previous

10 - LA PERTE DU SOL

next
 

Earth Policy Institute, extrait du livre Plan B 2.0
Pour Diffusion immédiate, le 27 juin 2007

LA PERTE DU SOL

http://www.earth-policy.org/Books/Seg/PB2ch05_ss3.htm

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka

En 1938, Walter Lowdermilk, un responsable du service de conservation des sols (sol Conservation Service) du ministère américain de l'agriculture, a voyagé à l'étranger pour observer des terres qui ont été cultivés pendant des milliers d'années, en essayant d'apprendre comment ces civilisations plus anciennes ont fait face à l'érosion du sol. Il a trouvé que certains avaient bien géré leur sol, maintenant sa fertilité sur de longues périodes de leur histoire, et étaient prospères. D'autres ont échoué à le faire et ont seulement laissé des vestiges de leurs illustres passés.

Dans une partie de son rapport qui a pour titre “The Hundred Dead Cities” (Les cent villes mortes, ndlt), il décrit un site au nord de la Syrie, près d' Aleppo, où des vieux bâtiments étaient toujours sur pied dans un relief rude et isolé, ils étaient sur de la roche dénudée. Pendant le septième siècle, cette région prospère a été envahie, d'abord par une armée Perse et ensuite des nomades venus du désert d'Arabie. Dans cette période, les pratiques de conservation du sol et de l'eau utilisées pendant des siècles ont été abandonnées. Lowdermilk a noté, “Ici l'érosion a fait des ravages .... si les sols étaient restés, même si les villes ont été détruites et les populations dispersées, cette région aurait pu être repeuplée de nouveau et les villes reconstruites, mais maintenant que les sols sont partis, tout est parti.”

Maintenant avançons dans le temps en 2002 pour un voyage effectué par une équipe des Nations Unies pour évaluer la situation alimentaire au Lesotho, un petit pays de 2 millions de personnes à l'intérieur de l'Afrique du Sud. Leur découverte était franche: “l' agriculture au Lesotho affronte un futur catastrophique; la production agricole décline et pourrait s'arrêter complètement sur de larges étendues du pays si des mesures ne sont pas prises pour inverser l' érosion du sol, la dégradation, et le déclin de la fertilité du sol.” Michael Grunwald écrit dans le Washington Post que presque la moitié des enfants de moins de 5 ans au Lesotho ont une croissance ralentie. “Beaucoup,” dit il, “sont trop faibles pour marcher jusqu'à l'école.”

Que la terre soit au nord de la Syrie, au Lesotho, ou ailleurs, la santé des personnes qui y vivent ne peut être séparée de la santé de la terre elle même. Une grande partie des 852 millions personnes souffrant de faim dans le monde vivent sur une terre qui a des sols usés par l' érosion.

La fine couche de terre de surface qui couvre la surface du sol sur la planète est la fondation de la civilisation. Ce sol, mesuré en pouces sur une grande partie de la terre, s'est formé sur de longues périodes de temps géologique, la formation de nouveau sol excédait le taux d'érosion naturel. Tandis que le sol s'accumulait pendant ce temps très long, il a fourni un milieu dans lequel les plantes pouvaient pousser. En retour, les plantes protègent le sol de l'érosion . L'activité humaine perturbe cette relation.

A un moment du siècle dernier, l'érosion du sol a commencé à dépasser la formation de nouveau sol sur de grandes surfaces. Au moins un tiers des terres agricoles perdent leur terre de surface plus vite que la formation du nouveau sol, en réduisant ainsi la productivité inhérente à la terre. Aujourd'hui la base de la civilisation s'effrite. Les causes de l'effondrement de civilisations anciennes comme celle des Mayas, se trouvent probablement dans l' érosion du sol qui a torpillé la fourniture de nourriture.

L' accélération de l'érosion du sol pendant le siècle dernier peut être vu dans les amas de poussière qui se forme quand la végétation est détruite et que l'érosion du vent emporte tout sans contrôle. Parmi ceux qui se démarquent il y a le Dust Bowl (tempête de poussière, ndlt) dans les Grandes Plaines américaines pendant les années 1930, les tempêtes de poussière dans les Terres Vierges soviétiques au cours des années 1960, l'énorme tempête de poussière qui se forme aujourd'hui dans le nord ouest de la Chine, et celui qui prend forme dans la région du Sahel en Afrique. Chacune de ces tempêtes de poussière est associée à un schéma connu de surpâturages, de déforestation, et d'expansion agricole sur la terre marginale suivi par une réduction quand le sol commence à disparaître.

La croissance de population du vingtième siècle a poussé l'agriculture vers des terres vulnérables dans de nombreux pays. Par exemple, les labourages intensifs des Grandes Plaines américaines pendant la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle, ont conduit au Dust Bowl des années 1930. C'était une époque tragique dans l'histoire des États Unis, qui a forcé des centaines de milliers de familles d'agriculteurs à quitter les Grandes Plaines. beaucoup ont migré vers la Californie en quête d'une nouvelle vie, un déplacement immortalisé par "Les raisins de la colère” de John Steinbeck.

Trois décennies plus tard, l'histoire s'est répétée en Union Soviétique. Le projet des Terres Vierges entre 1954 et 1960 basée sur le labourage de pâturages pour planter du blé plus grand que les plantations de blé du Canada et de l' Australie combinés. Initialement cela a produit une expansion impressionnante de la production de céréales soviétique, mais le succès fut de courte durée puisqu'une tempête de poussière s'y est développé aussi.

Le Kazakhstan, au centre de ce projet des Terres Vierges a connu son maximum de surface céréalière au dessus de 25 million d’hectares autour de 1980, pour descendre ensuite à 14 million d'hectares aujourd'hui. Cependant, sur la terre restante, la récolte de blé moyenne est à peine de une tonne à l'hectare, très loin des presque huit 8 tonnes par hectare que les agriculteurs obtiennent en France, premier producteur de blé en Europe occidentale.

Une situation similaire existe en Mongolie, où pendant les 20 dernières années la moitié des surfaces céréalières ont été abandonnées et les rendements ont aussi chuté de moitié, réduisant la récolte de trois quarts. La Mongolie (un pays qui fait trois fois la taille de la France avec une population de 2.6 millions d'habitants est maintenant obligé d'importer presque 60 pour cent de son blé.

Les tempêtes de poussière sont enregistrées par des images satellites. début janvier 2005, la National Aeronautics and Space Administration (NASA) a publié des images d'une grande tempête de poussière qui se déplaçait vers l'ouest depuis l'Afrique centrale. Ce grand nuage de poussière marron s'étendait sur plus de 5 300 kilomètres. La NASA a remarqué qui si la tempête se situait aux États-Unis, elle couvrirait la totalité du pays et recouvrirait une partie des océans sur les deux côtes.

Andrew Goudie, professeur de géographie à l'Université d'Oxford, indique que les tempêtes de poussière au Sahara (jadis rares) sont fréquentes. il estime qu'elles sont dix fois plus fréquentes depuis la moitié du siècle dernier. Parmi les pays de la région les plus affectés par la perte de sol par l'érosion du vent sont le Niger, le Tchad, la Mauritanie, le nord du Nigeria, et le Burkino Faso. En Mauritanie, le nombre de tempêtes de poussière a bondi de 2 par an au début des années 1960 à 80 par an aujourd'hui.

On estime que la Dépression Bodélé au Tchad est la source de 1.3 milliard de tonnes de poussière emportées par le vent chaque année, dix fois plus qu'en 1947 quand les mesures ont débuté. Les 2 à 3 milliard de tonnes de fines particules de sol qui quittent l'Afrique chaque année dans les tempêtes de poussière privent lentement le continent de sa fertilité, donc de sa productivité biologique. De plus, les tempêtes de poussière qui quittent l'Afrique voyagent à travers l'atlantique, déposant tellement de poussière aux Caraïbes forment des nuages au dessus de l'eau et abîment les récifs de corail là bas.

En Chine, les excès de labourage sont devenus communs dans plusieurs provinces alors que l'agriculture s'étendait vers le nord et l'ouest dans la zone pastorale entre 1987 et 1996. En Mongolie Intérieure (Nei Monggol), par exemple, la surface cultivée a augmenté de 1,1 million d'hectares, ou 22 pour cent, pendant cette période. D'autres provinces qui ont étendu leurs surfaces cultivables de 3 pour cent ou plus pendant cette période de 9 ans comprend le Heilongjiang, le Hunan, le Tibet (Xizang), le Qinghai, et le Xinjiang. Une érosion importante par le vent du sol sur ces terres récemment labourées a montré que la seule utilisation durable était les pâturages contrôlés. Comme résultat, l'agriculture chinoise s'est maintenant engagée dans un retrait stratégique dans ces provinces, se repliant vers des terres qui peuvent offrir une production de céréales soutenable.

L' érosion de l'eau réduit aussi les sols. Cela peut s'observer avec la vase qui s'accumule dans les réservoirs et dans les rivières boueuses chargées de vase qui coulent vers la mer. Les deux grands réservoirs du Pakistan, Mangla et Tarbela, qui stockent de l'eau du fleuve Indus pour le vaste réseau d'irrigation du pays, perdent environ 1 pour cent de leur capacité de stockage chaque année, car ils se remplissent de vase provenant des bassins hydrographiques déforestés.

L'Ethiopie, un pays montagneux avec des sols sensibles sur des pentes abruptes, perd selon une estimation 1 milliard de tonnes de sol de surface par an, lavés par la pluie. C'est une raison pour laquelle l'Ethiopie semble toujours au bord de la famine, jamais capable d'accumuler assez de réserves de grain pour fournir une dimension de sécurité alimentaire pleine de sens.

Heureusement il y a des moyens pour conserver et reconstruire les sols. Cela sera abordé dans le prochain article du Earth Policy Institute.

# # #

Adapté du chapitre 5, “Des systèmes naturels sous stress,” du livre de Lester R. Brown, Plan B 2.0: Rescuing a Planet Under Stress and a Civilization in Trouble (New York: W.W. Norton & Company, 2006), disponible en ligne sur www.earthpolicy.org/Books/PB2/index.htm
(Le Plan B 2.0: Sauver une planète sous stress et une civilisation en danger, ndlt)

Informations et données complémentaires: www.earthpolicy.org

# # #

pour plus d'informations, contactez:

Contact Presse:
Reah Janise Kauffman
Tel: + 202 496-9290 x 12
E-mail: rjk (at) earthpolicy.org

Contact Recherche :
Janet Larsen
Tel: + 202 496-9290 x 14
E-mail: jlarsen (at) earthpolicy.org

Earth Policy Institute
1350 Connecticut Ave. NW, Suite 403
Washington, DC 20036
USA
Web: www.earthpolicy.org

 
 
© Ecologik business 2007