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Earth Policy Institute
Mise à jour du Plan B
Retenue jusqu'au 24 janvier 2008

 

POURQUOI LA PRODUCTION D'ETHANOL VA FAIRE GRIMPER LES PRIX ALIMENTAIRES MONDIAUX ENCORE PLUS HAUT

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka

Nous sommes les témoins du début de l’une des grandes tragédies de l’histoire. Les États-Unis, dans un effort mal dirigé pour réduire son insécurité pétrolière, en convertissant des céréales en carburants pour les automobiles, est en train de créer une insécurité globale alimentaire à une échelle jamais entrevue auparavant.

Le monde rencontre la plus sévère inflation des prix alimentaires de l’histoire tandis que le prix des céréales et de la fève de soja atteignent des niveaux jamais vus. Le négoce de blé sur le Chicago Board of Trade le 17 décembre a dépassé le niveau de 10 dollars par boisseau (1 boisseau équivaut à 35,24 dm3, ndlt.) pour la première fois de l’histoire. A la mi-janvier, le maïs s’échangeait à 5 dollars par boisseau, proche de son plus haut historique. Et le 11 janvier, les fèves de soja s’échangeaient pour 13.42 dollars par boisseau, le plus haut prix jamais enregistré. Tous ces prix sont le double de ceux qui étaient pratiqués il y a un an ou deux.

Comme résultat, le prix des produits alimentaires fabriqué directement à partir de ces commodités comme le pain, les pâtes et les tortillas, et ceux faits indirectement, comme le porc, la volaille, le boeuf, le lait, et les oeufs, sont partout en hausse. Au Mexique, les prix d’un repas à base de maïs ont augmenté de 60 pour cent. Au Pakistan, le prix de la farine a doublé. La Chine fait face à une inflation rampante des prix alimentaires, l’une des pires depuis des décennies.

Dans les pays industriels, la proportion des coûts de transformation et de marketing plus élevée dans les coûts alimentaires, a adouci le coup; mais même ainsi, le prix des matières premières alimentaires grimpent. A la fin 2007, le prix d’un pain de blé complet était plus élevé de 12 pour cent qu’un an plus tôt, le lait a augmenté de 29 pour cent, et les oeufs de 36 pour cent. En Italie, le prix des pâtes a augmenté de 20 pour cent.

Le cours mondial des céréales a augmenté de façon spectaculaire à trois reprises depuis la deuxième guerre mondiale, à chaque fois à cause de récoltes perturbées par des causes météorologiques. Mais aujourd’hui il s’agit d’une demande dépassant simplement l’offre. Pendant sept des huit dernières années, la production de céréales mondiale n’a pas atteint les niveaux de consommation. Ces déficits annuels ont été comblés par la réduction des stocks de céréales, mais les stocks (le total dans les silos quand la nouvelle récolte commence) sont descendus à 54 jours de consommation mondiale, le plus bas chiffre enregistré. (Voir les données sur www.earthpolicy.org.)

De 1990 à 2005, la consommation mondiale de céréales, largement poussée par la croissance démographique et la consommation en hausse de produits animaux nourris avec des céréales, a augmenté d’une moyenne de 21 millions de tonnes par an. Est venue ensuite l’explosion de la demande de céréales utilisées par les distilleries américaines d’éthanol , qui a grimpé de 54 millions de tonnes en 2006 à 81 millions de tonnes en 2007. Ce saut de 27 millions de tonnes a plus que doublé la croissance annuelle de la demande mondiale de céréales. Si 80 pour cent des 62 distilleries actuellement en construction sont finies à la fin 2008, les céréales utilisées pour produire des carburants pour les voitures grimpera à 114 million tonnes, ou 28 pour cent de la récolte projetée en 2008 de céréales américaines.

Historiquement, les économies de l’alimentation et de l’énergie sont restées largement séparées, mais maintenant, avec la construction d’autant de distilleries de carburant à l’éthanol, elles fusionnent. Si la valeur alimentaire de céréales est moindre que sa valeur carburant, le marché va conduire les céréales dans l’économie de l’énergie. Donc quand le prix du pétrole augmente, le prix des céréales le suit à la hausse également.

Une équipe d’économistes d’une université de l’Illinois a calculé qu’avec du pétrole à 50 dollars le baril, c’est rentable (avec la subvention éthanol de 13¢ par litre, égale à 1.43 dollars par boisseau de maïs) de convertir le maïs en éthanol aussi longtemps que le prix reste inférieur à 4 dollars par boisseau. Mais avec du pétrole à 100 dollars le baril, les distilleurs peuvent payer plus de 7 dollars le boisseau de maïs et toujours être profitables. Si le pétrole grimpe à 140 dollars par baril, les distilleurs pourront payer 10 dollars le boisseau pour le maïs (le double du prix de 5 dollars par boisseau début 2008).

La Banque Mondiale indique que pour chaque pour cent de hausse dans les prix alimentaires, l’ingestion calorique parmi les pauvres baisse de 0.5 pour cent. Les millions qui vivent sur les plus faibles marches de l’échelle économique globale, des personnes qui y sont à peine accrochés, vont perdre leur prise et commencer à tomber.

Les projections établies il y a quatre ans par les professeurs C. Ford Runge et Benjamin Senauer de l’université du Minnesota ont montré que le nombre des personnes affamées et dénutries descend de plus de 800 millions à 625 millions d’ici 2025. Mais début 2007, leur mise à jour de ces projections, prenant en compte l’effet des agrocarburants sur les prix alimentaires mondiaux, ont montré que le nombre de personnes qui ont faim grimpe à 1.2 milliards d’ici à 2025. Cette hausse a déjà commencé.

Depuis que les budgets des agences internationales d’aide alimentaire sont fixées d’avance, une hausse dans le prix des aliments fait baisser l’assistance alimentaire. Le Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies (WFP), qui fournit actuellement une aide alimentaire d’urgence à 37 pays, réduit les expéditions tandis que les prix s’envolent. Le WFP rapporte que 18 000 enfants meurent chaque année de faim et de maladies liées à la malnutrition.

Tandis que le prix des céréales grimpe, une politique de rareté alimentaire émerge pendant que des pays exportateurs restreignent leurs exportations pour limiter la hausse des prix des aliments domestiques. A la fin janvier, la Russie (l’un des cinq plus grands exportateurs de blé) va imposer une taxe de 40 pour cent sur le blé exporté, ce qui va effectivement réduire significativement les exportations. L’Argentine, un autre exportateur important de blé, a stoppé les exportations de blé pour une période indéterminée début décembre jusqu’à ce qu’elle puisse évaluer l’état de la nouvelle récolte. Et le Vietnam, le deuxième exportateur de riz après la Thaïlande, a interdit les exportations de riz pour plusieurs mois et ne va probablement pas lever cette interdiction jusqu’à ce que la nouvelle récolte n’arrive sur le marché.

Les prix alimentaires et hausse se traduisent en inquiétude sociale. Cela a démarré début 2007 quand des manifestations liées au prix de la tortilla se sont déroulées au Mexique. Vinrent ensuite les protestions liées au prix des pâtes en Italie. Plus récemment, les prix du pain en hausse au Pakistan sont devenus une source d’inquiétude. A Djakarta, 10 000 indonésiens se sont rassemblés en face du palais présidentiel le 14 janvier, cela pour protester contre le doublement du prix de la fève de soja qui a fait monter le prix du tempeh, le régime national basé sur la protéine de soja. Quand au supermarché de Chongqing, en Chine, où les prix de l’huile de friture s’étaient sont envolés, l’huile a été proposée à un prix réduit, la débandade résultant de l’ouverture des portes a tué trois personnes et en a blessé 31 autres.

Quand les stress économiques se traduisent en stress politiques, le nombre d’états défaillants, comme l’Afghanistan, la Somalie, le Soudan, la République Démocratique du Congo, et Haiti, qui augmentait déjà quand la hausse des prix alimentaires a commencé, pourrait augmenter encore plus vite.

Il y a de quoi être inquiet sur le plan alimentaire. Nous démarrons cette nouvelles récolte de céréales avec le plus bas stock de céréales et le plus haut prix des céréales jamais enregistrés, la possibilité d’une récolte de céréales américaines plus basse pendant que plusieurs millions d’acres de terres utilisées pour la culture du soja sont converties au maïs l’an dernier retournent à la culture du soja, le besoin pour nourrir 70 millions de personnes supplémentaires, et les distilleurs américains voulant 33 millions de tonnes supplémentaires de céréales pour fournir les nouvelles distilleries d’éthanol qui sont prêtes à produire cette année. Les prix pour les ventes à terme de maïs pour décembre 2008 sont plus élevé que ceux de mars, suggérant que les analystes du marché prévoient des livraisons plus faibles après la prochaine récolte.

Tandis que les précédentes hausses dramatiques du prix mondial des céréales ont été provoqué par des causes météorologiques, celle ci a des causes politiques et peut être traité par des ajustements politiques. Le programme des agrocarburants qui satisfait à peine 3 pour cent des besoins de carburant américains ne vaut simplement pas la peine à cause des souffrances humaines qu’il provoquent et du chaos politique qu’il cause. Si la totalité de la récolte de céréales américaine était convertie en éthanol, cela couvrirait à peine 18 pour cent de nos besoins en carburants automobiles.

L’ ironie est que les contribuables américains, en subventionnant la conversion de céréales en éthanol, sont en effet en train de financer une hausse de leurs propres prix alimentaires. Il est temps de stopper les subventions de conversion d’aliments en essence et de le faire rapidement avant que la situation détériorée de l’alimentation mondiale n’entre dans une spirale hors de contrôle.

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Lester R. Brown est le président du Earth Policy Institute et l'auteur
du livre Plan B 3.0: Mobilizing to Save Civilization (Le Plan B 3.0: Mobiliser pour sauver la civilisation, ndlt)

Pour plus de détails sur ce sujet, voir le chapitre 2 de Plan B 3.0, disponible gratuitement en téléchargement sur www.earthpolicy.org.

Données et informations complémentaires: www.earthpolicy.org

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