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14 - APPRENDRE DU PASSÉ

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Earth Policy Institute, extrait du livre Plan B 2.0
Pour Diffusion immédiate, le 19 septembre 2007

APPRENDRE DU PASSÉ

texte en anglais: http://www.earthpolicy.org/Books/Seg/PB2ch11_ss5.htm

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka

Notre civilisation mondialisée du vingt et unième siècle n'est pas la première à être confrontée à la possibilité d'un déclin économique causé par l'environnement. La question est comment allons nous y répondre. Nous avons un seul avantage à notre disposition, des données archéologiques qui nous montrent ce qui est arrivé à des civilisations antérieures qui ont connu des problèmes écologiques et qui ont échoué à y apporter une réponse.

Comme Jared Diamond l'indique dans son livre Effondrement, quelques unes des premières sociétiés qui ont connu des troubles environnementaux ont été capables de changer leurs façons de faire à temps pour éviter le déclin et l'effondrement. Il y a six siècles par exemple, les islandais ont compris que le sur-pâturage sur les parties montagneuses (les "highlands") conduisait à une perte du sol importante à cause des sols minces inhérents à la région. Plutôt que de perdre les prairies et de faire face à un déclin économique, les fermiers se sont regroupés pour déterminer combien de moutons pourraient durablement vivre sur les highlands et se sont alloués des quotas entre eux, préservant ainsi leurs prairies et évitant ce que Garrett Hardin a ensuite appelé la “tragedy of the commons” (titre de son livre publié en 1968: la tragédie des ressources communes, ndlt. )

Les Islandais on compris les conséquences du sur-pâturage et ont réduit leur nombre de moutons à un niveau qui pouvait être maintenu durablement. Nous comprenons les conséquences de brûler des combustibles fossiles: l'accumulation résultante de CO2 dans l'atmosphère. Mais au contraire des Islandais qui ont réussi à restreindre la taille de leurs troupeaux, nous n'avons pas été capables de restreindre nos émissions de CO2.

Toutes les sociétés ne s'en sont pas aussi bien sorties que les islandais, dont l'économie continue à produire de la laine et à prospérer. La civilisation antique des Sumériens au quatrième millénaire avant JC était extraordinaire, beaucoup plus avancée que toutes les précédentes. Son système d'irrigation, soigneusement conçu, a donné naissance à une agriculture hautement productive, ce qui a permis aux paysans de produire des surplus alimentaires, soutenant la formation des premières villes. Gérer le système d'irrigation demandait une organisation sociale sophistiquée. Les Sumériens ont eu les premières villes et le premier système d'écriture, l'écriture cunéiforme.

Par beaucoup d'aspects c'était une civilisation extraordinaire, mais la conception de leur système d'irrigation avait un défaut environnemental, un défaut qui à la longue pouvait torpiller la fourniture de nourriture. L'eau accumulée derrière des barrages construits au travers de l'Euphrate était détourné vers la terre au moyen d'un réseau de canaux alimentés par la gravité. Une partie de l'eau était utilisée par les cultures, une partie s'évaporait et une partie s'écoulait dans le sous sol. Dans cette région, ou le drainage souterrain était faible, la percolation faisait lentement monter le niveau de la nappe phréatique. Quand l'eau est arrivée à quelques centimètres de la surface, elle a commencé à s'évaporer dans l'atmosphère, laissant du sel. Avec le temps, l'accumulation de sel sur le sol a réduit sa productivité.

Tandis que le sel s'accumulait et que les rendements de blé déclinaient, les Sumériens ont opté pour l'orge, une plante tolérant mieux le sel. Cela a retardé le déclin de Sumer, mais ils traitaient les symptômes, pas la cause, de récoltes aux rendements décroissants. Comme les concentrations de sel ont continué à s'accumuler, les récoltes d'orges ont à terme décliné aussi. La contraction résultante de la fourniture de nourriture ont miné la base économique d'une civilisation à l'époque développée. Comme la productivité du sol a décliné, la civilisation a suivi le même chemin.

L'archéologue Robert McC. Adams a étudié le site de l'ancienne Sumer sur la plaine d'inondation centrale du fleuve Euphrate, une zone vide et désolée, maintenant au dehors des frontières des zones de culture. Il décrit comment les "dunes entortillées, les terre pleins des canaux depuis longtemps tombés en désuétude, et monticules de gravats éparpillés d'anciennes constructions contribuent à un relief bas, sans caractère. La végétation est clairsemée, et dans beaucoup d'endroits, elle est presque complètement absente ... Et pourtant, à une époque, était le coeur, le centre de la plus vieille civilisation alphabétisée du monde.”

L' homologue de Sumer dans le nouveau monde est la civilisation Maya qui s'est développée dans les terres basses de ce qui est maintenant le Guatemala. Elle a fleuri de 250 après JC, jusqu'à son effondrement en 900 après JC. Comme les Sumériens, les Mayas avaient développé une agriculture sophistiquée, hautement productive, celle là étant basée sur des parcelles de terre surélevées entourées de canaux qui fournissaient l'eau.

Comme avec Sumer, la chute Maya était apparemment liée à une chute de l'approvisionnement en nourriture. Pour cette civilisation du nouveau monde, c'est la déforestation et l'érosion du sol qui a miné l'agriculture. Des changements climatiques pourraient aussi avoir joué un rôle. Les manques de nourriture ont apparemment déclenché une guerre civile entre les différentes villes Mayas tandis qu'elles étaient en compétition pour la nourriture. Aujourd'hui, cette région est couverte de jungle, regagnée par la nature.

Pendant les derniers siècles de la civilisation Maya, une nouvelle société évoluait sur la lointaine île de Pâques, quelques 166 kilomètres carrés de terre dans le Pacifique Sud à environ 3 200 kilomètres à l'ouest de l'Amérique du Sud et à 2 200 kilomètres de l'île Pitcairn, la terre habitée la plus proche. Etablie environ en 400 après JC, cette civilisation s'est épanouie sur une île volcanique avec des sols très riches et une végétation luxuriante, incluant des arbres qui poussaient jusqu'à 25 mètres de haut, avec des troncs de 2 mètres de diamètre. Les données archéologiques indiquent que les populations insulaires mangeaient surtout du poisson, principalement des dauphins, un mammifère qui ne pouvait être attrapé qu'au harpon à partir de grands canots capables d'aller en mer.

La société de l'île de Pâques a fleuri pendant plusieurs siècles, atteignant une population estimée de 20 000 personnes. Comme la population humaine grandissait graduellement, l'abattage d'arbres a dépassé le rendement durable des forêts. Finalement, les grands arbres nécessaires pour construire les canots solides disparurent, privant la population insulaire de dauphins et a dramatiquement réduit leur approvisionnement en nourriture. Les données archéologiques montrent qu'a un certain point, des os humains ont été mélangés aux os de dauphin, suggérant une société désespérée qui a eu recours au cannibalisme. Aujourd'hui l'île a moins de 4 000 résidents.

L'une des questions, sans réponses, sur ces civilisations précédentes est si elles savaient ce qui causait leur déclin. Est ce que les Sumériens ont compris que la hausse de sel contenue dans le sol, provenant de l'évaporation d'eau, réduisait leurs récoltes? S'ils savaient étaient t' ils simplement incapables de réunir les appuis politiques pour réduire le niveau des nappes phréatiques, tout comme le monde d'aujourd'hui lutte avec bien peu de résultats pour réduire ses émissions de carbone?

Ce ne sont que trois des nombreuses civilisations antiques qui se sont engagées dans un chemin économique que la nature ne pouvait soutenir. Nous aussi sommes sur un tel chemin. Chacune des tendances de dégradation environnementales pourraient compromettre la civilisation telle que nous la connaissons. Tout comme le système d'irrigation qui a défini la précoce économie Sumérienne avait un défaut, de même pour le système énergétique basé sur les combustibles fossiles qui définit notre économie moderne. Pour eux, c'est une nappe phréatique de plus en plus haute qui a miné l'économie; pour nous se sont les niveaux croissants de CO2 qui menacent de dérégler notre progrès économique. Dans les deux cas, la tendance est invisible.

Que cela résulte de la "salaison" des terres agricoles de Sumer, de la déforestation et de l'érosion du sol des Mayas, ou des forêt amoindries et de la perte des capacités de pêche en eaux distantes des habitants de l' île de Pâques, l'effondrement de ces anciennes civilisations apparaît comme avoir été associée au déclin de la disponibilité de nourriture. Aujourd'hui, l'addition annuelle de plus de 70 millions de personnes à une population mondiale de plus de 6,5 milliards d'habitants, à un moment où les nappes phréatiques baissent, les températures augmentent, et la disponibilité du pétrole va bientôt se réduire, suggère que la production de nourriture pourrait une fois de plus être le lien vulnérable entre l'environnement et l'économie.

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