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Earth Policy Institute, extrait du livre Plan B 2.0
Pour Diffusion immédiate, le 10 juillet 2007

CONSERVER ET RECONSTRUIRE LES SOLS

http://www.earthpolicy.org/Books/Seg/PB2ch08_ss3.htm

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka

En revoyant la littérature consacrée à l'érosion du sol, les références à “la perte de la végétation protectrice” sont toujours présentes. Au cours du dernier demi siècle, nous avons tellement enlevé de cette couche protectrice par les coupes à blanc, le sur pâturage, les labourages excessifs, que nous perdons rapidement le sol accumulé pendant de longues périodes de temps géologique. Eliminer ces excès et le déclin de la productivité biologique de la terre qui en résulte, dépend d'un effort mondial pour restaurer la couverture végétale de la Terre, un effort qui a déjà démarré dans quelques pays.

Le Dust Bowl (tempête de poussière, ndlt) dans les années 1930 qui a menacé de transformer les Grandes Plaines américaines dans un vaste désert, était une expérience traumatisante qui a conduit à des changements révolutionnaires dans les pratiques agricoles américaines, comme la plantation de ceintures de protection avec des arbres --des rangées d'arbres plantés à coté des champs pour ralentir le vent, donc réduire l'érosion due au vent--et la plantation en bandes, c'est à dire la plantation de blé sur des bandes alternées avec de la terre laissée en jachère chaque année. La plantation en bandes permet à l'humidité du sol de s'accumuler sur les bandes en jachère, tandis que les bandes plantées en alternance réduisent la vitesse du vent, donc son effet érosif sur la terre en friche.

En 1985, le congrès américain, avec un fort appui de la communauté environnementale, a créé le Conservation Reserve Program (CRP) pour réduire l'érosion du sol et contrôler la surproduction de biens de base. En 1990, il y avait environ 14 million hectares de terres hautement soumises à l'érosion qui sont passées contractuellement sous couvert végétal permanent. Pendant ce programme, les agriculteurs étaient payés pour planter des prairies ou des arbres sur ces terres arables fragiles.

Le retrait des 14 million hectares sous le CRP, lié à l'usage de pratiques de conservation sur 37 pour cent de toutes les terres cultivables, ont permis de réduire l'érosion de 3.1 milliard de tonnes à 1.9 milliard tonnes pendant les 15 années de 1982 à 1997. L' approche américaine pour contrôler l' érosion du sol en convertissant le sol sujet à l'érosion en prairies ou bois et à adopter des pratiques de conservation du sol, propose un modèle pour le reste du monde.

La conversion de terres agricoles à des usages non agricoles est souvent au delà du contrôle des agriculteurs, mais les pertes de sol et de la terre dues à l' érosion sévère ne le sont pas. Réduire les pertes du sol causées par l'érosion du vent et de l'eau au dessous des gains en nouveau sol formé par des processus naturels demandera un effort mondial très important. Préserver la productivité biologique de terres agricoles sensibles à l'érosion dépend du fait d'y planter de l'herbe ou des arbres avant qu'il ne devienne le désert. La première étape pour stopper le déclin de la fertilité du sol est de stopper les cultures sur la bande qui se détériore.

La construction de terrasses, une méthode ancestrale pour lutter contre l'érosion de l'eau, est très répandue dans les rizières des régions montagneuses d' Asie. Sur des terres moins pentues, la culture en bandes de contours, comme on en trouve dans le Midwest américain fonctionne bien.

Un autre outil dans la conservation du sol--et un relativement nouveau--est le labours de conservation, qui comprend le non-labours et le labours minimum. En plus de réduire l'érosion, cette pratique permet de retenir l'eau, augmente le contenu en carbone du sol, et réduit l'énergie requise pour la culture. Au lieu de labourer le sol, de le biner ou herser pour le préparer à accueillir les graines, et ensuite utiliser un engin de culture mécanique pour contrôler les mauvaises herbes, les agriculteurs sèment les graines directement incorporées aux résidus dans un sol non perturbé, contrôlant les mauvaises herbes avec des herbicides. La seule perturbation du sol est la fine rainure de surface où les graines sont insérées, laissant le reste du sol intact, couvert par des résidus de culture et donc résistant à l'érosion de l'eau et du vent.

Aux États-Unis, où pendant les années 1990 on a demandé aux fermiers d'implémenter un programme de conservation du sol sur des terres agricoles érosives pour devenir éligibles au soutien du prix des commodités, la surface non labourée est passée de 7 million d' hectares en 1990 à 25 million d'hectares en 2004. Maintenant beaucoup utilisé dans la production de maïs et de graines de soja aux États-Unis, le non labour s'est rapidement répandu dans hémisphère occidental, couvrant 24 millions d'hectares en 2004 au Brésil, 18 millions d'hectares en Argentine, et 13 millions au Canada. L' Australie, avec 9 millions d'hectares, est le cinquième pays où on pratique le plus le non labours.

Quand les agriculteurs maîtrisent la pratique du non labourage, son utilisation peut se répandre rapidement, particulièrement si les gouvernements donnent des incitations économiques ou demandent aux agriculteurs de faire des plans de conservation du sol pour devenir éligibles pour des subventions agricoles. De récents rapports des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture décrivent la croissance récente de l'agriculture sans labours pendant les dernières années en Europe, Afrique, et Asie.

L' Algérie dans sa lutte contre l'avancée au Nord du Désert du Sahara, annoncé en décembre 2000 qu'elle concentrait ses vergers et ses vignes dans la partie sud du pays, espérant que ces plantations pérennes vont stopper la désertification de ses terres agricoles. En juillet 2005, le gouvernement marocain, répondant à des sécheresses sévères, a annoncé qu'il allouait 778 millions de $ pour annuler les dettes des agriculteurs et de convertir les zones plantées de céréales en vergers et plantations d'olivier moins vulnérables.

Des inquiétudes similaires à propos de l'extension du Sahara au sud existe aussi. Le président Olusegun Obasanjo du Nigeria a proposé de planter un grand mur vert d' arbres (Great Green Wall), une bande de cinq kilomètres de large s'étirant sur 7,000 kilomètres au travers de l' Afrique, dans un effort pour stopper l'avancée du désert. Le Sénégal, qui se situe à l'extrémité ouest de ce mur et perd 50,000 hectares de terres productives chaque année, supporte l'idée avec force. Personne ne sait combien de temps ce projet prendra, mais le ministre de l'environnement sénégalais Modou Fada Diagne observe: “la pauvreté et la désertification crée un cercle vicieux .... Au lieu d'attendre que le désert arrive à nous, nous devons l'attaquer”

La Chine aussi essaye de stopper l'avancée des déserts avec son propre grand mur vert. De plus, les paysans dans les provinces menacées sont payés pour planter des arbres dans leurs champs. Le but est de planter des arbres sur 10 millions d'hectares de terres céréalières, ce qui représente facilement un dixième des terres céréalières de la Chine.

En Mongolie Intérieure, les efforts pour stopper l'avancée du désert et récupérer la terre pour des usages productifs reposent sur la plantation d'arbustes pour stabiliser les dunes de sable. Et dans de nombreux cas, les chèvres et les moutons ont complètement disparus. Dans le comté Helin, au sud de la capitale provinciale de Hohhot, la plantation d'arbustes du désert sur des terres agricoles abandonnées a maintenant stabilisé le sol sur la première parcelle régénération de 7,000 hectares. Fort de ce succès, l'effort de régénération se répand.

La stratégie du comté Helin repose sur le remplacement du grand nombre de de moutons et de chèvres par du bétail laitier, augmentant le nombre d'animaux producteurs de lait de 30 000 en 2002 à 150 000 en 2007. Le bétail est gardé dans des lieux clôturés, nourris avec des tiges de maïs, la paille de blé, et la récolte d'une plante fourragère résistante à la sécheresse ressemblant à la luzerne, cultivé sur des terres mises en valeur. Les élus locaux estiment que ce programme va doubler les revenus dans le pays d'ici dix ans.

Pour alléger la pression sur les prairies du pays, Beijing demande aux bergers de réduire leurs troupeaux de chèvres et de moutons de 40 pour cent. Mais dans des communautés où la richesse se mesure au nombre de têtes de bétail, et où la plupart des familles vivent dans la pauvreté, de telles réductions ne sont certainement pas faciles, à moins que des moyens de subsistance alternatifs soit offerts à ceux qui vivent des pâturages selon les lignes qui sont proposées au comté de Helin.

La seule façon viable d' éliminer le sur pâturage sur les deux cinquièmes de la surface de la terre classés comme des prairies, est de réduire la taille des troupeaux et le nombre de bergers. Le nombre excessif d'animaux, particulièrement de chèvres et de moutons, qui enlèvent la végétation, mais en plus, leurs sabots pulvérisent la couche protectrice du sol qui s'est formée par la pluie et qui freine l'érosion du vent. Dans certaines situations, la seule option viable est de garder les animaux dans des enclos, en leur apportant le fourrage. L' Inde, qui a adopté la pratique avec succès pour son industrie laitière prospère, est le modèle pour les autres pays.

Protéger la végétation restante à la surface de la terre justifie aussi une interdiction des coupes à blanc des forêts en faveur d'une récolte sélective, simplement parce qu'avec chaque coupe à blanc il y a des pertes de sol massives jusqu'à ce que la forêt se régénère. Donc avec chaque coupe suivante, la productivité se réduit. Restaurer la couverture d'arbres et prairies de la Terre protège le sol de l'érosion, réduit les inondations, et séquestre le carbone. c'est des moyens à notre disposition pour restaurer la Terre de façon à ce qu'elle fasse vivre nos enfants et petits-enfants.

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Cette partie fait suite à “La perte du sol,” disponible en ligne sur www.earthpolicy.org/Books/Seg/PB2ch05_ss3.htm.

Adapté du chapitre 8, “Restaurer la Terre,” du livre de Lester R. Brown, Plan B 2.0: Rescuing a Planet Under Stress and a Civilization in Trouble (New York: W.W. Norton & Company, 2006), disponible en ligne sur www.earthpolicy.org/Books/PB2/index.htm
(Le Plan B 2.0: Sauver une planète sous stress et une civilisation en danger, ndlt)

Informations et données complémentaires: www.earthpolicy.org

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