01 - SUBVENTIONNER LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

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Earth Policy Institute
extrait du livre Plan B 2.0 / pour Diffusion immédiate, le 1er février 2007

texte en anglais:
http://www.earth-policy.org/Books/Seg/PB2ch04_ss7.htm

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka, février 2007

Chaque année, dans le monde, les contribuables fournissent environ 700 milliard de $ de subventions pour des activités destructives en matière d'environnement, comme la combustion d'hydrocarbures fossiles, la surexploitation des aquifères, la coupe à blanc de forêts, et la sur-pêche. Une étude du Earth Council (Conseil de la Terre, ndlt) "Subventionner le développement non durable", souligne qu' “il y a quelque chose d'incroyable sur le fait que le monde dépense chaque année des centaines de milliards de dollars pour subventionner sa propre destruction.”

L'Iran offre un exemple classique de subventions extrêmes quand elle tarife le pétrole pour l'usage domestique au dixième du cours mondial, en encourageant fortement la possession d'une voiture et la consommation d'essence. La Banque Mondiale indique que si cette subvention annuelle de 3.6-milliard de $ était supprimée, cela réduirait étonnamment les émissions carbone de l' Iran de 49 percent. Cela renforcerait aussi l'économie en libérant de l'argent public pour l'investissement dans le développement économique du pays. L'Iran n'est pas seul dans ce cas. La Banque mondiale signale également que la suppression de subventions énergétiques réduirait les émissions de carbone au Venezuela de 26 pour cent, en Russie de 17 pour cent, en Inde de 14 pour cent, et en Indonésie de 11 pour cent.

Quelques pays éliminent ou réduisent ces subventions qui dérèglent le climat. La Belgique, la France et le Japon ont éliminé toutes les subventions pour le charbon. L'Allemagne a réduit sa subvention pour le charbon de 5.4 milliard de $ en 1989 à 2.8 milliard de $ en 2002, pendant qu'ils diminuaient la consommation de 46 pour cent. Cette aide sera supprimée d'ici 2010. La Chine réduit sa subvention au charbon de 750 million de $ en 1993 à 240 million de $ en 1995. Plus récemment, elle a imposé une taxe sur les charbons à forte teneur en souffre.

Une étude du parti Vert Britannique, “Aviation’s Economic Downside” ("la face cachée de l'économie de l'aviation", ndlt) décrit le montant des subventions données à l'industrie du secteur aérien. Cela débute avec des réductions d'impôts de 17 milliard de $, incluant une exemption totale de la taxe fédérale. Les coûts externalisés ou indirects, comme le traitement des maladies dues au fait de respirer un air pollué par les avions, le coût du changement climatique, et ainsi de suite, ajoutent presque 7 milliards de $ à la note. La subvention au Royaume-Uni représente 391 $ par habitant. C'est aussi une politique fiscale régressive simplement parce qu' une partie substantielle de la population britannique ne peut se permettre de prendre l'avion, pourtant ce mode de transport coûteux est subventionné pour la partie de la population la plus aisée.

Pendant que les pays industriels les plus avancés ont réduit leurs subventions aux combustibles fossiles - notamment le charbon, le combustible le plus impactant en matière de changement climatique - les Etats Unis ont augmenté leur aide aux combustibles fossiles et à l'industrie nucléaire. Un rapport des Green Scissors (ciseaux verts, ndlt) de 2002, une étude demandée par une coalition de groupes environnementaux, a calculé que pendant les 10 années précédentes les subventions pour les industries de l'énergie se chiffrent à 33 milliards de $. Sur ce total, l'industrie du pétrole et du gaz ont reçu 26 milliards de $, le charbon 3 milliards, et le nucléaire $4 milliards. A un moment où il est nécessaire de préserver les ressources pétrolières, les contribuables américains subventionnent leur épuisement.

En soi, les subventions ne sont pas mauvaises. De nombreuses technologies et industries sont issues de subventions gouvernementales. Les avions à réaction se sont développés avec des dépenses de R&D militaires, et ont conduit aux avions de ligne commerciaux modernes. Internet est le résultat de liens entre les ordinateurs de laboratoires gouvernementaux et d'instituts de recherche financés par le secteur public. La combinaison de la déduction de la taxe fédérale et une forte réduction de la taxe de l'état en Californie a donné naissance à l'industrie éolienne moderne.

Il y a un besoin urgent de faire évoluer les subventions. Eliminer les subventions destructrices de l'environnement réduit à la fois la charge sur les contribuables et limite les activités destructives. Un monde confronté à la perspective d'un changement climatique bouleversant l'économie, ne peut justifier plus longtemps des subventions pour accroître la combustion de pétrole et de charbon. Déplacer ces subventions vers le développement de sources d'énergies plus neutres sur le climat comme le vent, le solaire, la biomasse et la géothermie est une clé pour stabiliser le climat de la planète. Déplacer les subventions de construction de routes vers la construction de voies ferrées pourrait augmenter la mobilité dans de nombreux cas, tout en réduisant les émissions de carbone.

Dans une économie mondiale avec des déficits fiscaux à tous les niveaux du gouvernement, l'exploitation de ces déplacements de subventions, comme des déplacements de taxes, peuvent contribuer à équilibrer les comptes et préserver les systèmes environnementaux qui supportent l'économie. Les déplacements de subventions et de taxes promettent des gains à la fois dans l'efficacité économique et dans la réduction de la destruction environnementale, une situation gagnant-gagnant.

A un moment ou le public est de plus en plus sensibilisé au changements climatiques occasionné par l'utilisation des combustibles fossiles, son industrie est toujours subventionnée à hauteur de 210 milliard de $ par an. Les subventions aux combustibles fossiles appartiennent à une époque passée où le développement des industries du pétrole et du charbon étaient vues comme un moteur du progrès économique —et non une menace pour notre civilisation du 21e siècle. Une fois mises en place, les subventions ont conduit des lobbies aux intérêts particuliers à se battre bec et ongle contre leur élimination, même celles qui n'étaient pas adaptées au départ.

Aux Etats-Unis, les sociétés pétrolières et gazières sont peut être maintenant les lobbies les plus puissants à Washington. Entre 1990 et 2004, elles ont amassé 181 million de $ dans des contributions à des campagnes visant à protéger des des déductions fiscales spéciales se chiffrant en milliards. Donald Lubick, secrétaire adjoint aux politiques fiscales pour le Trésor américain déclarait en témoignant devant le Congrès au comité Ways and Means (Direction et Moyens, ndlt) au sujet des compagnies pétrolières et gazières en 1999: “Voilà une industrie qui a, en proportion de sa taille, une aide fiscale plus importante que n'importe quelle autre industrie dans le pays.” Que des investissements aussi profitables soient possibles est un indicateur de la corruption du système politique américain, et particulièrement la possibilité pour ceux qui ont l'argent de modeler l'économie à leur avantage.

Les subventions pénètrent et déforment chaque secteur de l'économie mondiale. La subvention aux mines de charbon en Allemagne était justifiée au départ par le maintient des emplois, par exemple. A son sommet, le gouvernement subventionnait à hauteur de 90,000 $ par travailleur par an. En termes purement économiques, il aurait été plus sensé de fermer les mines et de payer les mineurs à ne pas travailler.

De nombreuses subventions sont cachées aux contribuables. Cela est particulièrement vrai pour l'industrie des combustibles fossiles, dont les subventions incluent une autorisation d'épuisement pour pomper du pétrole aux Etats-Unis. Plus grave encore sont les dépenses militaires habituelles américaines pour protéger l'accès au pétrole du Moyen Orient, qui ont été estimées par les analystes de la Rand Corporation (association à but non lucratif qui s'occupe des challenges auxquels sont confrontés les secteurs publics et privés, ndlt) la dernière guerre d'Irak coûte entre 30 milliard et 60 milliard de $ par an, alors que le pétrole importé de la région n'a qu' une valeur de 20 milliard de $.

Une étude de 2001 conduite par Redefining Progress (Redéfinir le Progrès, ndlt) montre que les contribuables américains subventionnent l'utilisation de l' automobile pour 257 milliard de $ par an, soit environ 2,000 $ par contribuable. En plus de subventionner les émissions de carbone, cela signifie aussi que les contribuables qui ne possèdent pas de voitures, y compris ceux qui sont trop pauvres pour en avoir une, subventionnent ceux qui en ont.

L'un des sujets brûlants de la subvention des combustibles fossiles est qu'elle offre une réserve de déductions fiscales pouvant être utilisées pour des sources d' énergies renouvelables bénignes pour le climat, comme l'éolien, le solaire et la géothermie. Subventionner les combustibles fossiles revient à subventionner les vagues de chaleur desséchant les cultures, la fonte des glaces, la hausse du niveau des océans, et des tempêtes encore plus destructives. Il est sans doute temps pour les contribuables du monde d'indiquer si c'est comme cela qu'ils veulent que l'on dépense leur argent durement gagné.
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Adapté des chapitres 4 et 12 de Plan B 2.0: Rescuing a Planet Under Stress and a Civilization in Trouble de Lester R. Brown (New York: W.W. Norton & Company, 2006), disponible en ligne sur www.earthpolicy.org/Books/PB2/index.htm
(Le Plan B 2.0: Sauver une planète sous stress et une civilisation en danger, ndlt)

Information complémentaire: www.earthpolicy.org

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