une réduction des pressions exercées sur les forêts, et d’une entreprise de reforestation. Il y a des marges de manœuvres importantes et inexploitées dans tous les pays, pour réduire la pression sur ce qu’il reste de couverture forestière au niveau mondial. Dans les pays industrialisés, la plus grande source d’amélioration réside dans la réduction de la quantité de bois utilisé pour fabriquer du papier, alors que dans les pays en voie de développement, celle-ci se trouve dans la réduction de l’emploi du bois comme combustible. Les taux de recyclage de papier varient largement parmi les 10 plus grands pays producteurs de papier. La Chine et la Finlande se situent en bas de l’échelle avec 33 et 38 % de recyclage et, à l’autre extrémité, la Corée du Sud et l’Allemagne ont des taux de recyclage de 77 et 66 %. Les Etats-Unis, le plus grand consommateur mondial de papier, sont loin derrière la Corée du Sud, mais leur taux de recyclage est passé de 25% au début des années 1980 à 50% en 2005. Si chaque pays s’avérait aussi efficace que la Corée du Sud, la quantité de pulpe de bois utilisée pour produire du papier dans le monde entier chuterait d’un tiers. L’utilisation de papier, plus que tout autre indicateur, est peut-être le meilleur reflet de la tendance au gaspillage qui s’est développée au cours du siècle dernier. Il y a un potentiel énorme de réduction de l’utilisation de papier simplement en remplaçant les mouchoirs jetables, les serviettes en papier, les couches jetables pour bébé et les sacs à provision en papier, par leurs équivalents réutilisables en tissu. Le besoin en combustible représente la première source d’utilisation du bois ; il est responsable de plus de la moitié de l’abattage forestier au niveau mondial. Certaines agences d’aide internationale, dont l’Agence américaine internationale de Développement (AID) sponsorisent des projets d’utilisation efficace du bois de chauffage. L’un des programmes les plus prometteurs de cette agence est la distribution au Kenya de 780000 nouveaux fourneaux à bois, très efficaces dans leur fonctionnement ; ils n’utilisent pas plus de bois qu’un four traditionnel mais polluent moins. Le Kenya est aussi le siège d’une expérience pilote d’utilisation de fours solaires, sponsorisée par Solar Cookers International (« Fours solaires International »). Ces fours bon marché, faits de carton et de feuilles d’aluminium, ne coûtant que 10 dollars pièce, produisent une cuisson lente, un peu comme un pot en terre. Ne demandant pas plus de deux heures de soleil pour cuire un repas en totalité, ils peuvent à très peu de frais réduire grandement l’utilisation du bois pour la cuisson. Ils peuvent aussi servir à stériliser l’eau, sauvant ainsi des vies humaines. Le développement de sources d’énergie alternatives est sur le long terme l’élément clé de réduction de la pression exercée sur les forêts dans les pays en voie de développement. Malgré l’immense valeur que représente la préservation des forêts pour la société, seuls 290 millions d’hectares de la couverture forestière totale sont légalement protégés contre l’abattage. Les législations nationales protègent en général les forêts non pas tant pour préserver l’approvisionnement en bois à long terme que pour leur permettre de continuer à remplir leur rôle de régulateurs d’inondations. Les pays où des mesures de protection des forêts ont été prises, comme la Chine ou les Philippines, ont souvent souffert par le passé des conséquences d’une déforestation intensive. Diverses ONGs ont travaillé des années pour protéger les forêts contre les coupes à blanc ; plus récemment, l’exploitation durable des forêts s’est imposée comme un autre moyen de protection : l’abattage sélectif des arbres parvenus à maturité permet de conserver perpétuellement la forêt ainsi que sa productivité. En 1997, la Banque Mondiale s’est unie au World Wide Fund for Nature (WWF) pour constituer l’Alliance for Forest Conservation and Sustainable Use ; en 2005, l’Alliance avait identifié 55 millions d’hectares de zones forestières nouvellement protégées et a certifié 22 millions d’hectares de forêt. A la mi-2005, l’Alliance a annoncé comme objectif l’arrêt total de la déforestation globale d’ici 2020. Il existe plusieurs programmes de certification des produits forestiers permettant de faire le lien entre des consommateurs soucieux de la préservation de l’environnement et une exploitation durable des forêts productrices. Le programme le plus rigoureux au plan international, certifié par un groupe d’ONGs, est le Forest Stewardship Council (FSC). Quelques 88 millions d’hectares de forêts, répartis dans 76 pays, ont reçu un la-bel garantissant une gestion responsable, octroyé par des organismes accrédités par le FSC. Les plantations forestières contribuent à réduire la pression sur les forêts naturelles restantes dans la mesure où elles ne s’implantent pas dans des zones de forêt vierge. En 2005, les plantations forestières atteignaient 207 millions d’hectares au niveau mondial, soit une surface représentant presque un tiers des 700 millions d’hectares consacrés à la culture céréalière. Les plantations de bois fournissent essentiellement de la matière première pour les usines à papier et l’industrie du bois aggloméré. De plus en plus, les bois reconstitués remplacent les bois naturels sur le marché mondial, au fur et à mesure que l’industrie s’adapte à la raréfaction des fûts de grande taille en provenance de forêts naturelles. Les projections concernant la croissance future montrent que la sylviculture est limitée par la surface disponible. De nouvelles plantations peuvent quelquefois se faire de façon économiquement viable sur des zones déjà déboisées et souvent dégradées, mais en règle générale, elles se constituent au détriment des forêts existantes. Elles sont aussi en compétition avec l’agriculture, puisqu’en général les terres adaptées à la culture le sont aussi à l’exploitation forestière. Le manque d’eau est une autre contrainte. Les plantations à croissance rapide nécessitent une humidité abondante. Néanmoins, l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) considère que, sous l’effet de l’augmentation des rendements et des surfaces consacrées à la sylviculture, la production pourrait plus que doubler durant les trois prochaines décennies. Il est tout à fait envisageable que les plantations puissent un jour satisfaire l’essentiel de la demande industrielle mondiale de bois, contribuant ainsi à la protection des dernières forêts naturelles de la planète. La Corée du Sud est sous bien des aspects un modèle de reboisement pour le reste du monde. A la fin de la guerre de Corée, il y a un demi-siècle, ce pays montagneux était largement déboisé. Au début des années 60, sous l’impulsion du président Park Chung Hee, le gouvernement sud-coréen a lancé un vaste programme national de reforestation. En s’appuyant sur la création de coopératives de villages, des centaines de milliers de personnes ont été mobilisées pour creuser des tranchées, créer des terrasses de soutènement, et permettre la replantation des arbres sur des pentes montagneuses arides. De nos jours, la forêt couvre 65 % du pays, ce qui représente une surface de 6 millions d’hectares. Alors que je traversais en voiture la Corée du Sud en 2000, j’ai eu le plaisir de découvrir de vastes étendues de forêts sur des montagnes, qui, une génération auparavant, étaient complètement désolées. Nous pouvons reboiser la Terre ! Au Niger, les fermiers ont dû faire face à de graves sécheresses et à la désertification dans les années 1980 ; ils commencèrent, en travaillant la terre pour la future récolte, à laisser dans les champs les plants de robiniers qui avaient pris naturellement racine. Ceux-ci, en grandissant, ont offert une protection contre le vent, limitant ainsi l’érosion du sol. Le robinier est une légumineuse qui fixe l’azote, enrichit le sol et permet d’augmenter le rendement des récoltes. Pendant la saison sèche, les feuilles et les gousses produisent du fourrage pour le bétail; les arbres fournissent également du bois de chauffe. Les communautés agricoles du Niger ont été revitalisées par la généralisation de cette pratique sur 3 millions d’hectares, consistant à laisser pousser 20 à 150 pieds de robiniers par hectare. Redéployer les subventions consenties pour la construction de routes d’exploitation forestière en faveur de la plantation d’arbres aiderait à la protection de la couverture forestière globale. La Banque Mondiale dispose de la capacité administrative nécessaire à la mise en place d’un programme international de cette nature. On pourrait ainsi transposer à l’échelle du globe le succès enregistré par la Corée dans la restauration de la forêt de ses régions de collines et de montagnes. De plus, la FAO et les agences d’aide bilatérale peuvent travailler avec des fermiers indépendants dans le cadre de programmes nationaux agro-forestiers, visant à intégrer des arbres chaque fois que possible dans les opérations agricoles. Il est possible d’alléger les pressions exercées sur les forêts de la Terre en réduisant l’utilisation du bois ; ceci peut être fait en développant des fourneaux à bois plus efficaces et des moyens de cuissons alternatifs, en recyclant systématiquement le papier et en interdisant l’utilisation de produits jetables utilisant le papier. Mais un effort de reforestation global ne peut réussir que s’il s’accompagne d’une stabilisation de la population. Les forêts de la Terre peuvent être restaurées dans le cadre d’un plan de ce type, coordonné pays par pays. Adapté du Chapitre 8, “Restoring the Earth,” du livre de Lester R. Brown, Plan B 3.0: Mobilizing to Save Civilization (New York: W.W. Norton & Company, 2008), disponible en téléchargement gratuit et à l’achat sur : Une présentation résumée du plan B sous forme de diaporama est disponible sur: # # # Pour s’abonner aux traductions des mises à jour du Plan B de l’Earth Policy Institute: L’association Alternative Planétaire est le relais en France des idées et du travail de l’Earth Policy Institute: Information complémentaire: www.earthpolicy.org N’hésitez pas à transmettre cette information à des amis, membres de la famille, et collègues ! # # # pour plus d'informations, contactez: Contact Presse & Permissions de reproduction: Contact Recherche : Earth Policy Institute
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