previous

104 - REMPLACER LES PARKINGS PAR DES PARCS D’AGRÉMENT, OU COMMENT RENDRE LES VILLES AGRÉABLES À VIVRE

next
 

Publication de l’Earth Policy Institute    
Extrait de livre     
25 mai 2010  

REMPLACER LES PARKINGS PAR DES PARCS D’AGRÉMENT, OU COMMENT RENDRE LES VILLES AGRÉABLES À VIVRE

Lester Brown traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti

Texte original:
http://www.earthpolicy.org/index.php?/book_bytes/2010/pb4ch06_ss1and8

Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de traverser Tel-Aviv en voiture alors que je me rendais de mon hôtel à un centre de conférences. Je n’ai pu m’empêcher de noter l’omniprésence de la voiture et des zones de parking. Tel-Aviv, petite colonie il y a un demi-siècle, est devenue, à l’ère de l’automobile, une ville de près de 3 millions d’habitants. Il m’est apparu ce jour-là que la répartition des parcs d’agrément et des parkings pouvait constituer le meilleur indicateur de la convivialité d’une ville — une façon de savoir si elle a été conçue pour ses habitants ou pour l’automobile.

Tel Aviv n’est pas la seule ville au monde à avoir fortement grossi. Mis à part la croissance de la population elle-même, la principale évolution démographique de notre époque est liée à l’urbanisation. En 1900, 150 millions de personnes vivaient dans des villes. En 2000, la population urbaine atteignait 2,9 milliards, soit une augmentation d’un rapport presque 20. Plus de la moitié des habitants du globe vit désormais dans des villes — faisant de nous, pour la première fois, une espèce urbaine.

Les villes du monde sont confrontées à des défis sans précédent. L’air n’est plus respirable à Mexico, Téhéran, Calcutta, Bangkok, Pékin, comme dans des centaines d’autres villes. Dans certaines d’entre elles, l’air est tellement pollué qu’y respirer équivaut à fumer deux paquets de cigarettes par jour. Les maladies respiratoires y sont endémiques. Le nombre d’heures passées dans leurs voitures par les banlieusards, bloqués dans les rues ou sur des autoroutes saturées augmente chaque année, générant un ras-le-bol croissant.

En réaction à cet état de fait, une nouvelle forme d’urbanisme est en cours d’émergence, une philosophie de l’aménagement que l’environnementaliste Francesca Lyman décrit comme “cherchant à faire revivre l’aménagement de la ville traditionnelle d’une époque où les villes étaient conçues pour les êtres humains et non pas pour les automobiles.”
L’une des réformes modernes les plus remarquables en matière d’urbanisme a été conduite à Bogotá, en Colombie, dont Enrique Peñalosa a été maire pendant trois ans à compter de 1998. Quand il est entré en fonction, il ne s’est pas demandé comment faciliter la vie des 30% d’habitants possédant une voiture; il voulait savoir ce qui pouvait être fait pour les 70 % — la majorité — qui n’en avaient pas.

Selon Peñalosa, une ville offrant un environnement plaisant pour les enfants et les personnes âgées est agréable à vivre pour tous. Sous l’impulsion de cette vision d’une ville conçue pour ses habitants, la qualité de vie urbaine s’est métamorphosée en l’espace de quelques années ; la ville a créé ou rénové 1 200 parcs urbains, introduit un réseau populaire d’autobus rapides, construit des centaines de kilomètres de pistes cyclables et de voies piétonnes, réduit le trafic aux heures de pointe de 40%, planté 100 000 arbres et impliqué directement les citoyens dans l’amélioration de leurs quartiers. Par ces actions, Peñalosa a généré chez les 8 millions de résidents de la ville un sentiment de fierté civique contribuant, dans un pays déchiré par les conflits, à rendre les rues de Bogotá plus sûres que celles de Washington.

Peñalosa n’est pas le seul à avoir adopté cette nouvelle philosophie urbaine. Au Brésil, le maire de Curitiba, Jaime Lerner, a été l’un des premiers à concevoir et mettre en œuvre une philosophie alternative des transports, et la ville offre maintenant une capacité de transport bon marché et conviviale pour les habitants des banlieues. A compter de 1974, le système de transport de Curibita a été complètement restructuré. Bien que 60 pour cent de la population possède une voiture, les transports en autobus, en vélo et à pied représentent 80 pour cent de tous les déplacements en ville.

Lorsque 95 pour cent des travailleurs d’une ville dépendent de leur voiture pour les déplacements, comme par exemple à Atlanta en Géorgie, la ville se retrouve en proie à des difficultés. Ceci est à comparer avec la situation d’Amsterdam où 35 pour cent des habitants marchent ou font du vélo, 25 pour cent utilisent les transports publics, et seulement 40 pour cent circulent en voiture. A Paris, moins de la moitié des personnes utilisent la voiture pour leurs déplacements, et ce chiffre est même en diminution grâce aux efforts déployés par le maire Bertrand Delanoë. Il y a beaucoup moins d’embouteillages dans ces vieilles villes européennes, dont les rues sont pourtant souvent étroites, qu’à Atlanta.

L’arrêt des subventions au stationnement, que de nombreux employeurs financent souvent indirectement, est un moyen de lutter contre ces embouteillages. Dans son livre The High Cost of Free Parking (Le coût élevé du parking gratuit), Donald Shoup estime que les subventions attribuées aux places de stationnement aux États-Unis représentent au moins 127 milliards de dollars par an, ce qui encourage bien évidemment les gens à utiliser leur véhicule. La société devrait s’efforcer non pas d’obtenir des subventions au stationnement, mais de faire payer des frais de stationnement, qui reflèteraient les coûts des embouteillages et la détérioration de la qualité de vie générés par la trop grande présence des voitures et les parkings.

Beaucoup de villes ont tout simplement créé des zones sans voiture, à l’instar de New York, Stockholm, Vienne et Rome. Paris a mis en place une interdiction totale de la circulation sur les voies sur berges le long de la Seine le dimanche et les jours fériés et cherche à interdire définitivement pour 2012 les voitures le long des 2 kilomètres de la rive gauche de la Seine.

parking ou parcs

Il existe deux moyens de faire face aux défis environnementaux auxquels les villes sont confrontées. Le premier consiste à modifier les villes existantes. Le maire de New York Michael Bloomberg a annoncé lors de la Journée de la Terre 2007, un plan global appelé PlaNYC pour consolider la santé économie de la ville, et y améliorer environnement et qualité de vie. Le cœur de ce plan consiste en une réduction d’ici 2030 de 30 pour cent des ses émissions de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, 25 pour cent de la flotte des taxis a été converti en véhicules hybrides essence-électricité beaucoup plus efficace sur le plan des émissions de CO2, et plus de 300 000 arbres ont été plantés. Des actions d’amélioration de l’efficacité énergétique sont en cours dans des dizaines de bâtiments publics, et encore plus dans le secteur privé, dont en particulier le célèbre Empire State Building. Après seulement 3 ans de mise en œuvre de ce plan, les émissions globales de carbone de la ville ont baissé de 9 pour cent.

L’autre moyen réside dans l’implantation de nouvelles villes. Le développeur Sydney Kitson a par exemple acquis les 37 000 hectares du Babcock Ranch dans le sud de la Floride pour y construire une nouvelle ville. La première étape a consisté à réussir à vendre plus de 29 000 hectares de terres au gouvernement de l’état pour constituer une réserve permanente. Le cœur de la ville, destiné à être le foyer de 45 000 personnes, comprendra un centre commercial et d’affaires, et du bâti résidentiels à forte densité. Plusieurs quartiers satellites seront reliés au centre-ville par les transports publics. L’objectif de la ville est d’être à la fois un modèle de ville verte et un pôle rassemblant des entreprises de Recherche et Développement dans le domaine des énergies renouvelables. Cette nouvelle ville présente entre autres les particularités suivantes : elle sera entièrement alimentée à l’électricité solaire ; tous les bâtiments résidentiels et commerciaux y respecteront les normes établies par la Florida Green Building Coalition (Alliance de la Floride pour le Bâtiment Durable, ndlt) ; plus de 60 kilomètres de voies vertes permettront aux résidents d’aller au travail en vélo ou à pied.

A l’autre bout de la planète, dans la riche ville pétrolière d’Abou Dhabi, vient de débuter la construction de Masdar City, conçue pour 50 000 personnes. L’objectif du gouvernement est de créer un pôle de recherche et de développement international en énergie renouvelable, une sorte de Silicon Valley de l’Est. Cette ville, où l’isolation thermique des bâtiments sera particulièrement performante, ne vise pas seulement à être en grande partie alimenté à l’énergie solaire, mais aussi à se passer de voitures, en s’appuyant sur un réseau de véhicules individuels à moteur électrique circulant sur rail, contrôlé par ordinateur. L’eau étant rare dans cette partie de monde, il est prévu de recycler en permanence celle que la ville utilise. Il n’y aura pas de déchets, tout sera recyclé, composté ou gazéifié pour fournir de l’énergie. Il reste à voir comment ces villes conçues sur le papier fonctionneront dans les faits, et si elles constitueront des endroits attractifs pour y vivre et travailler.

Nous commençons seulement à apercevoir là où nous voulons aller : en 2006, la chaîne History Channel a parrainé un Concours pour la Ville du Futur dans lequel des cabinets d’architectes devaient en une semaine présenter une vision de New York en 2106. Terreform, un studio de design dirigé par l’architecte Michael Sorkin, a proposé l’élimination progressive de l’automobile et la conversion de la moitié de l’espace urbain en parcs, fermes et jardins. Les concepteurs ont imaginé qu’en 2038, quelque 60 pour cent des New-Yorkais se rendraient au travail à pied et que la ville pourrait en fin de compte devenir un “paradis pour les piétons”

La proposition de Terreform peut sembler un peu fantaisiste aujourd’hui, mais il n’en reste pas moins que l’on doit trouver une solution aux embouteillages quotidiens de Manhattan, car ils sont devenus tout simplement à la fois une charge financière et une menace pour la santé publique. Le Partnership for New York City (Association pour la ville de New York, ndlt), représentant les principales sociétés et entreprises d’investissement de New York, chiffre le coût des embouteillages dans et autour de la ville à un minimum de 13 milliards de dollars par an en perte de temps et de productivité, carburant gaspillé et perte de chiffre d’affaires.

Les maires et les urbanistes du monde entier commencent à repenser le rôle de l’automobile et cherchent à repenser les villes en fonction des personnes et non des voitures. Les villes qui intègrent trottoirs et pistes cyclables dans un système de déplacement urbain basé sur les transports publics sont éminemment plus vivables que celles qui reposent presque exclusivement sur l’utilisation de la voiture individuelle. La réduction du bruit, de la pollution, des embouteillages et de notre stress ne peut qu’être profitable à notre santé et à celle de la planète.


# # #

Adapté du chapitre 6, “Concevoir les villes pour leurs habitants” de Plan B 4.0: Mobiliser pour sauver la civilisation (New York: WW Norton & Company, 2009) de Lester R. Brown, disponible en ligne sur www.earthpolicy.org / index.php?/ Books/pb4

# # #

Pour s’abonner aux traductions des mises à jour du Plan B de l’Earth Policy Institute:
http://www.ecologik-business.com/inscription-newsleter-lester-brown.html

L’association Alternative Planétaire est le relais en France des idées et du travail de l’Earth Policy Institute:
http://www.alternativeplanetaire.com

Information complémentaire: www.earthpolicy.org

# # #

pour plus d'informations, contactez:

Contact Presse & Permissions de reproduction:
Reah Janise Kauffman
Tel: + 202 496-9290 x 12
E-mail: rjk (at) earthpolicy.org

Contact Recherche :
Janet Larsen
Tel: + 202 496-9290 x 14
E-mail: jlarsen (at) earthpolicy.org

Earth Policy Institute
1350 Connecticut Ave. NW, Suite 403
Washington, DC 20036
USA
Web: www.earthpolicy.org

 
 
© Ecologik business 2010