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Publication de l’Earth Policy Institute
Extrait de livre
29 juin 2010
LA RELATION ENTRE POPULATION ET PAUVRETÉ
Lester Brown traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti
Texte original:
http://www.earthpolicy.org/index.php?/book_bytes/2010/pb4ch07_ss1
Ce nouveau siècle s’est ouvert sur une perspective prometteuse, les pays membres des Nations Unies s’étant fixés comme but de réduire de moitié d’ici à 2015 le nombre de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté. Début 2007, la situation semblait en bonne voie, mais la crise économique actuelle a assombri les prévisions et le monde devra accentuer ses efforts de lutte contre la pauvreté pour atteindre l’objectif fixé.
De tous les pays du monde, la Chine est l’exemple même de la réussite dans la lutte contre la pauvreté. Le nombre de chinois vivant dans l’extrême pauvreté a chuté de 685 millions en 1990 à 213 millions en 2007. Dans un contexte de faible croissance démographique, la part de la population chinoise vivant dans la pauvreté est passée de 60 à 16 pour cent, un résultat extraordinaire quelle que soit la norme considérée.
Les progrès de l’Inde sont plus nuancés. Entre 1990 et 2007, le nombre d’Indiens vivant dans la pauvreté a légèrement augmenté dans l'absolu, passant de 466 millions à 489 millions alors que la proportion relative de la population vivant dans la pauvreté chutait de 51 pour cent à 42 pour cent dans le même temps. Malgré sa croissance économique, en moyenne de 9 pour cent par an sur les quatre dernières années, et le soutien du Premier ministre Manmohan Singh à des initiatives de terrain d’élimination de la pauvreté, l’Inde a encore un long chemin à parcourir.
Le Brésil a par contre réussi à réduire la pauvreté avec ses programmes “ Bolsa Familia ”, une initiative vivement soutenue par le président Luiz Inácio Lula da Silva. Il s’agit d’un programme d’aide conditionnelle qui offre aux mères pauvres jusqu’à 27 euros par mois sous réserve que leurs enfants aillent à l’école, se fassent vacciner, et passent régulièrement des visites médicales. Sous cette impulsion, la fraction de la population vivant dans l’extrême pauvreté est passée de 15 à 5 pour cent entre 1990 et 2007. Pour 11 millions de familles, soit près d’un quart de la population du pays, il a permis au cours des cinq dernières années d’augmenter les revenus des pauvres de 22 pour cent. En comparaison, ceux des riches ont seulement augmenté de 5 pour cent sur la même période. Pour Rosani Cunha, ancien directeur du programme, “ Il y a très peu de pays qui arrivent à réduire les inégalités et la pauvreté en même temps ”
Plusieurs pays d’Asie du Sud-Est, dont la Thaïlande, le Vietnam et l’Indonésie, ont aussi fait des progrès impressionnants. Ces progrès observés en Asie semblaient en phase avec les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) consistant à réduire de moitié la pauvreté d’ici à 2015. La Banque mondiale indiquait en effet en 2008 dans un rapport d’évaluation de l’avancement des OMD que toutes les régions du monde en développement, à l’exception notable de l’Afrique sub-saharienne, étaient en bonne voie pour diviser par deux d’ici 2015 la part de la population vivant dans l’extrême pauvreté.
Cette évaluation optimiste a cependant été rapidement revue à la baisse. La Banque Mondiale a indiqué début 2009 qu’entre 2005 et 2008, la pauvreté a progressé dans l’Est de l’Asie, au Moyen-Orient, en Asie du Sud et en Afrique sub-saharienne en grande partie en raison de l’augmentation des prix des denrées alimentaires qui a frappé de plein fouet les populations les plus pauvres. La crise économique mondiale a aggravé la situation en provoquant une augmentation spectaculaire du chômage, ce qui s’est traduit par une réduction des envois d’argent des travailleurs expatriés vers leurs familles dans leur pays d’origine.
Le nombre de personnes extrêmement pauvres selon les critères de la Banque Mondiale (c’est à dire vivant avec moins de 1,25 dollar par jour) a augmenté d’au moins 130 millions. La Banque a observé que “ l’augmentation des prix des denrées alimentaires en 2008 peut avoir provoqué une progression de 44 millions du nombre d’enfants souffrant de lésions permanentes des fonctions cognitives et des capacités physiques, causées par la malnutrition.”
L’Afrique sub-saharienne et ses 820 millions d’habitants tombe plus profondément dans la pauvreté. La progression de la famine, de l’analphabétisme et des maladies obèrent en partie les progrès réalisés dans des pays comme la Chine et le Brésil. La situation des Etats défaillants pris dans leur ensemble régresse elle aussi; un bilan effectué au niveau mondial portant sur les Etats considérés comme fragiles par la Banque Mondiale se révèle peu encourageant : l’extrême pauvreté dans ces pays touche plus de 50 pour cent de la population, un chiffre en progression depuis 1990.
Les OMD adoptés en 2000 ne concernent pas seulement la réduction de la pauvreté; ils visent aussi à assurer l’éducation primaire universelle, à réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim ou n’ayant pas accès à l’eau potable, et à inverser la propagation des maladies infectieuses, en particulier le VIH et le paludisme. D’autres objectifs, étroitement liés, sont relatifs à des réductions des trois quarts de la mortalité à la naissance, et des deux tiers de celle des enfants de moins de cinq ans.
Le nombre de personnes souffrant de la faim est en augmentation. La tendance long terme de baisse du nombre de personnes souffrant de la faim ou de carences alimentaires qui a caractérisé la dernière moitié du XXe siècle s’est inversée dans le milieu des années 1990 ; ce nombre est passé de son minimum de 825 millions à environ 850 millions en 2000 et plus de 1 milliard en 2009. Parmi les facteurs ayant contribué à cette situation, le plus important est celui du détournement massif de céréales effectué par les distilleries d’éthanol aux États-Unis. La quantité de céréales américaines utilisées pour produire du carburant automobile en 2009 permettrait de nourrir 340 millions de personnes sur l’année.
L’objectif de réduction de moitié du nombre de personnes souffrant de la faim d’ici à 2015 ne sera pas atteint si nous poursuivons avec le Business as usual. Le nombre d’enfants bénéficiant d’un accès à l’école primaire semble par contre en progression, mais la plupart des avancées restent concentrées dans une poignée de grands pays, dont l’Inde, le Bangladesh et le Brésil.
Les OMD établis par les Nations Unies ont omis de quantifier des objectifs de stabilisation de population ou de planning familial, même si, comme le souligne un rapport de janvier 2007 d’un groupe de parlementaire de tous bords politiques au Royaume-Uni, “la réalisation des OMD est difficile ou impossible à atteindre avec les niveaux actuels de croissance démographique dans les régions et les pays les plus sous-développés”. Bien que cela soit venu tardivement, les Nations Unies ont depuis approuvé un nouvel objectif concernant l’accès universel aux soins de santé génériques d’ici à 2015.
Les différentes nations du monde n’ont pas d’autre choix que de viser une stabilisation de la natalité à une moyenne de deux enfants par couple. Il n’y a pas d’alternative possible. Toute augmentation continue de la population conduit à détruire les écosystèmes qui assurent sa survie; inversement, toute diminution continue conduit à long terme à sa disparition.
Dans un monde de plus en plus intégré, où le nombre d’États défaillants ne fait qu’augmenter, l’éradication de la pauvreté et la stabilisation de la population sont devenues des questions de sécurité nationale pour tous les Etats. Le baisse de la croissance démographique contribue à l’éradication de la pauvreté et de ses douloureux symptômes ; à l inverse, l’éradication de la pauvreté contribue à ralentir la croissance démographique. Une nécessité urgente et impérieuse nous oblige à agir simultanément sur les deux fronts, au vu du peu de temps qu’il nous reste pour arrêter la détérioration des écosystèmes sur lesquels repose l’économie mondiale.
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Adapté du chapitre 7, “Eradiquer la pauvreté et stabiliser la population” de Plan B 4.0: Mobiliser pour sauver la civilisation (New York: WW Norton & Company, 2009) de Lester R. Brown, disponible en ligne sur :
www.earthpolicy.org / index.php?/ Books/pb4
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