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28 - NAPPES PHREATIQUES EN BAISSE, RECOLTES EN BAISSE

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Earth Policy Institute, extrait du livre Plan B 3.0
Pour diffusion immédiate, le 4 juin 2008

NAPPES PHRÉATIQUES EN BAISSE, RÉCOLTES EN BAISSE

http://www.earth-policy.org/Books/Seg/PB3ch04_ss2.htm

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka

De nombreux pays pompent excessivement les aquifères tandis qu'ils luttent pour satisfaire leurs besoins croissants en eau. Le forage de millions de puits d'irrigation a poussé les captations d'eau au delà des taux de renouvellement, conduisant en effet à des opérations de minage d'eau souterraine. L'échec des gouvernements à limiter le pompage des aquifères au niveau de débit soutenable signifie que les réserves d'eau baissent dans des pays qui abritent plus de la moitié de la population mondiale, incluant les trois grands producteurs de céréales : la Chine, l'Inde, et les États-Unis.

La plupart des aquifères du monde sont renouvelables, de sorte que quand ils se réduisent, le niveau de pompage maximum sera automatiquement réduit au taux de recharge. Les aquifères fossiles, cependant, ne se renouvellent pas. Pour ceux-là (incluant le vaste aquifère américain Ogallala, l'aquifère profond sous la Plaine du Nord de la Chine, ou l'aquifère Saoudien, par exemple) l'épuisement met fin au pompage. Les agriculteurs qui n'ont plus d'eau pour irriguer ont le choix de revenir à une agriculture de faible rendement sur des terres sèches si les précipitations le permettent. Mais dans des régions plus arides comme le sud ouest des États-Unis ou le Moyen Orient, la perte de l'eau d'irrigation signifie la fin de l'agriculture.

Les disponibilités d'eau décroissantes affectent déjà désagréablement les récoltes dans quelques pays, incluant la Chine, qui rivalise avec les États-Unis comme plus grand producteur de céréales. Une étude dur les eaux souterraines faite à Beijing en août 2001 a révélé que la disponibilité d'eau sous la Plaine du Nord de la Chine, une région qui produit plus de la moitié du blé du pays et un tiers de son maïs, baisse rapidement. Le pompage excessif a largement diminué l'aquifère superficiel, obligeant les foreurs de puits à se tourner vers l'aquifère profond de la région, qui n'est pas renouvelable.

L'étude a indiqué que sous la Province Hebei au coeur de la Plaine du Nord de la Chine, le niveau moyen de l'aquifère profond baissait de près de 3 mètres par an. Autour de quelques villes dans la province, elle baissait deux fois plus vite. Puisque l'aquifère profond est épuisé, la région est en train de perdre sa dernière réserve d'eau, son seul matelas de sécurité.

Une étude de la Banque Mondiale indique que la Chine pratique le minage souterrain d'eau dans trois bassins fluviaux adjacents dans le nord (ceux du Hai, qui traverse Beijing et Tianjin; le fleuve Jaune; et le Huai, le prochain fleuve au sud après le Jaune). Puisqu'il faut 1,000 tonnes d'eau pour produire une tonne de céréales, la pénurie dans le bassin Hai de presque 40 milliards de tonnes d'eau par an (1 tonne égale 1 mètre cube) signifie que quand l'aquifère sera épuisé, la récolte de céréales chutera de 40 millions de tonnes, assez pour nourrir 120 millions de Chinois.

Aussi graves que soient les restrictions d'eau en Chine, il y en a encore de plus sérieuses en Inde, où la marge entre la consommation de nourriture et la survie est si précaire. Jusqu'à aujourd'hui, les 100 millions d'agriculteurs de l'Inde ont foré 21 millions de puits, investissant quelques 12 milliards de dollars en puits et pompes. Dans une étude sur la situation de l'eau en Inde, Fred Pearce rapportait dans le New Scientist que la “moitié des puits creusés à la main en Inde et des millions de puits cylindriques moins profonds sont déjà à sec, apportant un torrent de suicides parmi ceux qui en dépendent.”

La récolte de céréales en Inde, comprimée par la rareté de l'eau et la perte de terres agricoles au profit d'usages non agricoles, plafonne depuis 2000. En 2005, une étude de la Banque Mondiale indique que 15 pour cent de la production de nourriture en Inde est produite en effectuant des opérations de minage de l'eau souterraine. Dit autrement, 175 millions d'indiens sont nourris avec des céréales produites grâce à l'eau des puits d'irrigation qui vont bientôt s'assécher.

Aux États-Unis, le département Américain de l'Agriculture (USDA) rapporte que dans des parties du Texas, de l'Oklahoma, et du Kansas (les trois états produisant le plus de céréales) la réserve d'eau souterraine a chuté de plus de 30 mètres. Comme résultat, les puits se sont asséchés sur des milliers de fermes dans les Grandes Plaines du Sud, forçant les agriculteurs à revenir à une agriculture de plus faible rendement sur des terres sèches. Même si l'extraction minière de cette eau souterraine paie un lourd tribu sur la production de céréales américaine, les terres irriguées comptent pour seulement un cinquième de la récolte de céréales américaine, comparée avec près de trois cinquièmes de la récolte en Inde et quatre cinquièmes en Chine.

Au Pakistan, un pays doté d'une population de 164 millions d'habitants, est aussi en train de miner son eau souterraine. Des puits d'observation près de la ville jumelle d'Islamabad et Rawalpindi dans la plaine fertile du Punjab montrent une chute dans la disponibilité d'eau entre 1982 et 2000 qui varie de 1 à près de 2 mètres par an. Dans la province du Balouchistan, frontalière de l'Afghanistan, les disponibilités d'eau autour de la capitale, Quetta, baissent de 3,5 mètres par an. A travers la province, six basins ont épuisé leurs approvisionnements en eau souterraine, laissant leurs terres irriguées arides. Sardar Riaz A. Khan, ancien directeur de l'Institut de Recherche des Zones Arides du Pakistan, s'attend à ce que d'ici 10–15 ans virtuellement toutes les zones des bassins à l'extérieur du canal-irrigué aient épuisé leur approvisionnement d'eau souterraine, privant la province de la plus grande partie de sa récolte de céréales.

L'Iran, un pays de 71 millions d'habitants, est en train de pomper à l'excès ses aquifères avec une moyenne de 5 milliards de tonnes d'eau par an, l'équivalent en eau d'un tiers de sa récolte annuelle de céréales. Sous la petite mais riche région sur le plan agricole de la plaine Chenaran au nord est de l'Iran, le niveau d'eau tombait de 2,8 mètres par an à la fin des années 1990. Les responsables sont les puits forés pour l'irrigation et l'approvisionnement de la ville proche, Mashad. Les villages à l'est de l'Iran sont abandonnés tandis que les puits s'assèchent, générant un flux de “réfugiés de l'eau.”

L'Arabie Saoudite, un pays de 25 millions d'habitants, est aussi pauvre en eau qu'elle est riche en pétrole. Dépendant lourdement de subventions, elle a développé une agriculture extensive irriguée s'appuyant largement sur le profond aquifère fossile. Après plusieurs années de support des prix du blé cinq fois supérieur au niveau du marché mondial, le gouvernement a été forcé de faire face à la réalité fiscale et de couper les subventions. Sa récolte de blé a chuté d'un maximum de 4,1 millions de tonnes en 1992 à 2,7 millions de tonnes en 2007, une baisse de 34 pour cent. Quelques agriculteurs Saoudiens pompent maintenant l'eau de puits qui sont à 1200 mètres de profondeur. Reconnaissant ses limitations hydrologiques au début 2008, le gouvernement Saoudien a annoncé des plans pour éliminer complètement la production de blé d'ici 2016.

Au Yémen voisin, une nation un pays de 22 millions d'habitants, le niveau de l'eau sous la plus grande partie du pays tombe d'environ 2 mètres par an parce que l'utilisation de l'eau dépasse le rendement soutenable des aquifères. Au bassin de Sana’ à l'ouest du Yémen, l'extraction annuelle estimée à 224 millions de tonnes d'eau dépasse la recharge annuelle de 42 millions de tonnes par un facteur cinq, faisant chuter le niveau d'eau de 6 mètres par an. Les projections de la Banque Mondiale indiquent que le bassin de Sana’a (site de la capitale nationale, Sana’, et regroupant 2 millions de personnes) sera peut être pompée à sec d'ici 2010.

Avec une population croissant de 3 pour cent par an et avec des niveaux d'eau tombant partout, le Yémen est rapidement en train de devenir un terrain agité sur le plan hydrologique. Avec sa production de céréales chutant de deux tiers en 20 ans, le Yémen importe maintenant quatre cinquièmes de ses besoins en céréales.

Puisque le sur-pompage des aquifères se produit dans beaucoup de pays plus ou moins simultanément, l'épuisement des aquifères et l'élimination des récoltes résultante pourraient arriver à peu près au même moment. Et l'épuisement accéléré des aquifères signifie que ce jour pourrait arriver vite, créant potentiellement une rareté de la nourriture ingérable.

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Adapté du Chapitre 4, “Pénuries émergentes d'eau” Plan B 3.0: Mobilizing to Save Civilization (New York: W.W. Norton & Company, 2008), de Lester R. Brown, disponible en téléchargement gratuit et à la vente sur : www.earthpolicy.org/Books/PB3/index.htm

Information complémentaire: www.earthpolicy.org

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