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46 - UNE MOBILISATION DE TEMPS DE GUERRE

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Earth Policy Institute, extrait du livre Plan B 3.0
Pour diffusion immédiate, le 3 décembre 2008

UNE MOBILISATION DE TEMPS DE GUERRE

texte original:
http://www.earthpolicy.org/Books/Seg/PB3ch13_ss1.htm

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka

Beaucoup de choses concernant le futur nous sont inconnues. Mais il y une chose que nous savons vraiment, c’est que le commerce tel qu’il est pratiqué habituellement ne va pas continuer très longtemps. Un changement massif est inévitable. Le changement viendra t'il parce que nous agissons rapidement pour restructurer l'économie ou parce que nous échouons à agir et que la civilisation commence à se désagréger ?

Sauver la civilisation nécessitera une mobilisation massive, et à une vitesse de temps de guerre. L'analogie la plus proche est la mobilisation tardive des États-Unis pendant la deuxième guerre mondiale. Mais à la différence de ce chapitre de l'histoire, dans lequel un pays a totalement restructuré son économie, la mobilisation du plan B exige une action décisive, à une échelle globale.

Sur le front du climat, l'attention des gouvernements est maintenant tournée vers la négociation d'un protocole post Kyoto pour réduire les émissions de carbone. Mais cela prendra des années. Nous devons agir dès maintenant. Il n'y a simplement plus de temps pour des années des négociations, et ensuite encore d’autres années pour la ratification d'un autre accord international.

Il est temps que les différents pays prennent leurs propres initiatives. La Nouvelle Zélande donne l'exemple, ayant annoncé en 2007 qu'elle amplifiera la part renouvelable de son électricité en l'amenant de 70 pour cent, surtout hydraulique et géothermique, à 90 pour cent d'ici 2025. Le pays prévoit de couper les émissions de carbone par habitant liées au transport de moitié d'ici 2040. Au delà, la Nouvelle Zélande prévoit d'augmenter son couvert forestier d'environ 250 000 hectares d'ici 2020, séquestrant en fin de compte approximativement 1 million de tonnes de carbone par an.

Nous savons par notre analyse du réchauffement climatique global, par la détérioration accélérée des supports écologiques de l'économie, et par nos projections de l’utilisation future de ressources en Chine que le modèle économique occidental (l'économie du jetable, basée sur des carburants fossiles, et centrée sur l'automobile) ne durera pas beaucoup plus longtemps. Nous devons construire une nouvelle économie, qui sera alimentée par les sources d'énergie renouvelables, qui intégrera un système de transport diversifié, et qui réutilisera et recyclera chaque chose.

Nous pouvons décrire cette nouvelle économie de manière assez détaillée. La question est de savoir comment la mettre en place avant qu’il ne soit trop tard. Pouvons-nous atteindre les points de bascule politiques qui nous permettront de réduire les émissions de carbone, avant que nous n’atteignions les points de bascule écologiques, où la fonte des glaciers de l'Himalaya deviendra irréversible ? Pourrons-nous arrêter la déforestation en Amazonie avant qu'elle ne se dessèche, ne devienne vulnérable au feu, et ne se transforme en terre abandonnée ?

Que se passerait t'il si dans trois ans les scientifiques annonçaient que nous avons attendu trop longtemps pour réduire les émissions de carbone et que la fonte de la glace du Groenland est devenue irréversible ? Comment serions nous touchés en réalisant que nous sommes responsables d'une prochaine élévation de 7 mètres du niveau de la mer et de centaines de millions de réfugiés fuyant la hausse du niveau des mers ? Comment ceci affecterait-il notre identité, notre perception de ce que nous sommes ? Ceci pourrait déclencher une fracture sociale divisant les générations, comme les fractures sociales liées à des différences raciales, religieuses, et ethniques. Comment répondrons-nous à nos enfants quand ils demanderont, “ Comment avez vous pu nous faire cela ? Comment avez vous pu nous laisser face à un tel chaos ? ”

Comme nous l'avons vu, un plan comptable d'entreprise qui a ignoré certains coûts a conduit Enron, l’une des plus grandes sociétés des États-Unis, à la faillite. Malheureusement, notre plan comptable économique global ignore également des coûts, ce qui a des conséquences potentiellement bien plus graves.

La clef pour construire une économie globale qui puisse soutenir le progrès économique est la création d'un marché honnête, qui reflète la vérité écologique. Pour créer un marché honnête, nous devons restructurer le système fiscal en réduisant les impôts sur le travail, et en les augmentant sur diverses activités destructives de l'environnement, pour intégrer des coûts indirects dans le prix du marché. Si nous parvenons à ce que le marché dise la vérité, alors nous pouvons éviter d'être aveuglés par un plan comptable erroné qui nous mène à la faillite. Øystein Dahle, l'ancien vice-président d'Exxon pour la Norvège et la Mer du Nord, a observé que : “Le socialisme s'est effondré parce qu'il n'a pas permis au marché de dire la vérité économique. Le capitalisme pourrait s'effondrer parce qu'il ne permet pas au marché de dire la vérité écologique.”

Lorsque nous examinons la manière de se mobiliser pour sauver la civilisation, nous voyons à la fois des ressemblances et des différences avec la mobilisation qui eut lieu lors de la deuxième guerre mondiale. Dans ce dernier cas, il y eut une restructuration économique, mais elle était provisoire. Se mobiliser pour sauver la civilisation, en revanche, exige une restructuration économique durable.

L'entrée des États-Unis dans la deuxième guerre mondiale demeure toujours une étude de cas exaltante de mobilisation rapide. Au début, les Etats-Unis refusaient de s’impliquer, et ils ont répondu seulement après qu'ils aient été directement attaqués à Pearl Harbor, le 7 décembre 1941. Mais ils ont vraiment répondu. Après un engagement total, la participation des États-Unis aux combats a aidé à renverser le cours de la guerre, menant les forces alliées à la victoire en trois ans et demi.

Dans son discours annuel au congrès, le 6 janvier 1942, un mois après le bombardement de Pearl Harbor, le Président Roosevelt a annoncé les objectifs de production d'armement du pays. Les Etats-Unis, dit-il, prévoyaient de produire 45 000 chars, 60 000 avions, 20 000 canons antiaériens, et 6 millions de tonnes de tonnage navires marchands. Il a ajouté, “Ne laissez personne dire que cela ne peut être fait.”

Personne n'avait jamais vu de tels énormes chiffres de production d'armes. Mais Roosevelt et ses collègues se sont rendus compte que la plus grande concentration mondiale de puissance industrielle était à ce moment-là l'industrie automobile des États-Unis. Même pendant la Dépression, les Etats-Unis produisaient au moins 3 millions voitures par an. Après son discours annuel au congrès, Roosevelt a rencontré des dirigeants de l'industrie automobile et leur a indiqué que le pays dépendrait fortement d'eux pour atteindre ces objectifs de production d'armement. Au début, ils ont voulu continuer à fabriquer des voitures et simplement y ajouter la production des armements. Ce qu'ils ne savaient pas encore était que la vente de nouvelles voitures serait bientôt interdite. De début 1942 à la fin 1944, pendant presque trois ans, aucune voiture ne fut produite aux Etats-Unis.

En plus d'interdire la production et la vente des voitures pour l'usage privé, la construction de maisons et d'autoroutes furent arrêtées, et la conduite de loisir fut interdite. Les marchandises stratégiques (comme les pneus, l'essence, les carburants, et le sucre) furent rationnées à partir de 1942. La réduction de la consommation privée de ces marchandises a libéré des ressources matérielles qui étaient vitales à l'effort de guerre.

L'année 1942 vit la plus grande expansion de la production industrielle dans l'histoire de la nation, entièrement destinée à l'usage militaire. Entre 1942 et 1944, les Etats-Unis ont dépassé de loin l’objectif initial de 60 000 avions, en fabriquant le chiffre stupéfiant de 229 600 aéronefs, une flotte si grande qu'il est difficile, même aujourd'hui, de se l’imaginer. Également impressionnant, vers la fin de la guerre, plus de 5 000 navires ont été ajoutés aux quelques 1 000 qui composaient la flotte marchande américaine en 1939.

Dans son livre No Ordinary Time (Une époque peu ordinaire, ndlt), Doris Kearns Goodwin décrit comment diverses entreprises se sont converties. Une usine de bougies automobiles fut parmi les premières à se transformer pour produire des mitrailleuses. Rapidement, un fabricant de cuisinières se mit à produire des canots de sauvetage, une usine de manèges effectuait le montage de fusils; une compagnie de jouet produisit des boussoles ; un fabricant de corsets produisit des ceintures de grenades; et une usine de flippers a commença à fabriquer des balles perforantes.

Rétrospectivement, la vitesse de cette conversion d'une économie de temps de paix en économie de temps de guerre est stupéfiante. L'exploitation de la puissance industrielle des États-Unis a fait pencher la balance de façon décisive en faveur des forces alliées. Winston Churchill a souvent cité son ministre des affaires étrangères, Sir Edouard Grey : “Les Etats-Unis sont comme une chaudière géante. Une fois que le feu est allumé, il n'y a aucune limite à la puissance qu'elle peut développer. ”

Cette mobilisation de ressources en l'espace de quelques mois démontre qu'un pays, et en fait, le monde, peuvent restructurer l'économie rapidement, s'ils sont convaincus de la nécessité de le faire. Beaucoup de personnes, bien que ce ne soit pas encore la majorité, sont déjà convaincues du besoin d'une restructuration économique majeure. Le but de mon livre Plan B 3.0 est de convaincre davantage de personnes de ce besoin, aidant à faire pencher la balance vers les forces du changement et de l'espoir.

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Adapté du chapitre 13, “The Great Mobilization” ("La grande mobilisation", ndlt), Plan B 3.0: Mobilizing to Save Civilization (Mobiliser pour sauver la civilisation, ndlt) de Lester R. Brown (New York: W.W. Norton & Company, 2008), disponible en téléchargement gratuit et à l'achat sur http://www.earthpolicy.org/index.php?/books/pb3

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