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184 - SURFACE FORESTIÈRE MONDIALE TOUJOURS EN DÉCLIN

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Publication du Earth Policy Institute
Indicateur Eco-économie
31 août 2012

 

SURFACE FORESTIÈRE MONDIALE TOUJOURS EN DÉCLIN

 

texte original : http://www.earth-policy.org/indicators/C56/forests_2012

Emily E. Adams, traduite par Marc Zischka et Frédéric Jouffroy

Les forêts nous procurent de nombreux biens importants, comme le bois et le papier. Elles fournissent également des services essentiels, comme par exemple le filtrage de l'eau, le contrôle du ruissellement des eaux, la protection des sols, la régulation du climat, le recyclage et le stockage des éléments nutritifs ; elles procurent aussi un habitat à de nombreuses espèces animales et nous offrent un cadre pour nos activités de loisirs.

Les forêts couvrent aujourd’hui 31 % de la surface émergée de la planète, soit un peu plus de 4 milliards d'hectares. Ce chiffre est en baisse par rapport à sa valeur de l'ère pré-industrielle, soit 5,9 milliards d'hectares. Selon les données de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), la déforestation a atteint son taux le plus élevé dans les années 1990 ; le monde perdait alors chaque année en moyenne 16 millions d'hectares de forêt, soit l'équivalent de l’ensemble de la forêt française. Dans le même temps, la forêt regagnait à certains endroits, par plantation ou par processus naturel, avec au total une perte de 8,3 millions d'hectares par an. Dans les années 2000-2010, la déforestation a légèrement baissé, mais elles reste malheureusement encore de 13 millions d'hectares par an, avec au total, une perte nette de 5,2 millions d'hectares par an. (Voir les données)

couverture forestière mondiale

Les taux globaux de déforestation rendent mal compte de l’ensemble des dégâts causés aux forêts de la planète. Les dégradations des forêts provoquées par les coupes sélectives, la construction de routes, le changement climatique, ou d'autres causes altèrent la bonne santé des forêts restantes. Chaque année, la surface forestière mondiale se réduit et la qualité des forêts restantes est en baisse. Ainsi, par exemple, le remplacement des anciennes forêts naturelles par une monoculture d'espèce exotique réduit considérablement la biodiversité.

Le développement des plantations s'est accéléré, passant de 3,7 millions d'hectares par an dans les années 1990 à 4,9 millions d'hectares par an au cours de la décennie suivante. Les plantations couvrent désormais quelque 264 millions d'hectares, soit près de 7 % de la superficie forestière totale. Les plantations produisent maintenant environ 1,2 milliard de mètres cubes de bois chaque année pour l'industrie, soit environ les deux tiers de la production mondiale totale actuelle. Lorsqu’elles sont installées sur des surfaces ayant déjà perdu leurs forêts, les plantations peuvent permettre de faire baisser la pression sur les forêts existantes.

Les forêts sont avant tout menacées par le défrichage pour l'agriculture et l'élevage, et par la coupe de bois comme combustible ou matière première industrielle. Au Brésil, la perte de 55 millions d'hectares depuis 1990 (soit presque la surface de la France) est due en grande partie au défrichage pour les besoins des fermes et des ranchs. La forêt tropicale amazonienne du Brésil (13 % de la superficie forestière mondiale) est la seconde au monde après la Russie et ses 20 %. Entre 2000 et 2010, le Brésil avec 2,6 millions d'hectares de forêt détruits chaque année, était en tête de la déforestation sur le plan mondial. Le Brésil a pour objectif de réduire son taux de déforestation de 80 % d'ici 2020 par rapport à son niveau moyen des années 1996-2005. La déforestation a de fait bien baissé ces dernières années. Mais la hausse des prix du bœuf, du maïs et du soja pourraient pousser le gouvernement à relâcher la protection des forêts, et menacer davantage la plus grande forêt tropicale du monde.

Deux autres pays sud-américains, la Bolivie et le Venezuela, ont également abattu de grandes surfaces boisées. Au total l'Amérique du Sud est, avec 40 millions d’hectares déboisés, la région du monde qui a perdu la plus grande surface forestière entre 2000 et 2010.

L'Afrique souffre également d'une déforestation massive, provoquée essentiellement par la récolte de bois-combustible et la production de charbon de bois. Elle a perdu 34 millions d'hectares entre 2000 à 2010. Quatre états sub-sahariens (Nigeria, Tanzanie, Zimbabwe et République Démocratique du Congo), ont chacun défriché plus de
300 000 hectares par an.

Contrairement à l'Amérique du Sud, l'Asie a inversé la tendance, regagnant de la surface forestière à partir des années 2000, en particulier sous l’impulsion de la Chine. Après les inondations catastrophiques de 1998, la Chine a compris le rôle de la conservation des forêts pour lutter contre les inondations et protéger les sols, ce qui l’a amené à interdire l'exploitation forestière dans les principaux bassins fluviaux et à commencer la plantation d'arbres à un rythme accéléré.

Les plantations massives réalisées par la Chine peuvent cependant masquer les autres tendances à l’œuvre dans la région. En tant que premier transformateur de produits du bois au monde, la Chine importe du bois de façon légale et illégale, entraînant la déforestation dans d'autres pays. L'Indonésie, dont 82 % de la superficie était couverte de forêts luxuriantes dans les années 1960, a constitué une cible de choix. Quelques 24 millions d'hectares de forêt ont été perdus entre 1990 et 2010, avec un taux de couverture forestière du pays passé désormais sous les 50 %. Cependant heureusement le taux de déforestation de 1,9 millions d'hectares par an dans les années 1990, est tombé à
500 000 hectares par an au cours de la dernière décennie.

La déforestation en Indonésie est aussi largement provoquée par la production d'huile de palme. Ce pays représente près de la moitié de la production mondiale. Le développement de l’utilisation de cette huile menace les forêts restantes : les palmiers sont surtout plantés sur des terres qui ont été défrichées ou brûlées. Pour évaluer ce risque et limiter la contribution du pays au réchauffement planétaire lié au changement d'utilisation des terres, l'Indonésie a imposé en mai 2011 un moratoire de deux ans sur l’attribution de nouveaux permis de défrichement de forêts primaires, pour des palmeraies à huile ou d’autres usages. L'interdiction temporaire est destinée à donner du temps au gouvernement pour trouver un moyen de doubler la production d'huile de palme d'ici 2020 par rapport au niveau de 2009, tout en protégeant ses forêts. L'efficacité de cette interdiction reste à démontrer, au vu du caractère ambitieux de l'objectif de production et de la lutte en cours que le gouvernement mène contre l'exploitation forestière illégale.

Le Mexique est un autre pays où le gouvernement s'attaque à la déforestation. Dans les années 1990, le Mexique avait le septième taux de déforestation le plus élevé au monde. Les récents efforts menés pour limiter la déforestation et encourager les plantations ont réduit de moitié ce taux : il est passé de 400 000 hectares par an dans les années 1990 à 200 000 hectares par an dans les années 2000. Pour l’ensemble du Mexique et de l’ Amérique Centrale, la déforestation a bien baissé, passant de 700 000 hectares à
400 000 hectares.

Ailleurs dans le monde, l'Australie a suivi un chemin inverse, passant d'un gain net dans les années 1990 à une perte nette de forêts lors de la décennie suivante. La sécheresse persistante en Australie de 2002 à 2010 a constitué un double problème pour ses forêts : la sécheresse restreint la croissance de la forêt tout en augmentant le risque d'incendie. Les feux de forêt attisés par une sécheresse prolongée et des températures élevées, ont brûlé des millions d'hectares de forêt en Australie. Un feu géant le 7 février 2009, maintenant connu sous le nom de "samedi noir", a brûlé plus de 400 000 hectares, soit une superficie équivalente à celle du département de la Corse du Sud.

Les feux de forêt, et les épidémies d'insectes, ont également transformé les forêts du Canada. Au tournant du 21e siècle, ces perturbations ont libéré de grandes quantités de carbone dans l'atmosphère. Les forêts boréales du Canada qui étaient un puits de carbone (en retirant le dioxyde de carbone de l'air et le stockant), se sont probablement transformées en source de carbone. Le fait que les 310 millions d'hectares de forêts du Canada, (troisième forêt du monde) soient une source ou un puits de carbone a d'importantes implications sur le changement climatique à venir.

Les forêts ont progressé aux Etats-Unis de 7,7 millions d'hectares entre 1990 et 2010, soit près de 380 000 hectares par an. Même si les États-Unis ont vu un reboisement impressionnante à l’intérieur de leurs propres frontières, ils contribuent toujours à la déforestation en tant qu’importateur de produits forestiers, pour une valeur de quelque 20 milliards de dollars en 2011. La situation est similaire en Europe, où en 2011 les importations de produits forestiers ont totalisé 110 milliards de dollars, même si les forêts ont gagné 16 millions d’hectares nets entre 1990 à 2010, en particulier en Espagne, Italie, France, Norvège et Suède.

Tous les arbres et forêts ne sont pas comparables. La progression des forêts dans les pays industrialisés des zones tempérées, avec leurs différents attributs écologiques, ne peuvent remplacer la richesse de biodiversité perdue dans les forêts tropicales des pays en développement. La protection de la forêt au niveau mondial est une entreprise mondiale.

La protection exige d’aller au delà du seul classement de zones forestières comme interdite à l'abattage. C’est par la réduction de la consommation de papier et des produits issus du bois, par le recyclage le papier, la récupération des déchets de bois, l'approvisionnant légal auprès de plantations durables, la recherche de substituts au bois de chauffage, et la stabilisation démographique en accélérant la réduction du nombre d’enfants par famille que notre génération peut contribuer à protéger les forêts pour celles qui la suivront.

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