189 - LA GRANDE TRANSITION, PARTIE II : CONSTRUIRE UNE ÉCONOMIE CENTRÉE SUR L'ÉOLIEN |
||
Publication du Earth Policy Institute
LA GRANDE TRANSITION, PARTIE II :
texte original : http://www.earth-policy.org/plan_b_updates/2012/update108 Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka et Frédéric Jouffroy Dans la course qui se joue, pour passer des combustibles fossiles aux sources d'énergie renouvelables afin d’éviter un emballement climatique, l'éolien a pris une large avance sur le solaire et la géothermie. Les capacités mondiales actuelles de production électrique de ces dernières sources représentent respectivement 70 000 et 11 000 mégawatts, à comparer aux presque 240 000 mégawatts de l’ensemble des parcs éoliens présents dans près de 80 pays, en premier lieu en Chine et aux Etats-Unis. Au cours de la dernière décennie, la capacité de production électrique éolienne mondiale a augmenté de presque 30 % par an, grâce aux nombreux atouts de cette énergie et aux politiques publiques mises en place en sa faveur. L’énergie éolienne est abondante, décarbonée et inépuisable. Elle ne consomme ni eau ni carburant, et utilise peu de terres. Elle est aussi disponible en de très nombreux endroits, peut facilement être mise en œuvre à grande échelle, et être rapidement connectée au réseau. Aucune autre source d'énergie ne possède tous ces avantages. Une des raisons de la popularité de l'énergie éolienne est sa faible emprise au sol. Même si une centrale éolienne peut s’étendre sur de grandes surfaces représentant plusieurs kilomètres carrés, les turbines n'occupent que 1 % de cette superficie. Le rendement de l'énergie éolienne rapporté à la surface utilisée, comparé aux autres sources d'énergie renouvelables, bat tous les records. Ainsi, dans le Nord de l’Iowa, un hectare, s’il est planté en maïs, peut produire l’équivalent de 2 500 dollars d’éthanol par an ; s’il accueille une éolienne, il peut produire 750 000 dollars d’électricité. Les turbines n’occupant qu’un pour cent des terres d’un parc éolien, éleveurs et agriculteurs peuvent en effet doubler l’utilisation de leurs terres, en produisant en même temps de l'électricité, et du bétail, du blé ou du maïs. Sans aucun investissement de leur part, ils peuvent percevoir, pour chaque éolienne implantée sur leurs terres, entre 3 000 et 10 000 dollars annuels de redevances. Pour des milliers d'éleveurs des Grandes Plaines américaines, les redevances de l'éolien dépasseront un jour de très loin les revenus provenant de la vente du bétail. Le vent est également une source d’énergie abondante. Aux États-Unis, les ressources de trois États bien dotés en la matière (le Dakota du Nord, le Kansas et le Texas) sont suffisantes pour facilement satisfaire les besoins actuels en électricité des Etats-Unis. L'énergie éolienne a aussi l’avantage d’être inépuisable. Son niveau de consommation actuel n’a aucun impact sur sa disponibilité dans le futur. A l’inverse des centrales à charbon, au gaz et nucléaires devant être refroidies, les éoliennes ne consomment pas d’eau. Le remplacement du charbon et du gaz par l’éolien permettra de libérer d’importantes quantités d’eau au profit de l’irrigation et d’autres besoins. L'atout le plus important de l'éolien est peut-être que son exploitation n’entraîne aucun coût de carburant. Une fois le parc achevé, l'électricité est produite sans charge mensuelle associée. Par ailleurs, la durée de construction d'un parc éolien classique ne dépasse pas un an, à comparer à la dizaine d’années nécessaires pour un projet de centrale nucléaire. Les futurs complexes éoliens dans les Grandes Plaines, en Mer du Nord, ou au large des côtes Chinoises ou de l’Est des États-Unis pourraient avoir des capacités de production de dizaines de milliers de mégawatts. Les projets et les investissements dans l’éolien se développement à une échelle jamais vue auparavant dans le secteur de l’énergie traditionnelle. L'un des inconvénients évidents de l'éolien est son intermittence; cet aspect devient cependant de moins ne moins un problème avec la multiplication des parcs éoliens. Chaque ferme éolienne ayant un profil éolien différent, toute nouvelle connexion au réseau tend à réduire la variabilité de la production. Une équipe de chercheurs de l'Université de Stanford a mis en évidence que le vent devient une source remarquablement stable d'électricité, lorsque à l’échelle d’un pays comme les États-Unis, des milliers de parcs éoliens se retrouvent connectés dans un même réseau global. Dans les zones plus densément peuplées, existe souvent une opposition locale à l'énergie éolienne, appelé phénomène NIMBY ("not in my backyard" "pas dans mon jardin"). Mais dans les immenses régions agricoles et d'élevage des États-Unis, l’éolien rencontre un immense succès populaire pour des raisons économiques. Auprès des éleveurs des Grandes Plaines, des agriculteurs du Midwest ou des producteurs laitiers de l'État de New York, on pourrait plutôt parler d’un phénomène PIMBY ("put it in my backyard" "mettez le dans mon jardin"). Agriculteurs et éleveurs sont ravis du supplément de revenus apporté par les éoliennes installées sur leurs terres. Les communautés rurales se font concurrence pour attirer les investissements éoliens et les recettes fiscales supplémentaires associées, qui permettront de financer routes et écoles. Une des clefs du développement de l’éolien réside dans la construction de lignes à haute tension entre les régions ventées de production et les centres de population. Le projet de réseau le plus prometteur en cours de développement pourrait bien-être la plaque tournante de distribution d'électricité dite des Tres Amigas, un centre d'interconnexion qui sera construit à l'est du Nouveau-Mexique, et reliera les trois réseaux électriques américains (Est, Ouest et Texas). Tres Amigas constitue une étape clef de l'évolution de la nouvelle économie de l'énergie. Grâce à des lignes à haute tension reliant les trois réseaux à l’endroit où ils sont les plus proches, l'électricité peut être acheminée à travers les États-Unis en fonction des besoins. La possibilité de compenser surplus et déficits de production sur une zone plus large permet en même temps de réduire les gaspillages d'électricité et le prix pour les consommateurs. Par ailleurs, d'autres lignes de transmissions longues distances sont en construction ou programmées. Nous savons qu’il est possible de faire croître rapidement la capacité de production d'énergie éolienne. Aux Etats-Unis, elle a augmenté de 45 % en 2007 et de 50 % en 2008. Si nous arrivions à la faire progresser de 40 % par an au niveau mondial au cours de cette décennie, sa capacité de production passerait alors de 238 000 mégawatts à la fin 2011, à près de 5 millions de mégawatts en 2020. En prenant en compte un développement ambitieux du solaire et de la géothermie, et les nouveaux projets hydroélectriques en cours, on obtiendrait une capacité totale de production d’énergie renouvelable de 7,5 millions de mégawatts, permettant de se passer du charbon, du pétrole et de presque tout le gaz naturel utilisés aujourd’hui pour produire de l'électricité. (Voir les données.) Le passage aux sources d'énergie renouvelables doit être accompagné de 2 autres volets essentiels d’un plan de stabilisation du climat : 1) l’amélioration rapide de l'efficacité énergétique, pour l'industrie, les appareils et de l'éclairage, et 2) la restructuration du secteur des transports, basée sur une électrification massive, et sur le fort développement des transports en commun, et de la pratique du vélo et la marche. (Ce dernier volet permettrait d’éliminer une grande partie du pétrole consommé dans les transports). Cette restructuration du secteur de l'énergie demanderait de construire près de 300 000 éoliennes par an au cours de cette décennie. Pouvons nous y arriver ? Très certainement. Ayez en tête qu’aujourd'hui au niveau mondial nous produisons quelque 70 millions de voitures, camions et autobus chaque année. Beaucoup de ces éoliennes pourraient être produites par les seules usines d'assemblage automobile actuellement à l’arrêt aux Etats-Unis. Les usines devraient bien sûr être adaptées à la production d’éoliennes, mais c'est tout à fait faisable. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Chrysler est passé de la fabrication de voitures à celle de tanks en quelques mois. Si nous avons pu le faire à cette époque, alors, les Etats-Unis et le reste du monde peuvent certainement construire chaque année les 300 000 éoliennes nécessaires pour mettre en place de la nouvelle économie de l'énergie et stabiliser le climat. Pour la première fois depuis de début de la révolution industrielle, nous avons la possibilité d'investir dans des sources d'énergie alternatives qui peuvent durer aussi longtemps que la Terre elle-même. Le choix nous appartient. Nous pouvons nous en tenir au Business as Usual, ou nous pouvons changer de cap pour mettre le monde sur le chemin d’un progrès durable. Si ce choix est celui de notre génération, il changera la vie sur Terre pour toutes les générations à venir. # # # Adapté de “Exciting News About Renewable Energy” de Lester R. Brown, dans l'édition d'october/november 2012 de Mother Earth News. Lester R. Brown est le président du Earth Policy Institute et auteur de Full Planet, Empty Plates: The New Geopolitics of Food Scarcity (Planète pleine, assiettes vides : la nouvelle géopolitique de la pénurie alimentaire, ndlt) Voir la première partie de l'article. # # # Pour s’abonner aux traductions des mises à jour du Plan B de l’Earth Policy Institute: L’association Alternative Planétaire est le relais en France des idées et du travail de l’Earth Policy Institute: Information complémentaire: www.earthpolicy.org N’hésitez pas à transmettre cette information à des amis, membres de la famille, et collègues ! # # # pour plus d'informations, contactez: Contact Presse & Permissions de reproduction: Contact Recherche : Earth Policy Institute |
||
© Ecologik business 2012 |