163 - LA RÉCOLTE RECORD DE CÉRÉALES EN 2011 NE PERMET PAS DE RECONSTITUER LES STOCKS MONDIAUX |
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Publication du Earth Policy Institute
LA RÉCOLTE RECORD DE CÉRÉALES EN 2011 NE PERMET PAS DE RECONSTITUER LES STOCKS MONDIAUX
texte original: Janet Larsen, traduite par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy, et Franck Gressier Dans le monde, en 2011, les agriculteurs ont produit plus de céréales que jamais auparavant dans l’histoire. D’après les estimations du ministère de l'agriculture américain, la production mondiale de céréales serait de 2 295 millions de tonnes, correspondant à une hausse de 53 millions de tonnes par rapport au précédent record de 2009. La consommation a augmenté de 90 millions de tonnes sur la même période pour atteindre 2 280 millions de tonnes. Cependant, au cours des 12 dernières années, la production mondiale de céréales a été inférieure à la consommation pendant 7 années : en conséquence les stocks demeurent à un niveau inquiétant, laissant planer sur le monde la menace d'une crise des prix alimentaires. Près de la moitié des calories dans le monde sont directement consommées sous forme de céréales, le reste de ces calories provient en grande partie d’animaux nourris avec des céréales. La production mondiale est dominée par trois céréales: le blé et le riz sont essentiellement directement consommés, alors que le maïs est largement utilisé pour l’élevage. Le blé était la première production céréalière mondiale jusqu'au milieu des années 1990. La production de maïs a ensuite bondi en réponse à la demande croissante d’alimentation pour les animaux d’élevage, et plus récemment, à la production de carburant éthanol. Même si des températures estivales élevées ont réduit l’importante production américaine, la production mondiale de maïs a pourtant atteint un record absolu de 868 millions de tonnes en 2011. Les récoltes de blé (689 millions de tonnes) et de riz (461 millions de tonnes) constituent également des records. (Voir les données sur www.earth-policy.org.) Les stocks tampons (c’est à dire la quantité restante dans les silos dans le monde au début de la récolte suivante) atteignent maintenant 469 millions de tonnes, ce qui représente 75 jours de consommation courante. Entre 1984 et 2001, ces stocks oscillaient autour d’un niveau plus confortable de 100 jours. En 2002, cependant, il manquait 88 millions de tonnes de production céréalière pour satisfaire la demande, et les stocks tampons sont depuis à 72 jours de consommation en moyenne, ce qui proche du strict minimum pour assurer la sécurité alimentaire de base. En 2006, les stocks ont atteint leur plus bas niveau, 62 jours, déclenchant l'envolée des prix alimentaires de 2007-2008 : les prix internationaux des céréales ont alors doublé ou triplé en un court laps de temps. Dans les pays en développement, les familles pauvres, qui consacrent au moins la moitié de leurs revenus à leur alimentation (souvent sous forme de céréales de base) ne pouvaient plus se nourrir, augmentant leur frustration. Alors que le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde dépassait le milliard, des manifestations ont éclaté dans quelques 35 pays. Après plusieurs récoltes importantes, les stocks mondiaux ont de nouveau baissé en 2010 à cause de la sécheresse, des incendies de forêt et de la forte canicule qui ont anéanti les récoltes de blé en Russie et dans les pays voisins. Les exportations ont été interdites. Les prix alimentaires ont de nouveau commencé à augmenter, donnant les signes alarmants de la deuxième crise des prix alimentaires en trois ans. Au bout du compte, selon la Banque mondiale, la hausse des prix alimentaires entre juin 2010 et décembre 2010 a fait tomber dans l’extrême pauvreté 44 millions de personnes supplémentaires situées en bas de l'échelle économique. Les perspectives pour les populations les plus pauvres du monde restent sombres, car même la production record de 2011 ne dépasse pas assez la consommation pour permettre de reconstituer des stocks suffisants. La baisse des stocks et la volatilité des prix alimentaires se produisent dans un contexte de réduction de la surface agricole disponible par personne et du ralentissement de l’amélioration des rendements. Près de 700 millions d'hectares sont consacrées à la culture des céréales à travers le monde. Pour une population mondiale qui a franchi en 2011 la barre des 7 milliards, cela représente 0,1 hectare (1000 m2) de céréales par personne, soit moitié moins qu’au début des années 1960. Grâce à l’amélioration des rendements, la production a augmenté de 50 % par rapport à 1981, bien que la superficie céréalière totale ait baissé depuis cette date en grande partie du fait de l’abandon des terres marginales et érodées. En 1950, les rendements céréaliers moyens étaient de 1 tonne à l’hectare. Ils ont depuis triplés. Le problème pour le futur de l’alimentation mondiale est que tous les progrès faciles ont déjà été réalisés, la grande majorité des pays (à l'exception notable de l'Afrique subsaharienne) ayant déjà adopté les variétés de cultures à haut rendement, l’irrigation et les apports d’engrais. De plus, les rendements plafonnent ou même diminuent dans certains pays. Les rendements céréaliers mondiaux ont augmenté annuellement en moyenne de 2,2 % entre 1970 et 1990, mais seulement de 1,1 % entre 1990 et 2010. De plus en plus de pays dépendent des importations pour répondre à leurs besoins en céréales, et leur commerce international représente aujourd’hui 12 pour cent de la production mondiale. Les Etats-Unis sont de loin le premier exportateur mondial de céréales, avec 73 millions de tonnes exportées en 2011, soit un quart du marché. Viennent ensuite l'Argentine avec 32 millions de tonnes de céréales, l'Australie et l'Ukraine, tous deux à 24 millions de tonnes, puis la Russie et le Canada, à 20 millions de tonnes chacun. Les États-Unis dominent en particulier le marché mondial du maïs, avec plus de 40 pour cent des échanges internationaux. C'est pourquoi les pays importateurs s’inquiètent de la part croissante du maïs américain (40 pour cent en 2011) transformé en carburant éthanol. Le Japon est toujours le premier importateur mondial de céréales. En en 2011, il a acheté plus de 25 millions de tonnes à l’étranger , en grande partie pour l'alimentation animale. L'Egypte, le Mexique, la Corée du Sud et l'Arabie saoudite complètent la liste des pays qui importent plus de 10 millions de tonnes de céréales. Le Moyen-Orient aride dépend fortement du marché international des céréales ; par exemple, l'Arabie Saoudite importe maintenant 90 pour cent de sa consommation de céréales. Les nappes souterraines du pays, presque asséchées par le pompage de l'eau, imposent d'abandonner les champs de blé du désert. La Chine a importé 5 millions de tonnes de céréales en 2011, ce qui représente le plus important niveau d’importation depuis la proclamation d’une politique d'autosuffisance nationale pour les céréales au milieu des années 1990. Bien que représentant toujours une infime fraction des 451 millions de tonnes de la consommation du pays, la probabilité que la Chine importe des quantités croissantes de céréales est un sujet de préoccupation pour ceux qui surveillent les marchés et les prix des céréales. Les importations de céréales de la Chine seraient beaucoup plus élevées si elle n'avait pas massivement augmenté ses importations d'une autre culture clé, le soja. Partant de presque rien au milieu des années 1990, les importations de soja de la Chine ont atteint 56 millions de tonnes en 2011, soit près de 80 pour cent de la consommation de soja du pays et près de 60 pour cent de tous les échanges internationaux de soja. L’alimentation des animaux d’élevage et des volailles absorbe la plus grande partie de ce soja, riche en protéines. Puisqu'en Chine de plus en plus de personnes accèdent à une alimentation plus riche, mangent plus de viande, de lait et d'œufs, l'utilisation des céréales fourragères y a considérablement augmenté, dépassant pour la première fois en 2010 celle des États-Unis (où la consommation est en baisse). Dans le monde, c'est la Chine qui est désormais le pays qui consomme le plus de céréales pour nourrir les animaux : 149 millions de tonnes en 2011. La consommation moyenne de viande en Chine est pourtant inférieure de plus de moitié à celle des Etats-Unis, et la consommation totale de céréales par personne y est beaucoup plus faible. Les agriculteurs auront davantage de difficultés pour nourrir la population mondiale à cause de la rareté des terres arables non encore cultivées dans le monde, et du nombre toujours plus grand de bouches à nourrir. Les systèmes de production de protéines animales et d’agrocarburants sont deux secteurs qui, par leur remise en cause, permettraient de réaffecter les terres pour la production d’aliments à destination directe des personnes et non des animaux d’élevage ou des voitures. Mais avec le développement des pénuries d’eau et la hausse globale des températures qui rendra le temps moins prévisible (avec une multiplication des vagues de chaleur, des sécheresses, des inondations, et d'autres d'événements extrêmes dommageables pour les cultures) il faudra des réserves de céréales plus importantes pour pouvoir surmonter les mauvaises récoltes. Dans le cas contraire, seule la production de récoltes exceptionnelles, année après année, ce qui est loin d’être garanti, permettra d’empêcher la survenue de crises des prix alimentaires importantes. # # # N’hésitez pas à transmettre cette information aux amis, membres de la famille, et collègues ! Le dernier livre de Lester Brown, World on the Edge, est disponible en français et en librairie sous le titre de Basculement depuis le 6 octobre 2011. Pour s’abonner aux traductions des mises à jour du Plan B de l’Earth Policy Institute: L’association Alternative Planétaire est le relais en France des idées et du travail de l’Earth Policy Institute: Information complémentaire: www.earthpolicy.org N’hésitez pas à transmettre cette information à des amis, membres de la famille, et collègues ! # # # pour plus d'informations, contactez: Contact Presse & Permissions de reproduction: Contact Recherche : Earth Policy Institute |
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