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JUSQU'À QUAND LES CANDIDATS
NOUS MENTIRONT T'ILS SUR L'IMPASSE ENERGETIQUE DANS LAQUELLE LA CROISSANCE NOUS ENTRAINE ?


 

 

6 mai 2012

Le président qui sera élu ce soir sera, malgré l'ambition de son programme initial, sera confronté à une réalité : la croissance qu'il envisage ne se produira pas sur le long terme, à cause du paramètre énergétique. En effet, la plupart des candidats du premier tour s'appuyaient sur une nécessité de croissance économique pour soutenir leurs propositions. Les deux candidats du 2e tour sont également dans cette optique. C'est ce que j'entends démonter dans cet article, dont les informations sont issues d'un travail de recherche mené avec Benoit Thévard, (confrère, collègue et ami, qui se mobilise pour sensibiliser les populations aux conséquences du pic pétrolier). Ainsi, après un rappel du contexte, nous nous pencherons sur le détail de l'équation énergétique.

Dans un contexte avéré de changement climatique et de ressources fossiles en cours d’épuisement (dont les énergies fossiles !) notre consommation d’énergie devra nécessairement baisser. La disponibilité des matières premières issues du pétrole, ou celles qui ont été extraites, ou encore celles qui ont été transformées grâce aux énergies fossiles, devient de plus en plus contrainte.

plastiquemine de cuivre

metal

D'autre part, la conjoncture économique actuelle, est marquée par "la crise" économique et financière, ce qui a conduit les états à renflouer les banques avec de l'argent public. Pour faire face à la dette publique croissante, qui entraine une augmentation inéluctable de sommes d'intérêts de plus en plus élevés, il faudra augmenter les recettes fiscales, soit par la croissance, soit par l'augmentation des impôts. En fait, il s'agit de stabiliser la hausse continue des dépenses publiques comme le révèle le graphique publié par l'INSEE, sur l'évolution de la dépense publique en valeur (indice base 100 = 1978):

depense publique france

Pour résoudre ces problèmes, les politiques raisonnent principalement d'une manière qui vise à poursuivre la croissance économique, ou plus exactement la relancer car elle est en berne. Or il n’est pas possible de rembourser la dette sans une croissance économique permanente (ou une baisse drastique des dépenses publiques…). En effet si le PIB décroit, l'Etat recevra moins de contributions fiscales, ce qui limite sa capacité à rembourser sa dette, et l'incite à prélever davantage d'impôts ce qui complique à nouveau les possibilités de croissance du PIB.
La question de fond devient donc : la croissance continue est ‘elle possible dans un contexte de réduction de la consommation d’énergie ?

François HollandesaNicolas Sarkosy

Leur programme des deux candidats contient des nuances sur la manière de conduire des réformes sociales, de gérer les aspects liés à l'environnement.
Mais tous les deux sont d'accord sur l'idée qu'il faut poursuivre la croissance économique, déjà largement amorcée depuis la fin de la 2e guerre mondiale.

PIB France 1950 - 2010

Comment expliquer cela rationnellement ? Cela tient à l'organisation de notre système économique : l'économie de marché. Ce type d’économie fonctionne sur l'ajustement de la demande et de l'offre, qui fixe un niveau de prix correspondant. Pour que le PIB soit en croissance il faut donc que le niveau de prix soit plutôt élevé que bas, et que la population soit dans une dynamique de consommation, ce qui est rendu possible par marketing habile, et une publicité omniprésente. Pour être satisfait, il faut que le salaire d'un travailleur soit supérieur à ses besoins. Donc pour avoir une majorité de salariés satisfaits, l’entreprise est condamnée à faire grossir ses marges tout en parvenant à satisfaire toujours plus de clients, et de limiter celles de ses fournisseurs pour faire toujours plus de profit.

Cette économie de marché indomptable a aujourd'hui un tel besoin de croissance que le niveau de croissance actuel n'est rendu possible que par le recours au crédit. Crédit public et privé, qui génèrent de la croissance par le seul mécanisme du remboursement des intérêts, devenus créateurs d'une richesse virtuelle. Dans le monde réel, cela se traduit évidemment par de l'inflation et une baisse correspondante du pouvoir d'achat. Ce niveau de crédit réclame des banques capitalisées à un niveau suffisant pour soutenir l'activité économique. En résumé, pour que la croissance puisse se poursuivre, il faut des crédits. Si il n'y pas de croissance, alors le PIB baisse, entrainant des conséquences macro économiques et sociales désagréables (pression sur les emprunteurs, manque de confiance, hausse du chômage, baisse de la consommation, hausse des prix, précarité énergétique … ).

A force de "fabriquer" de la croissance, avec de plus en plus de crédits, et la création de produits financiers dérivés, l'économie réelle s'est décoléré de l'économie financière. Au premier niveau, la financiarisation de l'économie s'observe par la création de bulles financières, plus ou moins découplées de l'économie réelle (c'est à dire non corrélés à des échanges de biens et de services). Souvenons-nous que la fonction première du secteur financier était de faciliter et d'accélérer la possibilité des échanges de biens et de services. Regardons les importances relatives de l'économie "réelle" et de l'économie" financière" :

economie reelle et financiere

Il apparait ainsi qu'aujourd'hui dans le monde, l'économie financière représente 50 fois l'économie réelle. Si cette déconnexion laisse présager un risque d'effondrement accru des bulles financières, n'oublions pas pour autant que cette économie financière repose à la base sur la "couche" d'économie réelle. Si on simplifie maintenant les choses pour ne pas nous perdre dans les labyrinthes des arcanes d'une économie financière plus ou moins virtuelle, disons que pour que l'économie réelle puisse poursuivre sa trajectoire de croissance (et donc potentiellement aussi celle de l'économie financière), il faut:
- des idées
- du travail
- des ressources
Et bien sûr maintenir le niveau de consommation. Dans l'économie réelle, pour que la consommation soit possible, il faut produire des biens et des services. Cette production (donc croissance ) ne peut se faire sans énergie. En effet, l'énergie est le seul facteur qui agrège tous les autres : principalement le travail humain, le transport et la transformation des matières premières, la transmission d'informations, l'innovation technique. L'énergie est ce qui permet à un système de changer d'état. Soit on apporte de l'énergie au système et on réduit son entropie, ou son entropie s'accroit et le système émet de l'énergie. La production de biens et de services consomme intrinsèquement de l'énergie selon les lois de la physique.

La disponibilité de l'énergie est cruciale : regardez de quoi est fait votre écran, votre clavier, ce qu'il y a autour de vous : des objets la plupart du temps fabriqués à base de pétrole, ou qu’il a fallut transporter avec du pétrole. Aujourd'hui, 80 % de l'économie mondiale est propulsée aux énergies fossiles. Certes, nous avons atteint un niveau de confort matériel sans précédent dans les pays développés, mais on peut se demander si nous ne sommes pas "englués" dans ce confort à présent, subissant un bombardement incessant d'informations. D'autant que l'écart des inégalités s'accroît, tant au sein des pays développés qu'avec les pays moins développés. Il est donc légitime de questionner la poursuite effrénée de cette croissance. Arrêtons nous un instant sur cette phrase :
« Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. » Kenneth Boulding (1910-1993), président de l'American Economic Association.
L'impossibilité apparente d'une croissance continue entre en contradiction avec les postulats défendus par les deux candidats, et mérite que l'on réfléchisse à la question : Que se passe-t-il si on poursuit la croissance encore quelques décennies comme par le passé ?

Le PIB mesure de la production économique d'un territoire, et c'est le principal indicateur de croissance. La croissance du PIB, également appelée croissance économique, suppose l'augmentation du travail nécessaire pour produire des biens et des services dans la sphère économique réelle (sauf si on génère la croissance nécessaire dans l'économie virtuelle financière, ce qui de fait augmente le risque d'implosion de l'économie dans son ensemble). Une augmentation du PIB suppose donc d'augmenter la production et donc aussi augmenter la consommation d'énergie.

Le taux d'augmentation de la consommation d'énergie dépend de l'intensité énergétique : c'est la quantité d'énergie nécessaire pour une production économique. Les mesures d'efficacité énergétique suite aux chocs pétroliers ont permis de réduire l'intensité énergétique, au travers de l’efficience accrue des équipements (voitures, électro ménager, procédés industriels etc…). La consommation d'énergie sur un territoire dépend de sa population, du niveau de vie de celle ci (PIB par habitant) et de l'intensité énergétique de ses productions. Pour poursuivre la croissance, il faut donc qu'au moins une des trois variables suivante augmente :
- le nombre de consommateurs
- la consommation par habitant
- la productivité économique de l'énergie, (ce qui revient à baisser l'intensité énergétique)

Le nombre de consommateurs augmente encore à l'échelle mondiale, car la démographie n'est pas stabilisée. Mais dans un pays développé comme la France, ce ne sera à l'évidence pas un moteur suffisant pour alimenter la croissance. Restent la consommation par habitant et la productivité de l'énergie. Si la consommation par habitant augmente encore, il faudra également faire évoluer à un niveau au moins équivalent la productivité de l'énergie, si on souhaite stabiliser la consommation d'énergie, comme la sagesse en matière de réchauffement climatique nous y invite. Mais en considérant seulement l'épuisement programmé des ressources énergétiques fossiles, cela signifie que pour permettre à l'économie de continuer de croitre, il faudra accomplir des progrès conséquents en termes de productivité énergétique.

Une simulation numérique à l'horizon 2050 nous montre que globalement, au regard des quantités d'énergie disponibles, la stabilisation de la population ne suffit pas à faire baisser la consommation d'énergie si le PIB continue de croitre de 2% par an si l'intensité énergétique ne diminue que de 1 % par an : il faudrait que la population décroisse également de 1% par an pour que les choses restent à l'équilibre. Par contre si la trajectoire démographique se poursuit, avec une poursuite de la baisse de l'intensité énergétique de 1 % par an, et en stabilisant la consommation d'énergie, alors l'économie ne peut que connaitre une récession sévère à court et moyen terme. Enfin, nous concluons de notre simulation qu'avec la disponibilité de l'énergie mondiale, et au rythme d'augmentation de la population, il faudra parvenir à faire baisser l'intensité énergétique de près de 3 % par an pour parvenir à stabiliser la consommation d'énergie.

Or l'analyse des tendances récentes montre que l'intensité énergétique baisse moins vite que les 2 autres facteurs (croissance et démographie), et même s'inverse en 2010 ! Les gains d'efficacité énergétique se trouvent limités par l’effet rebond : un progrès technique dans un domaine incite un usage plus important de cette technologie et annule ainsi les économies d'énergies induites par l'intensité énergétique. Tim Jackson démontre par ailleurs dans son ouvrage "Prospérité sans croissance" le mythe du découplage, qui voudrait que l'on puisse faire croitre l'économie en s'affranchissant de la dépendance au flux de matières premières. En fait seul un découplage relatif existe, et atteindre un découplage absolu supposerait de parvenir à améliorer la baisse de l'intensité énergétique d'un facteur 10 par rapport aux baisses les plus conséquentes réalisées.

Les tendances inscrites dans les manières de penser du monde moderne font que la population continue d'augmenter, et les revenus par habitant aussi. Poursuivre la croissance par rapport au contexte de raréfaction des ressources, suppose de stabiliser l'utilisation de l'énergie, or les avancées technologies actuelles ne le permettent pas.
Poursuivre indéfiniment la croissance n'est donc pas une option viable. Les candidats on t'ils oublié de réfléchir à des questions essentielles ou sont-ils ignorants ?
Ou alors prennent t'ils soin de nous cacher une vérité dérangeante ?
Ou encore : y a t'il quelque chose de plus profond qui cloche dans notre système?

Face à cette impasse, je fais appel à l'action citoyenne : faire fonctionner l'intelligence collective pour faire émerger une nouvelle compréhension du fonctionnement de notre société. Nous rassembler pour inventer des solutions nouvelles et expérimenter leur mise en oeuvre. Déjà plusieurs mouvements de mobilisation citoyenne émergent … rejoignez-les !

Marc Zischka

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