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58 - LE COUT DE LA DEFORESTATION

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Earth Policy Institute
Extrait du Plan B 3.0
Le 7 avril 2009

LE COUT DE LA DEFORESTATION

Texte original:
http://www.earthpolicy.org/Books/Seg/PB3ch05_ss2.htm

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka et Pierre-Yves Longaretti

Début décembre 2004, le Président philippin Gloria Macapagal Arroyo “ a donné l’ordre à l’armée de stopper par la force l’abattage forestier, après la mort de 340 personnes , provoquées par des inondations fulgurantes et des glissements de terrain liés à l’exploitation forestière illégale ”  selon des reportages d'information. Quinze ans plus tôt, en 1989, le gouvernement thaïlandais avait interdit les coupes forestières à l’échelle nationale, suite à des inondations violentes et des glissements de terrain ayant entraîné la mort de nombreuses personnes. Et en août 1998, après plusieurs semaines d'inondations records dans le bassin fluvial du Yang Tsé Kiang et une facture effarante de 30 milliards de dollars de dommages, le gouvernement chinois a lui aussi interdit toute coupe d'arbres dans le bassin supérieur de ce fleuve. Chacun de ces gouvernements a appris avec retard une coûteuse leçon, à savoir que les services fournis par des forêts, tels que la maîtrise des inondations, ont une valeur sociétale qui dépasse largement celle que l’on peut tirer de l’exploitation du bois.

Au début du 20ème siècle, la couverture forestière de la Terre était estimée à 5 milliards d'hectares. Depuis lors, elle est tombée juste au-dessous de 4 milliards d'hectares, les forêts restantes étant plus ou moins également réparties entre les forêts tropicales et subtropicales des pays en voie de développement, et les forêts tempérées et boréales des pays industrialisés. La perte du couvert forestier à l’échelle de la planète se concentre dans les pays en voie de développement. Depuis 1990, la diminution des forêts dans ces pays s ‘élève à 13 millions d'hectares par an. Cette perte d'environ 3 pour cent chaque décennie représente une surface comparable à celle de la Grèce. Dans le même temps, les pays industrialisés regagnent environ 5,6 millions d'hectares de forêt par an, principalement du au fait de l’abandon de terres cultivables qui sont graduellement envahies par les arbres, ou par l’extension des plantations forestières à usage commercial. Au total, le monde perd 7 millions d'hectares net de forêts par an.

Malheureusement, même ces statistiques officielles de la FAO (Food and Agriculture Organization) des Nations Unies ne reflètent pas la gravité de la situation. Par exemple, les forêts tropicales soumises aux brûlis ou aux coupes à blanc ne régénèrent que très rarement. Elles deviennent simplement des friches ou au mieux des forêts de broussailles, qui sont cependant comptabilisées comme forêts dans les statistiques officielles. Les plantations sont également répertoriées de cette façon, alors qu’elles n’ont qu’un lointain rapport avec les forêts anciennes qu'elles sont parfois censées remplacer.

L'institut des ressources mondiales (WRI) rapporte que sur les forêts encore existantes, “ la grande majorité ne constitue plus que des reliquats minuscules ou très fortement perturbés des écosystèmes complètement fonctionnels qu'elles ont autrefois été ”. Seuls 40 pour cent des forêts restant dans le monde peuvent encore être qualifiés de forêts vierges, que le WRI définit comme “ une forêt naturelle, intacte et de grande taille, relativement peu perturbée, et suffisamment importante pour maintenir toute sa biodiversité, ce qui inclut des populations viables d'une large palette d'espèces de chaque type. ”

La pression sur les forêts continue d’augmenter. L'utilisation du bois de chauffage, de papier, et de bois de construction est en expansion. Sur les 3,5 milliards de stères produits à l’échelon mondial en 2005, plus de la moitié a servi de bois de chauffage. Dans les pays en voie de développement, l’utilisation du bois comme combustible représente près des trois-quarts de l’utilisation totale.

La déforestation à usage de combustible atteint des proportions considérables dans la zone du Sahel en Afrique et dans le sous-continent indien. Comme la demande urbaine excède les possibilités d’approvisionnement des forêts avoisinantes, la limite des zones boisées s’éloigne progressivement des villes en cercles concentriques. Ce processus est clairement visible sur les photos satellites prises au fil des années. Avec l’accroissement de ce cercle, les coûts de transport du bois de chauffage augmentent; ceci encourage le développement d'une industrie du charbon de bois, une forme d'énergie plus concentrée dont les coûts de transport sont plus faibles. Dans le magazine Africa Geographic Online, March Turnbull raconte que “ chacune des villes importantes du Sahel se trouve au centre d’un paysage lunaire stérile. Le charbon de bois alimentant Dakar et Khartoum parcourt maintenant plus de 500 kilomètres, venant parfois des pays voisins. ”

Les coupes destinées au bois de construction prélèvent également un lourd tribu sur la forêt ; ce phénomène est particulièrement manifeste en Asie du Sud-Est et en Afrique. Dans presque tous les cas, l’abattage est réalisé par des exploitants étrangers davantage intéressés par la maximisation des profits tirés d’une coupe que par une gestion renouvelable de la production. Une fois que les forêts d'un pays ont complètement disparu, ces entreprises s'en vont, laissant seulement sur leur passage les dégâts qu’elles ont causés. Le Nigéria et les Philippines ont tous les deux perdu leur industrie d'exportation de bois dur tropical, autrefois prospères, et sont maintenant des importateurs nets de produits forestiers.

Mais, en ce début de nouveau siècle, ce qui fait peut-être le plus de ravages aux forêts primaires restantes est la croissance explosive de la demande de l’industrie du bois en Chine, qui fournit maintenant le monde en meubles, planchers, panneaux de particules, et autres matériaux de construction. Pour approvisionner ses marchés intérieur et étrangers, la Chine s’est livrée à une orgie d’abattages souvent illégaux hors de ses frontières, en Indonésie, au Myanmar (Birmanie), en Papouasie-Nouvelle Guinée, et en Sibérie. Les sociétés chinoises de commerce de bois arrivent maintenant en Amazonie et dans le bassin du Congo.

Forest Trends, une organisation non gouvernementale regroupant des industriels et des groupes de conservation de la nature, estime qu'au rythme actuel des coupes, les forêts naturelles en Indonésie et au Myanmar auront disparu d’ici une décennie ; celles de Papouasie-Nouvelle Guinée dureront 16 ans ; et celles de l'Extrême Orient russe, pourtant très importantes, pourraient ne plus exister dans 20 ans.

La destruction des forêts est souvent le fait du brûlis, pratique destinée à libérer de nouvelles terres pour la culture et l'élevage. Le brûlis se concentre dans la zone amazonienne du Brésil, dans le bassin du Congo et à Bornéo. Après avoir détruit 93 pour cent de sa forêt tropicale atlantique, le Brésil s’attaque maintenant à la forêt tropicale amazonienne. Celle-ci est d’une taille énorme, comparable en surface à l'Europe. Elle était en grande partie intacte jusqu'en 1970, mais depuis lors, près de 20 pour cent ont été détruits.

Le bassin du Congo en Afrique constitue la deuxième plus grande forêt tropicale du monde, et s'étend sur 10 pays. Comme l’Amazonie, il est aussi attaqué, essentiellement par les bûcherons, les mineurs et les fermiers. Cette forêt de 190 millions d'hectares abrite 400 espèces de mammifères, dont les plus grandes populations mondiales de gorilles, bonobos, chimpanzés, et éléphants de la forêt. Elle disparaît au rythme de 1,6 millions d'hectares par an.

La demande d'huile de palme est en augmentation rapide ; elle a mené à une croissance annuelle de 8 pour cent des surfaces de palmiers plantées dans la partie malaisienne de Bornéo (Sarawak et Sabah) entre 1998 et 2003. A Kalimantan, la partie indonésienne de Bornéo, la croissance de ce type de plantations est encore plus rapide, dépassant 11 pour cent par an. Maintenant que l'huile de palme émerge comme une des principales sources de biodiesel, son exploitation va probablement s’étendre encore plus vite. La demande presque sans limites de biodiesel menace maintenant ce qui reste de forêt tropicale à Bornéo et ailleurs.

Haïti, un pays de 9,6 millions de personnes, était autrefois en grande partie recouvert par la forêt ; La demande croissante de bois de chauffage et de nouvelles terres pour l'agriculture l’ont réduite à à peine 4 pour cent du territoire. L’arrachage des arbres entraîne l’érosion des sols. Autrefois paradis tropical, Haïti est un cas d’école de pays pris au piège dans un cercle vicieux écologique et économique dont il n’a pas pu se sortir. C'est désormais un État en faillite, un pays en survie assistée, dépendant de l’aide internationale, tant sur le plan économique qu’alimentaire.

La forêt de Madagascar, un havre de biodiversité, prend le même chemin que celle d’Haïti ; ce pays insulaire compte 18 millions d'habitants. L’abattage des arbres, pour produire du charbon ou libérer des terres pour l’agriculture, provoque un enchaînement d’événements par trop familier. Les écologistes nous avertissent que Madagascar pourrait bientôt n’être composé que de broussailles et de sable.

Le défrichage des terres en Amazonie pour l'élevage ou l'agriculture en Amazone provoque une augmentation de la quantité de l’eau de pluie qui s'écoule vers la mer ; celle qui est recyclée à intérieur des terres pour produire de nouvelles pluies s’en trouve alors nettement réduite. La forêt se dessèche et, affaiblie, peut devenir vulnérable au feu. La destruction de la forêt tropicale amazonienne nous fait nous approcher du point de bascule au delà duquel elle ne pourra plus être sauvée.

Une situation semblable est peut-être en train de se développer en Afrique, où la déforestation et le défrichage se poursuivent à un rythme élevé ; l'utilisation de bois de chauffage augmente, et les sociétés forestières abattent de larges étendues de forêts vierges. Le ruissellement des précipitations augmente avec la disparition des arbres, privant la terre de l'eau pompée par les arbres et réintroduite dans l'atmosphère. Quand la forêt disparaît, les pluies diminuent, entraînant une baisse des rendements des récoltes.

De plus en plus de pays commencent à identifier les risques liés à la déforestation. La Chine, la Nouvelle Zélande, les Philippines, le Sri Lanka, la Thaïlande, et le Vietnam figurent parmi les pays qui ont maintenant partiellement ou totalement interdit l’abattage de leurs forêts primaires. Malheureusement, l’interdiction émise dans un pays ne fait trop souvent que transférer la déforestation vers d’autres pays, ou conduit à l'abattage illégal.

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Adapté du chapitre 5, “ Systèmes naturels sous pression, ” dans plan B 3.0 de Lester R. Brown, : Mobiliser pour sauver la civilisation (New York : & de W.W. Norton ; Compagnie, 2008), disponible en téléchargement gratuit et à l'achat sur:
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Un résumé du Plan B 3.0 sous forme de diaporama est disponible sur:
http://www.earthpolicy.org/Books/PB3/presentation.htm.

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