previous

43 - L’ECONOMIE SOUS PERFUSION DE L’ENERGIE NUCLEAIRE  

next
 

Earth Policy Institute,
Mise à jour du Plan B
Retenu jusqu'au 28 octobre 2008

 

L’ECONOMIE SOUS PERFUSION DE L’ENERGIE NUCLEAIRE  

Texte original: http://www.earthpolicy.org/Updates/2008/Update78.htm

Lester R. Brown, traduit par Frédéric Jouffroy

Ces toutes dernières années, l’industrie nucléaire a utilisé les inquiétudes au sujet du changement climatique comme argument pour la relance du nucléaire. Bien que les représentants de l’industrie aient pu convaincre certains leaders politiques que c’était une bonne idée, il y a peu de preuves d’investissement du capital privé dans les centrales nucléaires, sur les marchés concurrentiels de l’électricité. La raison en est simple : l’énergie nucléaire n’est pas rentable.

Dans une excellente analyse récente, “The Nuclear Illusion ” ("L’illusion nucléaire’’, ndlt), Amory B. Lovins et Imran Sheikh ont évalué le coût de l’électricité produite par une centrale nucléaire à 14 cents de dollar par kilowatt heure et celle produite par une ferme éolienne à 7 cents par kilowatt heure. Cette comparaison inclut le coût du carburant, du capital, du fonctionnement et la maintenance, le transport et la distribution. Elle n’inclut pas les coûts additionnels pour le nucléaire du traitement des déchets, d’assurance des centrales en cas d’accident, et de leur démantèlement en fin de vie. Vu cette énorme lacune, le soi-disant renouveau du nucléaire ne pourra réussir qu’en transférant ces coûts sur les contribuables. Si tous les coûts de l’énergie d’origine nucléaire sont inclus dans le prix de vente aux consommateurs, l’énergie nucléaire n'est plus viable.

Pour avoir une idée des coûts de traitement des déchets nucléaires, il est inutile de regarder au delà des Etats-Unis, leaders mondiaux avec 101 000 mégawatts de capacité de production nucléaire (à comparer aux 63 000 mégawatts de la France, seconde au classement). Les Etats-Unis proposent de stocker les déchets radio-actifs de leurs 104 réacteurs nucléaires dans le dépôt de déchets nucléaires de Yucca Mountain, à environ 150 km au Nord-Ouest de Las Vegas, au Nevada. Le coût de ce dépôt, estimé initialement à 58 milliards de dollars en 2001, est grimpé à 96 milliards de dollars en 2008. Ceci équivaut à un montant stupéfiant de 923 millions de dollars par réacteur (presque 1 milliard de dollars chacun), en prenant l’hypothèse qu’il n’y aura pas d’augmentation future du coût du dépôt (voir les chiffres, en Anglais) sur www.earthpolicy.org/Updates/2008/Update78_data.htm).

En plus du dépassement du budget, le dépôt est en retard de 19 ans sur le planning. Programmé initialement pour commencer à recevoir des déchets en 1998, il est maintenant prévu pour le faire en 2017, avec l’hypothèse que ceci permettra de franchir tous les obstacles restants. Ceci laisse les déchets nucléaires en attente dans 121 dépôts de stockage temporaires dans 39 états - des sites qui sont vulnérables aux fuites et aux attaques terroristes.

L'un des risques de l’énergie nucléaire est un accident catastrophique comme celui de Tchernobyl en Ukraine. La loi Price-Anderson, promulguée par le Congrès en 1957, protège les opérateurs de centrales nucléaires américains, du coût d’un tel accident. D’après la loi, les opérateurs doivent conserver une assurance accident privée de 300 millions de dollars par réacteur, le maximum que le monde de l’assurance puisse fournir. Dans le cas d’un accident catastrophique, chaque opérateur nucléaire devrait contribuer, jusqu’à hauteur de 95,8 millions de dollars par réacteur dont il a la charge, à un fond commun destiné à aider à couvrir le coût de l’accident.

La cagnotte collective de responsabilité des opérateurs nucléaires est de 10,2 milliards de dollars. Ceci est à comparer avec une estimation du laboratoire National Sandia qui dit que l'accident le plus catastrophique pourrait coûter 700 milliards de dollars, une somme équivalente à celle du récent plan de renflouage des institutions financières américaines. Ainsi tout ce qui serait au dessus des 10,2 milliards de dollars serait couverts par les contribuables.

Un autre coût énorme de l’énergie nucléaire concerne le démantèlement des centrales à leur fin de vie. Un rapport de 2004 de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique estime le coût de démantèlement par réacteur entre 250 et 500 millions de dollars, en excluant les coûts d’enlèvement et de traitement du combustible nucléaire usagé. Mais des récentes estimations pour certains réacteurs, tels que les réacteurs anglais Magnox qui ont des volumes importants de déchets de démantèlement, font monter les coûts de démantèlement jusqu’à 1,8 milliards de dollars par réacteur.

Se rajoutant aux coûts qui viennent d’être cités, l’industrie doit faire face à l’augmentation des dépenses de construction et de combustible. Il y a 2 ans, le coût de construction d'une centrale nucléaire de 1 500 mégawatt était estimé entre 2 et 4 milliards de dollars. A la fin 2008, ce chiffre a grimpé au dessus de 7 milliards de dollars, reflétant essentiellement la pénurie des compétences essentielles en ingénierie et construction, dans une industrie en déclin.

Le coût des combustibles nucléaires a cru encore plus vite. Au début de cette décennie, l’uranium coûtait à peu près 20 euros par kilo. Aujourd’hui il coûte plus de 45 euros par kilo. Le prix plus élevé de l’uranium reflète la baisse de qualité du minerai, et le besoin de creuser des mines toujours plus profondes, qui augmentent la quantité d’énergie nécessaire pour extraire ce minerai. Par exemple, aux Etats-Unis à la fin des années 1950, le minerai d’uranium contenait à peu près 0,28 % d’oxyde d’uranium. Dans les années 1990, ce taux avait baissé à 0,09%. Ceci signifie évidemment que le coût d’extraction de quantités plus importantes de minerai, ajouté à celui de le faire dans des mines plus profondes, va impliquer un coût futur du combustible nucléaire toujours plus élevé.

Peu de centrales nucléaires sont construites dans des pays ayant un marché compétitif de l’électricité. La raison en est simple : le nucléaire ne peut pas rivaliser avec les autres sources d’électricité. Ceci explique pourquoi la construction de centrales nucléaires est maintenant concentrée dans des pays comme la Russie et la Chine où le développement du nucléaire est contrôlé par l’état. Le coût élevé de l’énergie nucléaire explique aussi pourquoi si peu de centrales sont construites, par rapport à il y a une génération.

Dans un article éclairant paru dans le Bulletin of the Atomic Scientists (bulletin des Scientifiques Atomistes, ndlt), le consultant nucléaire Mycle Schneider prévoit un déclin imminent de la capacité de production nucléaire mondiale. Il remarque qu’il y a actuellement 439 réacteurs en activité à travers le monde. A cette date, 119 réacteurs ont été fermé, à un âge moyen de 22 ans. Si on prend généreusement l’hypothèse d’une durée de vie bien plus importante de 40 ans, 93 réacteurs vont alors fermer entre 2008 et 2015. 192 autres fermeront entre 2016 et 2025. Et les 154 restants fermeront après 2025.

Il y a actuellement seulement 36 réacteurs nucléaires en construction à travers le monde, dont 31 en Europe de l’Est et en Asie. Bien qu’il y ait beaucoup de discussions au sujet de la construction de nouvelles centrales nucléaires aux Etats-Unis, il n’y en a pas en construction.

Ce que ces chiffres indiquent, Schneider le fait remarquer, c’est que les fermetures de centrales vont bientôt dépasser les ouvertures –et avec un écart grandissant dans les années à venir. La tendance est claire : De 2000 à 2005, l’augmentation moyenne de capacité de production nucléaire a été de 4 000 mégawatts par an. Depuis 2005, elle n’est plus que de 1000 mégawatts par an.

Même si tous les réacteurs programmés pour être en service en 2015 tiennent cet objectif, la fermeture prévue de 93 réacteurs nucléaires à ce moment là va faire descendre la production d’énergie nucléaire à peu près 10 % en dessous de son niveau actuel. A moins que les gouvernements ne se mettent à accorder systématiquement des autorisations de poursuite d’exploitation pour les réacteurs âgés de plus de 40 ans, un demi-siècle de croissance de la capacité mondiale de production nucléaire est sur le point d’être remplacé par un déclin à long terme.

Malgré le battage de l’industrie au sujet d’un futur nucléaire, les investisseurs privés sont ouvertement sceptiques. En fait, alors que peu de capital privé va dans l’énergie nucléaire, les investisseurs versent des dizaines de milliards de dollars dans les fermes éoliennes chaque année. Et alors que la capacité de production nucléaire doit s’étendre cette année de seulement 1 000 mégawatts, la capacité de production éolienne va vraisemblablement grossir de 30 000 mégawatts. De plus, les installations de cellules solaires et la construction de centrales géothermiques et solaires thermiques sont toutes en train d’augmenter rapidement.

La raison de cet écart extraordinaire entre la construction de centrales nucléaires et celle de fermes éoliennes est simple : le vent est bien plus séduisant sur le plan économique. Le vent produit plus d’énergie, plus d’emplois, et plus de réduction de carbone par dollar investi que le nucléaire. Bien que ces centrales nucléaires soient encore en train d’être construites dans certains pays et que des gouvernements vantent leurs mérites dans d’autres, la réalité est que nous rentrons dans l’ère de l’énergie solaire, éolienne et géothermique.

# # #
Lester R. Brown est président de l’Earth Policy Institute et auteur du plan B : Mobilizing to Save Civilization (New York: W.W. Norton & Company, 2008), disponible à l'achat et en téléchargement gratuit sur :
http://www.earthpolicy.org/index.php?/books/pb3

information complémentaire : www.earthpolicy.org

# # #

pour plus d'informations, contactez:

Contact Presse & Permissions de reproduction:
Reah Janise Kauffman
Tel: + 202 496-9290 x 12
E-mail: rjk (at) earthpolicy.org

Contact Recherche :
Janet Larsen
Tel: + 202 496-9290 x 14
E-mail: jlarsen (at) earthpolicy.org

Earth Policy Institute
1350 Connecticut Ave. NW, Suite 403
Washington, DC 20036
USA
Web: www.earthpolicy.org

 
 
© Ecologik business 2008