Earth Policy Institute
extrait du livre Plan B 3.0
Pour diffusion immédiate, le 21 janvier 2009

ALLER VERS UNE STABILISATION DE LA POPULATION MONDIALE

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka

texte original:
http://www.earthpolicy.org/Books/Seg/PB3ch07_ss3.htm

Quelques 43 pays autour du monde ont maintenant des populations qui sont soit quasiment stables, soit en légère diminution. Dans les pays qui ont les plus bas indices de fécondité, comme le Japon, la Russie, l'Allemagne, et l'Italie, les populations diminueront probablement quelque peu au cours du prochain demi-siècle. Un groupe plus large de pays a réduit la fécondité au niveau de renouvellement des générations ou juste en dessous. Ils vont vers la stabilité démographique après qu'un grand nombre de jeunes soit passé par leurs années de fertilité. Dans ce groupe se trouvent la Chine et les Etats-Unis. Pour un troisième groupe de pays, on anticipe au moins un doublement de la population d'ici 2050, ce qui est le cas pour l'Ethiopie, la République Démocratique du Congo, et l'Ouganda.

Des projections des Nations Unies simulent la croissance démographique du monde pour trois hypothèses différentes de taux de fertilité. La projection moyenne, généralement la plus utilisée, voit la population mondiale atteindre 9,2 milliards de personnes d'ici 2050. La projection haute atteint 10,8 milliards. La projection basse, qui suppose que le monde sera rapidement sous le taux de fécondité de renouvellement des générations, à un niveau de 1,6 enfant par couple, voit la population atteindre son maximum juste en dessous des 8 milliards en 2041, puis décroître. Si l'objectif est d’éradiquer la pauvreté, la faim, l'analphabétisme, et de diminuer les pressions sur des ressources naturelles déjà sous tension, nous avons peu d'autres choix que d'essayer de tenir la projection inférieure.

Ralentir la croissance démographique mondiale signifie que toutes les femmes qui veulent décider du nombre d'enfants qu'elles auront devraient avoir accès aux services de planning familial dont elles ont besoin. Malheureusement aujourd'hui 201 millions de couples ne peuvent pas obtenir ces services. Un ancien fonctionnaire J. Joseph Speidel de l' Agency for International Development (agence américaine pour le développement international, ndlt) observe que “ si vous interrogez les anthropologues qui vivent et travaillent avec les pauvres au niveau des communautés villageoises… ils disent souvent que les femmes vivent dans la hantise de leur prochaine grossesse. Elles veulent absolument ne pas tomber enceintes. ” Combler le manque de planning familial est peut être la priorité la plus urgente du programme global. Les avantages sont énormes et les coûts minimaux.

La bonne nouvelle est que les pays qui veulent aider les couples à réduire la taille de leur famille peuvent le faire rapidement. En juste une décennie, l'Iran a fait baisser son taux de croissance démographique proche des records à l’un des plus bas des pays en voie de développement. Quand l'Ayatollah Khomeini a pris le pouvoir en Iran en 1979, il a immédiatement démantelé les programmes de planification des naissances bien établis et a à la place préconisé les familles nombreuses. En réponse à ses appels, les taux de fertilité ont grimpé, poussant la croissance démographique annuelle de l'Iran à un pic de 4,2 pour cent au début des années 80, un niveau proche du maximum biologique. Quand cette énorme croissance a commencé à devenir un fardeau pour l'économie et l'environnement, les responsables du pays se sont rendus compte que la surpopulation, la dégradation environnementale, et le chômage minaient le futur de l'Iran. (Voir pour plus d'information: www.earthpolicy.org/Updates/Update4ss.htm )

En 1989 le gouvernement a fait volte-face et rétabli son programme de planning familial. En mai 1993, une loi nationale de planification familiale a été promulguée. Les ressources de plusieurs ministères du gouvernement, y compris l'éducation, la culture, et la santé, ont été mobilisées pour encourager les familles plus petites . La télévision et la radio iraniennes ont eu la responsabilité d'attirer l'attention sur les problèmes démographiques et sur la disponibilité des services de planning familial. Quelques 15 000 “ maisons de santé ” et cliniques ont été fondées pour fournir aux populations rurales des services de santé et de planning familial.

Des chefs religieux ont été directement impliqués dans l'équivalent d'une croisade pour des familles plus petites.. L'Iran a présenté une panoplie complète de mesures contraceptives, y compris l'option de la stérilisation masculine, une première pour les pays musulmans. Toutes les formes de contrôle des naissances, y compris des contraceptifs tels que la pilule et la stérilisation, étaient gratuites. En fait, l'Iran est devenu un pionnier, le seul pays imposant aux couples de suivre un cours sur la contraception moderne pour pouvoir recevoir un certificat de publication des bans.

En plus des actions directes de soins médicaux, un effort global pour élever le taux d'alphabétisation des femmes a été lancé, le faisant bondir de 25 pour cent en 1970 à plus de 70 pour cent en 2000. Le taux de scolarisation des filles est passé de 60 à 90 pour cent. La télévision a été utilisée pour diffuser l'information sur le planning familial dans tout le pays, tirant profit des 70 pour cent de ménages ruraux équipés de téléviseurs. Résultat de cette initiative, la taille de la famille en Iran a chuté de sept enfants à moins de trois. De 1987 à 1994, l'Iran a divisé par deux son taux de croissance démographique. Son taux de croissance démographique de 1,3 pour cent en 2006 est juste légèrement supérieur à celui des Etats-Unis.

Tandis que l'attention des chercheurs s'est concentrée sur le rôle de l'enseignement conventionnel pour réduire la fertilité, les feuilletons à la radio et à la télévision peuvent encore plus rapidement changer les comportements des personnes à propos de la santé génésique, de l'égalité des sexes, de la taille de la famille, et de la protection de l'environnement. Un feuilleton bien scénarisé peut exercer un fort effet à court terme sur la croissance démographique. C'est relativement peu onéreux et peut fonctionner même quand les systèmes éducatifs formels sont en cours de développement.

La puissance de cette approche a été initiée par Miguel Sabido, un vice-président de Televisa, la chaîne de télévision nationale du Mexique, avec un feuilleton constitué d'une série d’épisodes sur l'analphabétisme. Le lendemain du jour où l’un des personnages du feuilleton s'est rendu à un centre d'alphabétisation pour apprendre à lire et écrire, 250 000 personnes se sont rendues dans ces centres à Mexico. Par la suite, 840 000 Mexicains se sont inscrits dans des cours d'alphabétisation après avoir vu la série. Sabido a traité la contraception dans un autre feuilleton, et en une décennie cette série dramatique a aidé le Mexique à réduire son taux de natalité de 34 pour cent.

D'autres groupes ont rapidement repris cette approche. Le Population Media Center (Centre de Médias Démographiques, ndlt), basé aux États-Unis, a lancé des projets dans quelques 15 pays et planifie des lancements dans plusieurs autres. Leurs fictions diffusées par la radio en Ethiopie, par exemple, abordent des problèmes de santé et d'égalité des sexes, tels que le HIV/SIDA, le planning familial, et l'éducation des filles. Une étude réalisée en 2002, deux ans après le début des émissions, a constaté que 63 pour cent des nouveaux clients venant chercher des soins médicaux génésiques dans 48 centres d'Ethiopie ont indiqué avoir écouté une de ces fictions. La demande de contraceptifs a augmenté de 157 pour cent.

Les coûts pour fournir des services de santé génésique et de planning familial sont faibles comparés à leurs avantages. Etendre ces services pour atteindre tous les femmes dans les pays en voie de développement représenterait près de 13 milliards d'Euros de financements supplémentaires de la part de pays industrialisés et des pays en voie de développement.

Le passage à des familles plus restreintes donne de généreux dividendes économiques. Pour le Bangladesh, les analystes ont conclu que 47 Euros dépensés par le gouvernement pour empêcher une naissance non désirée a économisé 470 Euros de dépenses dans d'autres services sociaux. Investir dans services de santé génésique et de planning familial laisse à disposition plus de ressources fiscales par enfant pour l'éducation et les soins médicaux, accélérant de ce fait la sortie de la pauvreté.

Aider les pays qui veulent ralentir leur croissance démographique à le faire apporte rapidement ce que les économistes appellent le bonus démographique. Quand les pays vont rapidement vers des familles plus petites, l’augmentation du nombre de jeunes à charge, ceux qui ont besoin d'être élevés et instruits, décline par rapport au nombre d'adultes qui travaillent. Dans cette situation, la productivité monte en flèche, l'épargne et l'investissement augmentent, et la croissance économique accélère. Cet effet ne dure que quelques décennies, mais c'est souvent assez pour lancer un pays dans l'ère moderne. D’ailleurs, à part quelques pays riches en pétrole, aucun pays en voie de développement ne s'est modernisé avec succès sans ralentir sa croissance démographique.

Les Nations Unies estiment que répondre aux besoins des 201 millions de femmes qui n'ont pas accès à une contraception efficace pourrait chaque année prévenir 52 millions de grossesses non désirées , 22 millions d'avortements induits , et 1,4 million de décès infantiles. Dit simplement, les coûts pour la société de ne pas combler le manque de planning familial peuvent être plus grands que les moyens dont nous disposons.

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Adapté du chapitre 7, “Eradicating Povery, Stabilizing Population” (éradiquer la pauvreté, stabiliser la population, ndlt) ” de Lester R. Brown, plan B 3.0 : Mobilizing to Save Civilization (Mobiliser pour sauver la civilisation, ndlt) (New York: W.W. Norton & Company, 2008), disponible en téléchargement gratuit et à l'achat sur http://www.earthpolicy.org/index.php?/books/pb3

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